25 Oct

« Bonneville », scénario et dessins de Marvano

      

La ballade du Lac Salé

Outre sa collaboration avec le romancier américain Joe Haldeman sur « La guerre éternelle » et la série « Dallas Barr », Marvano a raconté, de « Grand Prix » à « Bonneville », deux des plus singulières histoires du sport automobile… Mais comment pourrait-il en être autrement quand on a vu le jour à Zolder, dont le circuit accueillit dix éditions du Grand Prix de Belgique de Formule 1 ?

La trilogie « Grand Prix » (déjà chez Dargaud) évoquait la manière dont le pouvoir hitlérien avait utilisé le sport automobile pour relancer son industrie. Dans « Bonneville », Marvano nous emmène du côté des Etats-Unis, de l’Utah et du Lac Salé (Bonneville Salt Flats en anglais, d’où le titre), théâtre de nombreuses tentatives de record du monde de vitesse sur terre. Il s’attache ici une époque charnière lorsque, de 1959 à 1968, apparurent les véhicules à réaction, et racontée à travers les yeux de Zeldine, dite « Crevette », adolescente venue de Belgique dont la famille s’est installée près du Lac Salé.

Dans ces deux albums (« Quatre zéro sept » et « 1968 ») au découpage brillantissime, enchevêtrant images, narration, flashback, dialogues et même arcs narratifs, défilent la figure tutélaire du recordman britannique Donald Campbell, Nathan Ostich, premier utilisateur d’un véhicule à réaction, et aussi les duellistes de la fin des années 1960 Art Arfons et Craig Breedlove. Premier pilote à avoir franchi la barre des 500 et 600 miles à l’heure (800 et 970 km/h), ce dernier signe d’ailleurs la préface du deuxième tome.

Le choix de Marvano de faire de l’héroïne de « Bonneville » une adolescente est une autre des grandes idées de ce diptyque : le regard de Zeldine porte en lui toute l’innocence, le cinéma, la musique, les espoirs mais aussi les drames de l’Amérique des années 1960 : conquête spatiale, Baie des Cochons, assassinat de John Kennedy, émeutes raciales de Watts, et bien d’autres encore. Mais la passion et la curiosité qui l’habitent sont aussi celles d’une blessure intime…

Zeldine pourrait ainsi faire siens les mots de Craig Breedlove dans la préface de « 1968 » : « (…) j’ai vu le monde défiler sous mes roues plus vite qu’une balle de revolver, mais je sais ce que c’est de se sentir vivant, de poursuivre un rêve et de le vivre jusqu’au bout, même lorsqu’il s’aventure aux frontières du cauchemar ».

©Jean-Philippe Doret

Bonneville

Scénario et dessins : Marvano

Tome 1 : Quatre zéro sept (48 pages)

Tome 2 : 1968 (64 pages, préfacé par Craig Breedlove)

Dargaud