C’était un jour sans. La météo n’y était pas mais quelle ambiance !
Ce 28 septembre 2013, le ciel bas et le vent puissant auraient pu décourager la troupe. La couleur du ciel avait été annoncée par Météo France et les prévisionnistes ne s’étaient pas trompés. Sortie de voitures au col des tentes, la réalité nous saute au visage. Il fait froid, ça souffle fort dans le goulet que forme un peu plus haut le port de Boucharo et les nuages sont à portée de main. Ambiance.
A cet instant; tout se joue. Il faut décider de renoncer ou d’affronter les éléments. Les premières minutes passées, l’envie de gravir reprend le dessus. Gore-tex, gants et bonnets vont prendre l’air pour la première fois de l’automne. Engourdis par la voiture et saisis par le froid, les premiers pas sont raides mais décidés. C’est parti pour 2 heures de montée avec les doigts croisés pour trouver la petite fenêtre météo nécessaire.
Une décision mesurée
Notre groupe de 10 personnes (de 3 à 73 ans) s’élance vers la mythique brèche de Roland, un lieu emblématique des Pyrénées qui ne présente pas de difficultés techniques réelles. Randonneurs néophytes ou confirmés connaissent son panorama fantastique frontière visuelle naturelle entre le versant français et le cirque de Gavarnie et le versant espagnol vers le canyon d’Ordesa.
Ce jour-là le gris dominait largement apportant des nuances infinies aux barres rocheuses et au glacier du Taillon. Que dire des alpages au vert fluo traversés par quelques rares rayons de soleil possibles à la faveur d’un nuage trop vite poussé et pas encore remplacé par le suivant.
Parce que la montagne prend une toute autre dimension quand les éléments météo se déchainent.
Austère ne rime pas toujours avec hostile. Gravir les pentes par mauvais temps est certes impressionnant mais c’est se confronter à la nature dans ses aspects les plus rudes. Les nuages menaçant tout au long du parcours apportent une dimension surréaliste à la progression. Paradoxalement, le panorama si vaste par temps dégagé est comme oppressé par les nuages. Les plus claustrophobes d’entre nous y sont sensibles.
Pas de pas de travers ou de chemins de traverse surtout lorsque les conditions météo sont limites. L’heure est au sérieux sur le chemin suspendu, le passage dans la cascade nécessitant parfois de s’aider de ses mains puis le cheminement face au glacier du Taillon et enfin le passage de la crête jusqu’au refuge de la brèche de Roland. Les rafales poussent ou ralentissent la progression. Nous finissons par en jouer à chaque enjambée. Les nuages tiennent leur promesse, ils se retiennent encore. Le refuge des Sarradets est en vue. Il était temps.
Pourquoi tout ça ?
Dans la chaleur du refuge, les doigts engourdis reprennent vie. Les joues se colorent, la faim est enfin assouvie. C’est un moment de joie intense pour les jeunes (3, 6 , 7 et 9 ans et les plus vieux 70 et 73 ans). Le dernier « rapaillou » ne sera pas pour aujourd’hui, les nuages ont cédé et la pluie fait luire la pierre.
Il est décidé collectivement de prendre le chemin du retour. Lentement, prudemment pour éviter les glissades. Les paysages changent encore. Les reliefs se couvrent d’humidité dévoilant d’autres couleurs et une autre de leur facette.
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la Brèche de Roland c’est toujours magique.
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la lumière de l’automne était fantastique entre ruban de nuages, vert fluo des alpages et rouge des fougères
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marcher sous la pluie c’est une expérience différente. On apprécie d’autant plus le retour aux vêtements secs et à la chaleur de la voiture
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les paysages prennent une autre dimension. Avec les couleurs austères, les sommets en imposent plus.
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le vent nous rappelle à chaque instant combien il est important d’avoir les deux pieds bien à plat. Ça fait froid aux joues mais chaud au coeur de se bagarrer contre les éléments.
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en montagne les conditions météo sont souvent difficiles voires extrêmes
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plus c’est difficile et plus on aime ça comme un challenge personnel
- et puis nous ne pourrons pas rester ainsi, nous avons maintenant une bonne raison pour retenter l’ascension sous des ciels plus cléments.
Nota bene : En montagne, on ne badine pas avec la sécurité. Quand les conditions sont trop mauvaises il est intelligent de renoncer. Bien entendu, chacun en fonction de son expérience et de ses aptitudes trouve ses limites. Renoncer c’est savoir reporter intelligemment son excursion.
Dans la situation décrite ci-dessus, il n’y avait pas de réel danger. Le chemin était dégagé, il était emprunté par d’autres randonneurs, le groupe était composé de randonneurs entrainés et connaissant l’environnement montagnard. Par ailleurs nous disposions du matériel pour nous protéger du froid et de la pluie.
La brèche de Roland est une impressionnante trouée naturelle de 40 m de large et de 100 m de haut s’ouvrant dans les falaises situées au-dessus du cirque de Gavarnie dans les Pyrénées. Située à une altitude de 2 807 m, elle marque la frontière entre la France et l’Espagne. Cette véritable porte naturelle donne accès, dans un décor minéral, au Parc National d’Ordesa en Espagne et à ses somptueux canyons. La brèche est encerclée de plusieurs sommets culminant à plus de 3000 mètres d’altitude.
On peut accéder à la brèche depuis le refuge des Sarradets, en 45 minutes d’ascension environ.
La Brèche de Roland une légende : Roland de Roncevaux l’aurait ouverte grâce à sa célèbre épée Durandal … Voyant qu’elle ne cassait pas, il l’aurait envoyée de toutes ses forces et elle se serait fichée dans une falaise à Rocamadour dans le Lot.