Dans une lettre datée du 25 avril adressée au Premier ministre, Jean-Pierre Chevènement demande une « prompte intervention » de Manuel Valls dans le dossier de reprise du groupe Alstom, convoité par l’Américain General Electric. Le sénateur du Territoire de Belfort, qui fut ministre de l’Industrie entre 1981 et 1983, considère que « la reprise de la branche énergie d’Alstom porterait un coup fatal à l’indépendance de notre filière électronucléaire. » « A travers les marchés publics, l’État a les moyens de se faire entendre », assure Jean-Pierre Chevènement au Premier ministre. Découvrez ce courrier en intégral.
Alstom et General Electric sont tous les deux implantés à Belfort, où les deux groupes emploient plus de 4200 salariés.
La lettre de Jean-Pierre Chevènement à Manuel Valls:
« Belfort, le 25 avril 2014
Monsieur le Premier Ministre,
La presse économique (Les Echos du 25 avril 2014 et le Figaro économique du même jour) annoncent comme très avancé le projet de rachat de la branche énergie (Alstom Power) par General Electric.
Le groupe américain a déjà repris en 1999 la branche « turbines à gaz » quand Alstom a choisi de reprendre les turbines à gaz fabriquées en Suisse.
Ce fut une énorme erreur à laquelle Alstom a failli ne pas survivre.
Avec le recul de quinze ans, nous constatons que cette opération autorisée par le Gouvernement de l’époque a abouti à deux résultats : Alstom a vu sa part du marché dans les turbines à gaz, qu’elle fabrique désormais en Suisse, se réduire considérablement. Par ailleurs, General Electric, s’il a dans un premier temps développé ses fabrications à Belfort, tend aujourd’hui à relocaliser une part de ses fabrications aux États-Unis, ce qui correspond, semble t-il, aux orientations données par le Président Obama.
Cette évolution illustre la nécessité de maintenir en France les centres de décision, comme vous l’avez d’ailleurs évoqué. Nous savons ce que nous a coûté l’abandon d’Usinor-Sacilor à Arcelor, au prétexte de constituer un groupe européen, puis à Mittal, la France s’étant désarmée en acceptant le choix du Luxembourg pour l’implantation du siège social d’Arcelor.
Il en est allé de même avec Péchiney, abandonné à Alcan sur décision de la Commission européenne avec comme conséquence la fermeture de l’usine de St Jean de Maurienne.
Hier, c’était le tour de Lafarge dont le siège social a été délocalisé de Paris à Zurich.
Aujourd’hui, la reprise de la branche énergie d’Alstom porterait un coup fatal à l’indépendance de notre filière électronucléaire. Elle signifierait l’abandon par la France d’un des deniers pans de son industrie d’équipement : turbines à vapeur, alternateurs de moyenne et de grande puissance etc.
Comme l’observe le journal les Echos, la fuite des centres de décision est dramatique : lorsqu’on mesure pleinement les conséquences, comme à la guerre il sera trop tard pour livrer bataille.
C’est pourquoi je vous demande instamment, Monsieur le Premier Ministre, de bien vouloir faire valoir aux actionnaires et aux dirigeants des groupes concernés que ce transfert de propriété est hors de question. A travers les marchés publics, l’État a les moyens de se faire entendre.
Vous remerciant d’une prompte intervention, je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’assurance de ma considération distinguée.
Jean-Pierre Chevènement »
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