11 Juin

Barbara Romagnan: « L’argent public est gaspillé »

Barbara Romagnan (DR)

Pour Barbara Romagnan, les solutions du gouvernement face à la crise sont « injustes et pas efficaces » (DR)

Elle fait partie de ceux qu’on appelle « les députés frondeurs ». Ceux qui, au groupe PS à l’Assemblée, s’affranchissent plus souvent qu’à leur tour des consignes de vote. Barbara Romagnan n’a voté ni la confiance à Manuel Valls, ni le plan de 50 milliards d’économies du Premier ministre, ni la réforme des retraites ou l’accord sur l’emploi du précédent gouvernement. Alors que le projet de budget rectificatif pour 2014 est présenté ce mercredi, la députée PS du Doubs avance avec plusieurs de ses collègues d’autres propositions économiques, sociales et fiscales. « On demande aux plus pauvres de faire des efforts pour des entreprises qui n’en ont pas besoin », regrette l’élue bisontine, qui souhaite mieux cibler les aides aux entreprises et réorienter les aides publiques au profit des ménages. Interview.

Dans l’appel des 100 pour plus d’emplois et de justice sociale, les élus dont vous faites partie écrivent qu’ « il est de [leur] devoir d’aider notre pays à trouver le « bon chemin », une voie juste qui rassemble le pays pour son redressement ». Estimez-vous que le gouvernement s’est égaré ?

« Je ne l’aurais peut-être pas dit comme cela, mais il est vrai qu’il y a un décalage entre ce qu’on propose aujourd’hui et ce qu’on avait proposé aux Français pendant la campagne de 2012. Ce sont des solutions injustes, pas efficaces. Cela est d’ailleurs corroboré par les instituts qui prévoient que la croissance va rester atone. »

Vos propositions réorientent les politiques publiques en faveur de la demande et donc des ménages, au détriment de l’offre. Selon vous, le gouvernement accorde-t-il trop d’aides aux entreprises?

« On pense que le débat mérite d’être posé. On propose de garder un financement de 20 milliards (15 milliards « fléchés » pour le CICE, 5 milliards de baisse de cotisations patronales, NDLR). Car avec 45 milliards de baisse de cotisations patronales sans aucune assurance en retour, l’argent est mal utilisé. Le Medef se moque de nous. On ne peut pas geler les allocations logement, familiales, invalidité, pour financer des entreprises qui n’en ont pas besoin et qui ne créeront pas d’emplois ».

Vous ne croyez donc pas au Pacte de responsabilité?

« On s’est mis d’accord sur l’étiage des 50 milliards d’économies, même si on pense que l’utilisation de ces moyens est mauvaise. La partie pour les entreprises est divisée par deux. pour permettre le dégel des prestations, la baisse de la CSG pour les classes moyennes et populaires, qui enclencherait la réforme fiscale promise, et de nouveaux emplois aidés. »

Justement, vous proposez 150.000 nouveaux contrats aidés et 150.000 contrats en alternance, pour 2 milliards d’euros. Pensez-vous vraiment que cela soit la solution pour régler le problème du chômage?

« Non ce n’est pas la seule solution, mais il faut mieux utiliser l’argent. On ne peut pas exonérer de cotisations les plus grosses boîtes, comme la BNP ou Auchan, des entreprises qui n’en ont pas besoin. L’argent public est gaspillé. Il faut cibler les exonérations, en fonction de la taille de l’entreprise, de l’investissement, des conditions salariales… »

Votre projet respecte les prévisions de déficit du gouvernement. Où prenez-vous l’argent qui va financer la relance de la consommation ?

 « On répartit autrement les 50 milliards d’économies. Qu’on l’ait voulu ou pas, ce Pacte a été voté, même si l’on pense que l’objectif de 3% est délétère pour l’emploi et l’économie. »

L’un de vos collègues, le député PS Dominique Lefebvre, membre de la commission des finances, dénonce « un jeu de rôles et de postures ». Il accuse « une minorité cherchant à imposer à la majorité une position qui n’est pas la sienne ». Que lui répondez-vous ? 

 « On fait notre boulot de parlementaire. On joue notre rôle de législateur. On essaie d’être utile. On constate en tout cas qu’on est bien éloigné des engagements pris par François Hollande en 2012. Les gens de gauche n’ont pas compris et on sort de deux défaites cuisantes avec les municipales et les européennes. On ne sait pas si on est la majorité. Sur le diagnostic, on est extrêmement nombreux. Mais qui est prêt à en tirer les conséquences et à déposer des amendements ? » 

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