Toute la saison, il a couru un peu partout le long de la chaîne des Pyrénées, que ce soit en France, en Catalogne, au Pays Basque ou en Andorre. Il est arrivé 5 fois en tête. Ce samedi 11 octobre, il se mesure aux champions internationaux de la course en montagne à Limonèse, en Italie. Pour une manche de coupe du monde. Profession : pâtre
Courir derrière ses vaches 5 mois de l’année à travers les estives d’Ariège lui a forgé un physique et un mental de champion.
Brice Dessouiller, pâtre, est l’étoile montante de la course en montagne côté français . Cette année, il a remporté médaille sur médaille en trail, ce sport de plus en plus en vogue sur les massifs. Les Espagnols en sont fous, et c’est justement contre eux qu’il a encore gagné lors de sa dernière course en Catalogne. En tête des 262 candidats…au milieu des éboulis, sur les pics et dans les descentes vertigineuses.
Entre 2000 et 3000 mètres d’altitude, de mai à octobre, il garde près de 400 vaches pour une dizaine d’éleveurs, ainsi que les siennes. Levé à 5h, couché à 22…il galope du matin au soir. Dès que ses Gasconnes lui laissent un peu de répit, il bascule dans l’entrainement intensif…escalade des pics, dévale des précipices…
De terrain de jeu et de travail, cette estive est peu à peu devenue son champ d’entrainement. Exigeant à l’extrême…et jamais plat. En fin de saison, il a couru tant de dénivelés qu’il a des mollets d’acier et un coeur résistant à toute épreuve.
Brice a l’entrainement de son métier. Et comme il peste et jubile en courant derrière ses vaches, pareil il s’arrache, s’éreinte et vole quand il court parmi les concurrents.
Tous sont connus, sponsorisés, identifiés sur internet, habillés, « marqués ». Brice, lui, court dans des baskets usagées et n’est joignable qu’à sa cabane d’altitude, à la nuit tombée. Pas de portable, pas de site internet, pas de communication. Il a choisi le silence, l’espace et le temps pour compagnie.
La montagne lui a enseigné l’adversité, le risque, le défi. Et puis la lumière, les orages, les premières neiges… Quand il évoque l’aube et les brouillards, les paysages à couper le souffle, le sanglier débusqué et qui court comme lui, le froid qui mord jusque dans son lit…c’est du Giono palpable.
Il est la montagne aux forceps, quand il y lance son corps comme un fou furieux. Il est la montagne ludique, et s’amuse comme un gosse de ses prises de risques dans son immense terrain de jeu. Il est la montagne spirituelle, et chaque pas affûte sa pensée. Il est fou, heureux, simple, sain, philosophe et poète.
Il cherche et cherche encore…Nouvelles voies, nouvelles pistes, nouveaux défis, nouveaux sommets, nouvelles victoires sur lui-même, nouveaux horizons pour ses yeux et son cerveau .
Derrière lui, les éleveurs commencent à s’unir…C’est lui qui défend le mieux leurs gasconnes ! En alliant sport de haut niveau et pastoralisme. C’est leur meilleur poulain pour défendre une certaine montagne, le métier, l’identité de l’Ariège…où il faut savoir batailler pour vivre.
Sandrine Mörch