Jusqu’à présent, elle ne montrait pas d’appétence particulière pour les affaires municipales. Ce n’est plus le cas. L’ex-socialiste Barbara Romagnan, désormais chez Génération(s) de Benoît Hamon, milite pour une large union à gauche aux municipales bisontines en 2020.
Nous l’avions quittée un soir de juin 2017, émue aux larmes après sa défaite aux législatives. Figure de la fronde socialiste, la députée sortante de la première circonscription de Besançon devait laisser son siège à Fannette Charvier, candidate de La République en Marche, inconnue du grand public quelques jours plus tôt.
Un an et trois mois plus tard, Barbara Romagnan a retrouvé le sourire. Entre sa préparation au concours pour devenir enseignante en lycée professionnel, ses cours de français dans un collège de la capitale comtoise, la rédaction d’un ouvrage sur les migrants et des ateliers d’alphabétisation en maison d’arrêt, l’ex-élue n’arrête pas. Elle a accepté de répondre à nos questions avant de prendre le train pour Marseille, où elle intervient dans un débat sur le temps de travail.
Les députés élus l’an passé s’apprêtent à faire leur rentrée parlementaire. Elle ressemble à quoi votre rentrée à vous ?
« J’ai fait une rentrée des classes, je suis retournée enseigner, au collège Diderot. J’ai vu mes classes. Cela s’est très bien passé. J’avais beaucoup d’envie de retourner enseigner et une petite appréhension, comme pour les choses qu’on recommence et qui sont un peu nouvelles. Ce sont des élèves beaucoup plus jeunes, moi j’avais toujours eu que des grands [elle fait cours aujourd’hui à des classes de 4e, NDLR]. J’essaie de consacrer le temps que j’ai à des choses qui m’intéressent, que je trouve utiles et que j’avais moins le temps de faire avant, quand j’étais députée. J’interviens à la maison d’arrêt de Besançon pour faire de l’alphabétisation. Je lis, j’écris un peu ».
Vous étiez très émue le soir de votre défaite aux législatives. Vous êtes-vous remise de cet échec ?
« J’ai l’impression que je me suis remise tout de suite en fait. Je ne m’y attendais pas. Cela peut paraître ridicule ou présomptueux mais je pensais que j’allais gagner. J’étais très émue aussi par rapport à ce que cette défaite signifiait, notamment sur les inquiétudes que j’avais déjà manifestées, tout au long du mandat de François Hollande, sur la façon qu’on a de traiter les plus pauvres, les étrangers, les gens qui viennent d’ailleurs, qui sont obligés de quitter le pays dans lequel ils sont, à cause de la guerre, des catastrophes climatiques, parce qu’ils ne peuvent pas y travailler ou vivre dans de bonnes conditions, qui usent leur liberté de pouvoir se déplacer et essaient de se faire une vie meilleure ailleurs, comme on ferait tous si on en avait le courage et les moyens. Inquiétude aussi sur la façon dont les députés, représentants de la Nation, acceptaient de se dessaisir de leur pouvoir. J’étais très troublée qu’on choisisse des parlementaires qui assumaient et disaient qu’ils allaient voter des ordonnances, en plus sur un sujet qui impacte la vie des gens, le travail. «
La politique vous manque-t-elle ?
« J’en fais toujours. En faisant ce que je fais maintenant j’ai l’impression d’en faire. Si vous parlez de la politique plus institutionnelle, j’en fais un petit peu. J’essaie de participer à monter ces groupes Génération(s), tout ce qui est autour de Benoît Hamon. Pour moi, Génération(s) et la politique, ça veut dire, et ça a toujours voulu dire, le travail avec toutes les forces de gauche, écologistes, je dirais en fait progressistes, c’est-à-dire l’inverse des conservateurs. Pour moi, les conservateurs, ce sont ceux qui préfèrent les injustices pourvu qu’il y ait l’ordre. Le progressisme, c’est de savoir que derrière les désordres, il y a beaucoup d’injustices. J’ai des relations avec des groupes politiques donc, mais aussi avec des collectifs citoyens, des associations, avec qui j’échangeais déjà beaucoup avant. »
Vous avez récemment fustigé, dans la revue Regards, la division de la gauche pour les élections européennes, et le fait qu’en dépit de convergences sur les programmes, Generation(s), Europe Ecologie-Les Verts et le Parti communiste auraient probablement « trois mâles blancs parisiens » comme têtes de liste: Benoît Hamon, Yannick Jadot et Ian Brossat. A gauche, pour l’union comme pour les femmes, est-ce mission impossible?
« Aujourd’hui, je constate que c’est le cas. Les femmes seront sur les listes grâce aux lois sur la parité. On ne sait pas ce qui va se passer, mais au moins pour Europe Ecologie-Les Verts et Génération(s), je trouverais cela parfaitement incompréhensible qu’on ne parte pas ensemble. On a une responsabilité considérable face à la montée de l’extrême-droite, à la haine et à la peur croissante des étrangers, et puis sur la question centrale de l’écologie et de l’avenir de notre planète. La situation exige que chacun arrive à se dépasser. »
Après les européennes en 2019, il y aura les municipales en 2020. Dans un billet sur Mediapart, vous appelez justement à « la responsabilité et au sens de l’intérêt collectif des militant-e-s et citoyen-ne-s progressistes » pour faire de Besançon « une ville innovante, modèle sur les plans social, écologique, démocratique et humaniste ». Quel rôle voulez-vous jouer pour ces municipales ?
« En tout cas, je veux jouer un rôle. Ce qu’on n’arrive pas à faire au niveau national, on peut peut-être le faire au niveau local. On se côtoie, notamment dans les manifestations contre l’arrêté anti-mendicité. On constate bien qu’à défaut d’être d’accord sur tout, il y a des points essentiels sur lesquels on peut l’être. Tout le monde peut garder son identité, mais il faut bien prendre conscience que s’il y a une division trop grande, ce sera la droite ou la droite. les Républicains ou la République en Marche, qui va l’emporter. Et alors des arrêtés anti-mendicité ou d’autres choses, on risque d’en avoir beaucoup. L’union est indispensable. Je peux participer à cela. J’ai envie de contribuer au rapprochement. Ce serait dommage, très irresponsable qu’on n’y arrive pas pour 2020. On a beaucoup d’exemples, comme Damien Carême à Grande-Synthe ou Eric Piolle à Grenoble, deux maires écologistes. »
Vous êtes proche des écologistes. Vous avez manifesté avec un drapeau EELV en main en avril dernier. Aux législatives, vous avez été soutenue par Christophe Lime, une figure locale du PCF, et par Jean-Luc Mélenchon. N’apparaissez-vous pas comme la pierre angulaire d’un éventuel rapprochement, la plus à même de réaliser l’union, et donc serez-vous candidate ?
« Ce sont deux questions différentes. Je pense que j’ai une espèce de responsabilité, de rôle à jouer, même si je me méfie de ce genre d’expressions, parce qu’on a vite fait de prendre le melon. J’ai vu tellement de gens expliquer combien il devait absolument se présenter. Je pense qu’on peut jouer un rôle actif sans être forcément soi-même candidat. Je peux être une forme de trait d’union. »
Avez-vous envie d’être candidate ?
« Plus qu’ailleurs, un mandat municipal c’est une question collective. Donc je ne l’exclus pas, mais je pense que c’est aujourd’hui une question très secondaire. Si les gens ne travaillent pas ensemble, on ne fera rien de toute façon. »
Si ce n’est pas vous, qui peut mener une liste d’union à gauche ?
« Je n’en sais rien. Mais par exemple, à Grenoble, personne n’aurait pu dire que cela pouvait être Eric Piolle. Si l’on crée les conditions pour que les gens discutent, des personnes auxquelles on ne pensait pas peuvent aussi émerger. Je me méfie absolument de tout ce qui est personnalisation. »
Quelles composantes de la gauche peuvent former cette union ?
« Je pense déjà aux militants et aux militantes mobilisés pour que la ville et notre pays soient hospitaliers, et ça fait beaucoup d’associations et de gens à Besançon. Je pense à toutes les organisations politiques de gauche, écologistes et progressistes: Generation(s), Europe Ecologie-Les Verts, les communistes, France insoumise se reconnaissent là-dedans. »
Et les socialistes ?
« Il y a aussi des limites. Pour moi, mais ce n’est pas à moi de décider seule, cet arrêté anti-mendicité est un point de fracture. Je ne comprends pas comment cela a été possible. »
Un élu bisontin ne cache plus guère ses ambition ses ambitions municipales: Eric Alauzet, ex-EELV désormais LREM. Vous l’avez côtoyé cinq ans à l’Assemblée. Quel regard portez-vous sur lui ?
« Ce que je trouve très troublant et déroutant, c’est l’impression, dans son parcours et celui de beaucoup d’autres, qu’il n’y a rien de solide ou de stabilisé. Bien sûr des gens peuvent changer d’avis, évoluer, mais j’avoue que je ne comprends pas. Quand Nicolas Hulot lui-même démissionne, faisant le constat que l’on fait globalement l’inverse de ce qu’on devrait faire, qu’on se retrouve à voter une loi que je trouve a minima xénophobe, la loi dite Asile et immigration… Si les gens changent si facilement d’avis… On ne peut pas tout justifier. Je comprends que des citoyens en aient assez d’aller voter. »
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