Les chevènementistes du FN sont-ils des brebis égarées? Le FN serait-il plus chevènementiste que le « Che » ? Se parant des atours de la fermeté républicaine chère à Jean-Pierre Chevènement, le parti de Marine Le Pen utilise sa bonne image comme certificat de dédiabolisation réussie. Jean-Pierre Chevènement ? « S’il écoutait ses convictions, il serait avec nous », assure à l’AFP Florian Philippot, bras droit de Marine Le Pen, qui revendique un passé chevènementiste. « La plupart du temps, il est plus proche de nous que de François Hollande ». Il a « une analyse assez similaire » à celle du FN « sur un certain nombre de points », avait déjà dit la patronne du FN en 2011. L’analyse de nos confrères de l’AFP.
L’opération séduction s’est poursuivie pendant la présidentielle 2012, lorsque Bertrand Dutheil de La Rochère, porte-parole de la campagne et ancien directeur de cabinet de M. Chevènement, avait appelé les maires ayant parrainé l’ancien ministre de l’Intérieur, qui s’était retiré de la course, à soutenir le FN.
D’ailleurs, désormais, des « Chevènementistes, il y en a pas mal » au FN, affirme M. Philippot.
Paul-Marie Coûteaux, « recruteur » du FN, n’a-t-il pas été au cabinet de M. Chevènement version ministre de la Défense, entre 1988 et 1991 ? Les meneurs du collectif « Racine »,
satellite FN lancé dans le monde enseignant, n’assurent-ils pas venir du chevènementisme ?
Le principal intéressé s’oppose à « toute tentative de récupération ». « Tous ces gens me considèrent comme leur mentor, ils ne m’ont pas demandé mon avis ! », s’indigne
Jean-Pierre Chevènement, interrogé par l’AFP.
Il égrène : « Philippot, que je n’ai jamais rencontré, il va clamer partout qu’il est chevènementiste. Dutheil, c’est un spécimen humain original… Paul-Marie Coûteaux, c’est tout à fait excessif de dire que nous avons travaillé ensemble »
« Il n’y a plus d’avenir politique du côté de chez Jean-Pierre Chevènement »
Pourquoi ces personnes sont-elles désormais au FN ? « Des gens ont eu l’impression que le PS et la gauche en général cédaient sur le multiculturalisme, la globalisation libérale, et galvaudaient systématiquement les valeurs, l’armée, etc. Certains d’entre eux ont pensé que c’était du côté de Marine Le Pen que se trouvait le salut », explique Jean-Yves Camus, chercheur spécialiste de l’extrême droite.
Pour autant, il estime qu’il n’y a pas conjonction entre le programme du FN et les idées de Chevènement, citant entre autres différences la conception de la laïcité. « Il y a une telle convergence dans la classe politique et parlementaire sur la question centrale de l’Europe, sur les Etats-Unis, le monde arabe… Et il n’y a plus d’avenir politique du côté de chez Jean-Pierre Chevènement », argue Philippe Barret, qui était dans son cabinet à la Défense au même moment que Paul-Marie Coûteaux.
« C’est rentable, mais pas honnête »
MM. Dutheil de La Rochère et Coûteaux sont « des gens qui venaient déjà de la droite. Quand j’ai connu Coûteaux, il avait la réputation d’être royaliste », relativise-t-il aussi. Florian Philippot avait de la même manière soutenu les listes Pasqua-De Villiers aux européennes de 1999, avant d’avoir eu un « rôle de militantisme » en 2002 dans la campagne de Chevènement (même s’il n’était « pas du tout dans l’état-major »).
Pour Gaël Brustier, chercheur associé au Cevipol de Bruxelles et membre du PS, le centre de gravité historique du chevènementisme, « c’est le Ceres », l’aile gauche du PS qui était aussi un lieu de formation de cadres. Et « les gens qui y ont été formés sont tous restés à gauche, sauf Hugues Portelli », devenu sénateur UMP. D’après lui, « n’importe quel mec qui a assisté à une réunion avec Chevènement le revendique après. C’est rentable. Mais pas honnête ».
La question européenne
En alléguant une proximité avec le chevènementisme, le FN peut appuyer sa thèse selon laquelle le vrai clivage dans le champ politique est entre « mondialistes » et « patriotes ».
Nicolas Lebourg, historien spécialiste de l’extrême droite, se dit circonspect sur cette rentabilité électorale du souverainisme, « mais elle permet au FN d’aller aux européennes en disant : « Nous sommes la seule critique sociale de l’Europe libérale ». Et donc de rassembler la France du « non » de 2005″.
Jean-Pierre Chevènement semble las de ces questions. Le FN utilise son image pour « se donner un profil honorable » d’après lui. Et les quelques personnes ayant rejoint le FN, « ça fait peu de monde sur 1,5 million d’électeurs (en 2002, ndlr). Il faut bien que quelques-uns se soient égarés ». (AFP)
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