Europe Ecologie-Les Verts vient de perdre ses deux présidents de groupe parlementaire. Coup sur coup, le député François de Rugy et le sénateur Jean-Vincent Placé claquent la porte du parti écolo, dont ils dénoncent tous deux « la dérive gauchiste ». Comme eux, le député du Doubs Eric Alauzet est sur une ligne pro-gouvernementale, désormais minoritaire au sein d’EELV. Mais l’élu bisontin n’entend pas quitter son parti. En tout cas pas pour l’instant. « Ça durera ce que ça durera », nous dit-il. Interview.
Avez-vous été surpris par les départs de François de Rugy et Jean-Vincent Placé, auxquels il faut ajouter celui de François Michel Lambert, député des Bouches-du-Rhône ?
« Non, personne n’est surpris. Tout le monde connaît le désarroi qui traverse notre mouvement, et tous les partis politiques d’ailleurs. Il y a à EE-LV des différences importantes entre ceux qu’on appelle les réalistes et les fondamentalistes. Ces différences s’expriment à chaque rendez-vous politique: la participation au gouvernement, les alliances aux élections régionales ou la présentation d’un candidat à la présidentielle. Pour François de Rugy, la sortie de son bouquin a accéléré les choses. Jean-Vincent Placé avait annoncé ses intentions il y a quelques jours. Moi je ne suis pas dans le même tempo. »
Justement, vous défendez la même ligne politique que Jean-Vincent Placé et François de Rugy, celle d’un soutien au gouvernement dans la lignée de l’accord de 2012 avec le PS. Ce n’est plus du tout la position de la direction actuelle d’EELV. Êtes-vous tenté de les suivre et de quitter votre parti ?
« Je ne peux pas répondre à cette question. Pour l’instant, je reste chez les Verts. Ma ligne politique représente 20 à 30% du mouvement, mais elle va sûrement se réduire suite à ces départs. C’est de plus en plus difficile. Cela fait longtemps que je me pose des questions, et je trouve que mon parti ne s’en pose pas assez, notamment sur la question centrale de l’entreprise. Je tente de faire bouger les choses, mais je rame. Tout le monde s’épuise dans cette affaire. »
La fracture était de plus en plus profonde entre certains parlementaires et la ligne officielle du parti. Ces démissions ne relèvent-elles pas d’une certaine logique ?
« Je comprends Jean-Vincent Placé et François de Rugy. Mais je souhaite continuer à me battre encore en interne. Ça durera ce que ça durera. On fait constamment le grand écart à EELV. Je ne peux pas dire « Il faut être tenace, patient avec le PS » et ne pas essayer de l’appliquer au sein de mon parti. »
Partagez-vous le constat des trois démissionnaires quand ils dénoncent la dérive « gauchiste » d’EELV ?
« Plus qu’une dérive gauchiste, je parlerai d’un repli sur soi. Mes amis ne veulent jamais voir les avancées, les progrès. Deux exemples: on a certes abandonné l’écotaxe, mais on a taxé de 4 centimes le diesel pour les poids lourds. Et puis on a aussi mis en place la taxe carbone. On est dans la contestation permanente, la critique systématique. Notre principale faiblesse, c’est de ne pas entendre les critiques de l’opinion publique, souvent justifiées, quand nous sommes aux affaires. »
Vous semblez constamment sur la corde raide, tiraillé entre la fidélité au PS qui a permis votre élection et les choix de la direction du parti. Comment faites-vous pour ne pas perdre l’équilibre ?
« Je suis bien dans mes bottes. D’ailleurs, beaucoup de mes amis me respectent parce que j’argumente, j’essaie d’apporter des nuances, d’avoir de la rigueur intellectuelle. Nous avons notre rôle à jouer ».
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