Gérard Onesta, vice-président de la région Midi-Pyrénées était l’un des 8 observateurs internationaux du scrutin catalan du 9 novembre dernier. Il est revenu très enthousiasmé par ce qu’il a vu, confiant dans les capacités de ce peuple d’Espagne à réussir « la 2ème transition démocratique après celle du franquisme »…Très en colère aussi envers le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy. En vidéos, photos et témoignages, il nous fait partager cette aventure.
Onesta e los observadors internacionals
Vendredi soir, Gérard Onesta a pris son véhicule, fuyant les turpitudes des débats politiques français, pour se rendre en Catalogne, à l’invitation d’un organisme catalan Diplocat. Son mandat : surveiller le « Processus participatif » catalan, terme officiel après la non validation madrilène du scrutin. 8 observateurs de différents pays, de plusieurs partis, qui se sont répartis la surveillance des secteurs de vote, en conformité avec la Charte des Nations Unis de 2005. Ils ont choisi leur porte-parole : l’Ecossais Ian Duncan, nouveau député européen, membre des Conservateurs et réformistes européens qui vient de batailler pour maintenir son pays au sein du Royaume-Uni. Tout un symbole et pour le coup, un sacré gage d’indépendance.
L’estatut de Catalonha
Aficha de campanha
Après différentes vicissitudes, la Catalogne renoue avec l’autonomie en 1932 (après plus de deux siècles d’interruption), qu’elle perdra avec la guerre civile et le franquisme. En 1978, elle acquiert son 2ème statut d’autonomie puis un 3ème en 2006, modifié mais validé par les deux chambres du pouvoir central madrilène sous l’ère du socialiste Zapatero. Un statut beaucoup moins permissif que celui octroyé aux Basques, qui ont eux le droit de lever l’impôt. Dès l’adoption de ce nouveau statut et avant même son entrée en vigueur, le Partido Popular intente un recours devant le Tribunal Constitutionnel espagnol (équivalent du Conseil Constitutionnel français). Celui-ci rend sa décision en juin 2010 et supprime 14 des articles sur l’autonomie. Un fait qui va mettre le feu au poudre et régénérer la fibre indépendantiste. S’en suivront des manifestations monstres « Som una nació. Nosaltres decidim », Catalogne région la plus endettée d’Espagne (près de 60 milliards d’euros) et une crise économique qui laissent à penser que si la Catalogne pouvait lever ses impôts… Puis différentes péripéties, jusqu’à ce dimanche 9 novembre 2014.
Arbres pintrats de jaune per la senhalitica
Seguissètz lo guidi
Lo procediment participatiu
Les 8 observateurs se retrouvent vendredi soir et discutent d’abord technique sur les modalités du vote et les derniers rebondissements de la semaine. Puis politique : « Nous avons rencontré toutes les forces politiques favorables ou pas à l’indépendance, sauf le Partido Popular qui a refusé d’y participer. Mais aussi des gens de la société civile. Nous avons été libres de tous mouvements et sans aucune pression de Madrid » selon Gérard Onesta. Mais Madrid a invalidé ce scrutin, refusé mardi 4 novembre que ce soit une simple consultation, fait pression sur les fonctionnaires qui seraient tentés d’y participer… Le vote n’ayant pu être ni un référendum, ni une consultation, la Generalitat de Catalonha a remis les clés aux citoyens. 40 000 volontaires ont répondu présent (dont des fonctionnaires!) pour faire expliquer et organiser le vote. Dans les écoles publiques et bâtiments officiels, des urnes en carton, mais pas de liste ni de commission électorales.
Vòte en familha
En fila d’espèra
Lo vòte
Pour voter, il fallait avoir au minimum 16 ans, et prouver une résidence en Catalogne sur plus de 3 ans. Sans liste électorale, la Catalogne a validé ce qui se pratique ailleurs, notamment en Californie où il suffit d’avoir une carte d’identité. Pour se la voir octroyer en Catalogne, il faut justifier de 3 ans de résidence.
A l’extérieur, les volontaires ont fait le travail. Des arbres sont peints en jaune pour guider les citoyens. Dans les bureaux de vote, des ordinateurs non connectés entre eux pour éviter les hackers, et un programme informatique pour vérifier l’identité et l’adresse du votant. Et qu’il n’ait pas déjà voté… En Catalogne, on peut imprimer son propre bulletin chez soi, et en trois langues SVP (catalan, occitan, castillan) Val d’Aran oblige.
Cabinas electoralas de fortune
Mais le passage par l’isoloir n’est pas obligatoire. Ce qui explique le côté informel et parfois désuet de certains. Mais selon Gérard Onesta, « c’était un grand moment de démocratie citoyenne apaisée ». Pas de débordements, de violences caractérisées, si ce n’est 5 jeunes qui ont fait irruption a Girona en voulant détruire des urnes. Deux ont été écrasées et ces personnes ayant apparemment des liens avec l’extrême droite conduites au poste. Le dépouillement n’a pas dérogé au reste de la journée : du public, sans heurts et de la rigueur en contrôlant le nombre de bulletins avec les listes d’émargement. Résultat : plus de 2,2 millions de votants et plus de 80% favorables à un état indépendant.
Vegèri un pòble urós
« De nombreux balcons étaient décorés, les rues calmes. Dès que les premiers électeurs sont rentrés, de la dignité, des scènes de joies, des vieilles dames en pleurs. Certains venaient en musique, apportaient des gâteaux…Tout s’est fait dans une atmosphère bon enfant. Y compris pour ceux qui ont voté non ». L’ancien vice-président du parlement européen a été très marqué par ce qu’il qualifie de « haut standard de démocratie ». « Il y a 25 ans j’étais à Berlin quand le mur tombait…J’ai retrouvé des sensations berlinoises. Une deuxième transition démocratique est en marche après celle du franquisme ». Très ému Gérard Onesta et très en colère contre Mariano Raroy : « Son discours n’est pas acceptable. Dire qu’il n’y avait pas de fonctionnaires pour garantir le scrutin…Après toutes les pressions qu’il y a eu ! Parler de profond échec du processus indépendantiste sous prétexte que les 64% des Catalans qui ne sont pas allés voter seraient tous favorables à Madrid est grotesque. Moi je retiendrai que j’ai vu un peuple mature et heureux. Et par les temps qui courent, c’est assez rare. Dès mon retour en France lundi après-midi, j’ai pu le constater. »
Le scrutin n’est pas clôt : il reste encore plusieurs jours pour voter dans certains lieux de Catalogne et de l’étranger. Le processus d’indépendance non plus. Gérard Onesta reste persuadé que l’attitude de Madrid va renforcer le bloc indépendantiste. Les partis qui s’y refusent pourraient bien être les premières victimes des urnes -officielles celles-ci- lors des prochaines élections législatives prévues dans un an.
Benoît Roux
Mercés al Gerard Onesta per son raconte, sas vidèos viradas sus plaça e totas las fotòs.