16 Juin

GoGo Penguin, une fusion parfaite qui décolle les étiquettes

Gogo Penguin vient de sortir un nouvel album. Une musique à son apogée, inventive riche et accessible. Impossible de lui coller une étiquette tant le trio de Manchester possède un univers très personnel qui nécessiterait l’invention d’une appellation. Pas complètement  jazz, ni rock, ou encore trip-hop électro, il est urgent de découvrir si ce n’est déjà fait la maîtrise instrumentale de 3 musiciens en osmose. Impressionnant à écouter, bluffant à regarder.

Gogo Penguin site officiel ©Jon_Shard

Une musique totale et des musiciens en osmose

Ecouter la musique de Gogo Penguin c’est se préparer à un long voyage sans les repères habituels. Leur musique est riche, complexe, mais elle reste toujours accessible et humaine. Elle garde un côté spontané, tout en ayant beaucoup de travail, de recherches en amont. Ils sont 3 jeunes musiciens : le pianiste Chris Illingworth à l’origine du groupe, la batteur Rob Turner et le bassiste Nick Blacka. Une formation « classique » pour le jazz, sauf que ce n’est pas vraiment du jazz. On pourrait aussi les ranger dans la musique répétitive mais leurs lignes mélodiques sont affirmées. En fait, ils travaillent tous leurs sons en amont, prévoient les effets à l’avance comme pour de la musique répétitive mais à l’arrivée, tout ceci est adapté à des sonorités acoustiques d’un bon vieux piano, contrebasse batterie.

« Nous avons trouvé notre place, nous avons aujourd’hui pleinement confiance en nous, suffisamment pour affirmer : voilà comment je veux jouer de mon instrument, et voilà comment nous voulons jouer en tant que groupe. Un but que nous avons cherché à atteindre depuis nos débuts. »

GoGo Penguin – F Maj Pixie (live)

Une affirmation de Chris Illingworth qui pourrait paraître prétentieuse si elle n’était pas tout à fait juste. Le groupe qui était alors un quartet s’est formé en 2012. Ceux que l’on a qualifiés de « Radiohead du jazz britannique », ont très vite trouvé leur marque de fabrique dans l’innovation. Une trajectoire singulière qui va les amener à utiliser les technologies numériques en phase de composition pour enregistrer le fruit de leur travail sur des instruments acoustiques avec des pédales à effets et de delay intelligemment dosées. Car attention, leur musique n’est pas artificielle ou pré-fabriquée; elle est au contraire très humaine et prenante.

GoGo Penguin, une formation à part

En 2015, ils sont signés par le prestigieux label Blue Note mais là-aussi, ils dénotent encore. Ils n’ont pas complètement la rondeur et le son piano des productions du label américain. Ils ne sont pas dans la froideur de l’écurie ECM spécialisée dans certaines musiques jazz répétitives. Il faut bien reconnaître que le trio est dans un univers à part, qu’ils ont exploré longuement pour atteindre la plénitude que l’on peut entendre aujourd’hui.

GoGo Penguin – Atomised

L’usage des bruitages très discret mais efficace rend encore plus abordable leur musique comme sur l’intro du disque (1_#) avec le sac et ressac de l’eau, les bruits des oiseaux et les cris des enfants lavés par la pluie qui tombe. Tout est fait volontairement ou pas pour garder l’auditeur, pour le transporter sans jamais le perdre.

Il n’y a pas non plus -et c’est fort appréciable- de démonstration dans leur jeu comme on en entend souvent dans le milieu du jazz. Pas de recherche de performance, de prime à la technique aux dépens de l’émotion. « Ça joue » comme on dit vulgairement, mais sans jamais vous larguer.

Nouvel album GoGo Penguin

L’album de la plénitude et de la consécration

Des mélodies riches, des rythmes imprévisibles, des son travaillés, l’expérience Gogo Penguin est passionnante. « Signal in the Noise » par exemple scandé par les roulements de caisse claire et les résonances hypnotiques de la basse. Un morceaux très ambitieux où coulent les effets sans jamais noyer quoi que ce soit.

GoGo Penguin – Signal in the Noise

L’album porte le même titre que le nom du groupe, signe de consécration et de confiance. Sur les 10 titres, pas de défaillance, pas de « déjà entendu ». L’un de mes titres favori : « F Maj Pixie » qui débute par une belle sonorité claire de piano. Avec un très gros travail de batterie, de ruptures, de percussions aux sonorités des 3 instruments obsédantes. Une combinaison de piano acoustique et rythmique trio-hop des plus séduisantes.

Plus surprenant encore, le titre « Kora » avec un timbre de piano modifié par des caches posés sur les cordes à faire pâlir un synthétiseur. L’univers et l’imagination de Chris Illingworth sont sans limite. « Kora » rappelle un peu évidemment l’Afrique et son instrument emblématique. Le pianiste l’a composé après avoir entendu un homme jouer de cet instrument dans un parc anglais. Il le confie au magazine des InrocksEcouter ce gars et d’autres grands joueurs de kora comme Toumani Diabaté m’a incité à traduire des motifs de kora au piano… devenant ainsi le point de départ de ce morceau.”

GoGo Penguin – Kora (live)

Il y a presque 3-4 morceaux dans ce titre très impressionnant à entendre et encore plus bluffant lorsque l’on voit les 3 artistes le jouer. Ce groupe instrumental a bien un leader (Chris Illingworth), un instrument chef de file (le piano) mais il garde une cohérence, une osmose dans le son avec la contrebasse qui s’affirme et une batterie qui accompagne, dans la nuance avec une rythmique accrocheuse et un jeu subtil de cymbales comme dans « Embers ». Dernière destination « To the Nth » aux atmosphères crées par le piano avec une double basse qui cogne fort, tels des énormes rochers où rejaillissent les écumes cristallines du piano. Très beau morceau prenant et hypnotique. Le disque s’achève sur « Don’t Go » où le piano sonne encore plus « kora », la basse enveloppante et la batterie presque oubliée. 

GoGo Penguin – Don’t go (live)

L’alchimie est presque parfaite et l’on souhaiterait poursuivre la découverte indéfiniment. Il y a encore quelques jours, je ne connaissais pas ce groupe. Maintenant, il me tarde d’aller le découvrir sur scène, de voir aussi comment leur musique va évoluer. Car c’est une évidence : les GoGo Penguin sont tout sauf des manchots.

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Benoît Roux

 

15 Juin

L’Orchestre National du Capitole de Toulouse retrouve son public

Depuis plus de 3 mois, ils attendent de retrouver enfin leur pupitre et leur public. Le 19 juin, les musiciens de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse vont rejouer à la Halle Aux Grains pour 3 concerts exceptionnels avec 3 invités prestigieux. Des événements réservés aux abonnés qui ont renoncé au remboursement de leurs billets et au personnel soignant de la métropole toulousaine. En attendant la nouvelle saison qui débutera le 10 septembre.

L’Orchestre National du Capitole de Toulouse dirigé par Tugan Sokhiev © Marco Borggreve

Leur dernier concert, c’était le 6 mars. Depuis, le confinement est passé par là. Des moments d’incertitude, de doute sur le tempo et ce que serait le temps d’après. Les musiciens de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse (ONCT) ont enfin une perspective. D’abord 3 concerts exceptionnels pour clôturer cette période délicate. Ensuite, viendra la pause estivale et une nouvelle saison qu’on leur souhaite moins perturbée.

3 concerts exceptionnels avec 3 invités prestigieux

Comment continuer à pratiquer son art lorsque l’on est confiné et que l’on ne sait pas quand et comment tout va reprendre? La culture a été laissé en jachère par le gouvernement durant la pandémie. Dans la tête de beaucoup de musiciens, les doutes se sont installés. Certes, il y a eu pour l’ONCT une petite récréation avec la vidéo de La Marche Hongroise version confinée. 

« Ca nous a permis de toucher un nouveau public, de maintenir du lien, reconnaît le violoniste Jean-Baptiste Jourdin. Mais c’est très compliqué de travailler chez soi sans la moindre visibilité, sans savoir ce que nous allons faire dans les prochains jours. Je suis soulagé et très content de reprendre. »

Renaud Capuçon ©Simon Fowler

Contrairement à d’autres secteur, le protocole sanitaire pour le domaine musical a tardé à venir et pénalisé la reprise des orchestres. L’horizon s’éclaircit un peu le 19 juin même si tous les doutes ne sont pas levés sur ce que sera la pratique musicale dans les semaines à venir. C’est un visage bien connu de la Halle Aux Grains qui incarnera ces retrouvailles : le violoniste Renaud Capuçon. Il a joué à plusieurs reprises avec l’ONCT qu’il dirigera pour l’occasion dans un programme consacré à Bach avec les Concertos pour Violon en La mineur et Mi majeur.

ONCT & RENAUD CAPUCON – Juin 2016

Une semaine plus tard (le 26 juin), le chef d’orchestre attitré Tugan Sokhiev signera son retour pour « Les Hébrides » de Mendelssohn et la Symphonie N°4, ainsi que le Concerto pour piano en Sol majeur de Ravel. L’occasion aussi de réentendre le grand pianiste toulousain Bertrand Chamayou. A retrouver aussi en différé sur la chaîne Mezzo.

Tugan Sokhiev ONCT & Bertrand Chamayou – 2012

Enfin le jeudi 2 juillet, c’est le pianiste David Fray qui reviendra un peu au pays. Le natif de Tarbes dirigera l’orchestre avec un programme consacré à Bach. C’est aussi un habitué de l’ONCT avec lequel il a donné plusieurs concerts de solidarité en faveur de la recherche contre le cancer. Les concerts des 19 juin et 2 juillet seront diffusés sur France 3 Occitanie le jeudi 23 juillet aux alentours de minuit.

Un public sélectionné et une capacité adaptée

L’ONCT et Toulouse Métropole qui le gère en régie directe ont donc décidé de programmer 3 concerts exceptionnels à la Halle Aux Grains. Ces événements s’adressent à tous les abonnés de la saison 2019-2020 qui ont renoncé au remboursement de leurs billets. Selon Marie Déqué, (Déléguée à l’orchestre, au Théâtre du Capitole et aux musiques), il y aurait entre 25 et 30% des abonnés qui n’auraient pas demandé de remboursement en signe de solidarité pour l’orchestre. « Ensuite, nous avons travaillé avec Laurent Lesgourgues (conseiller métropolitain et Docteur) pour proposer des places au personnel soignant qui s’est engagé dans cette crise. Nous avons convenu d’un quota de 300 places. »

Pour le premier concert, l’orchestre sera en formation réduite car le programme dédié à Bach ne demande pas beaucoup de musiciens. Pour le public, les normes sanitaires seront évidemment appliquées. La jauge de la Halle Aux Grains sera à minima, avec seulement 300 places. La capacité sera portée à 500 pour le 26 juin et 700 places pour le dernier concert du 2 juillet.

« Rêver, Ecouter, Se Retrouver », la saison 2020-2021 en perspective

Le 4 juin dernier, la nouvelle saison de l’ONCT a été officiellement dévoilée. « Rêver, Ecouter, Se Retrouver », le ton de cette nouvelle aventure est donné. Avec un leitmotiv : faire de la musique ensemble en partageant ses émotions; retrouver des sensations après de longs mois de séparation. Dans une dimension européenne, l’un des fil rouge de la saison sera la confiance accordée à de jeunes chefs d’orchestre. D’ailleurs, 2 master class, avec quatre apprentis chefs d’orchestre auront également lieu les 23 et 24 juin à la Halle aux grains, sous la direction de Tugan Sokhiev.

Côté programme, c’est la musique germanique qui se taille une place de choix. Nous sommes toujours dans le 250ème anniversaire de la naissance de Beethoven. Pour l’accompagner,  Haydn, Bruckner, mais aussi les symphonies de Mendelssohn, de Schumann ou encore de Brahms. L’orchestre est également connu pour son répertoire français qui ne sera pas oublié.

Photo : site Facebook ONCT

On notera la 3ème édition des Musicales franco-russes en mars 2021. Cet événement avait dû être annulé cette année. Ou encore des soirées exceptionnelles intitulées « Tugan Sokhiev fait son cinéma ». Au programme : les musiques d’Harry Potter, Dr Jivago et les compositeurs français Vladimir Kosma et Georges Delerue. Tugan Sokhiev assurera également 3 concerts pour le nouvel an hors abonnement.

De quoi refaire ses gammes et redonner du plaisir aux musiciens et aux mélomanes. Notamment avec les « Happy Hour » : une heure les samedi à 18H consacrée aux grands chef-d’œuvre et autres belles pages symphoniques.

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Benoît Roux

11 Juin

Avec « Les Confinis », Pierre Perret déconfine finement les esprits

Sur la photo twittée sur son compte, il est assis à son bureau avec son pot de crayons, un grand sourire aux lèvres. Pierre Perret vient de sortir une nouvelle chanson facétieuse : « Les confinis ». Derrière l’humour, les mots qui touchent et qui font mouche sur les atermoiements du confinement. Drôle et féroce, facétieux et irrévérencieux… mais tellement humain.

Photo site Pierre Perret

Les 10 et 11 octobre, il devrait être encore sur scène à la salle Pleyel de Paris. Il aura alors 86 ans. Le manieur de mots à l’âme d’enfant n’a rien perdu de sa verve. Au début du mouvement, il a soutenu les gilets jaunes et voulait leur dédier une chanson. Finalement, il voit rouge avec le confinement.

« Les Confinis » entre facéties et irrévérences

Ils nous ont tant confinés, puis reconfinés, puis déconfinés, qu’on redoutait d’être in fine, des cons finis!

Pendant l’isolement, il a passé son temps à écrire et répéter les chansons de son prochain récital. Et puis un jour, il a appelé Les Ogres de Barback pour leur proposer cette chanson. « Il avait écrit les paroles et une ligne mélodique. Nous l’avons jouée et nous nous sommes appelés plusieurs fois. Nous avons fait peu d’arrangements, pour préserver le texte et la spontanéité », déclare Sam Burguière des Ogres de Barback.

Toujours un peu à la marge, entre légèretés et lignes engagées, « Tonton Cristobal » n’est pas resté au repos pendant le confinement. L’octogénaire aurait pu faire le sourd ou l’ignorant. Mais ça ne lui ressemble pas. Alors il a repris sa plus belle plume tantôt vitriol tantôt alcôve, pour faire rire et grincer des dents. Perret ouvre « La Cage aux Zozos » pour mieux leur voler dans les plumes.

Sur Europe 1, Il dit avoir menacé de danser nu sur le rond point des Champs-Elysées en cas de prolongation du confinement. Il n’aura pas eu à le faire mais il aura affûté sa plume.

Y avait l’Raoult çui que les enquiquine, Qui les traitait tous comme des Diafoirus, D’après lui y a guère que sa chloroquine, Qui pourra fout’ les chocottes au virus.

Pas facile de faire rire sur des sujets graves, de dénoncer sans être calomnieux. Sur un rythme à 3 temps, ça valse grave. Et certains vont s’y prendre les pieds.

La porte-parole elle s’appelle Sibeth, Y’en a qui pensent quelle porte bien son nom, On sent bien qu’la moindre idée qui se pointe, Lui déclenche un ouragan dans l’citron

Le défilé des docteurs, les spécialistes dans le petit écran, la pénurie de masques pour en avoir détruit 600 millions, Donald Trump, les infirmières qui gagnent des clopinettes… tout y passe. Et l’humour finit par l’emporter avec le sourire de l’auteur-compositeur en guise de révérence irrévérencieuse.

A propos d’infirmières, on se rappelle l’hommage du personnel soignant de Saint-Amand-les-eaux (59) qui avait enregistré le « Zizi » un week-end de confinement. 

Une nouvelle collaboration avec les Ogres de Barback

Les Ogres de Barback sont allés chez Pierre Perret dans la Seine-et-Marne pour enregistrer la chanson. Le hasard a voulu qu’ils aient Guillaume Lopez le même jour au téléphone. « On s’est dit que ce serait bien de travailler ensemble sur ce projet ».  Les Ogres de Barback et Guillaume Lopez ont déjà collaboré ensemble. Autre hasard, Guillaume qui fait les flûtes sur ce morceau est confiné dans le Gers avec l’accordéoniste Thierry Roques. Très rapidement, ils enregistrent le morceau. « Quel bonheur quand j’ai reçu le texte et la voix de Pierre Perret comme ça, avant tout le monde! J’étais fier » déclare Guillaume Lopez. L’ingénieur du son Alfonso Bravo qui était avec eux assure le mixage.

Pierre Perret et Les Ogres de Barback @David Bakhoum

Ce n’était pas la première collaboration entre les Ogres de Barback et le poète de Castelsarrasin. Dès 2002, ils signent les arrangements de l’album « Çui-là ». Pierre Perret les invite pour fêter ses 40 ans de carrière à l’Olympia. En 2017, ils signent l’album « La tribu de Pierre Perret ». 15 titres avec des artistes de tous horizons et de tous âges tels Magyd Cherfi, Massilia Sound System, Idir, Tryo, Didier Wampas, Lionel Suarez, OLivia Ruiz… qui reprennent du Perret.

La tribu de Pierre Perret – Au café du canal

Les Ogres et Pierre Perret chantent aussi ensemble « Lily » lors des 10 ans du groupe d’origine arménienne.

Les mêmes protagonistes préparent un deuxième titre qui sera joué sur scène lors de la tournée d’octobre. Le morceau s’appelle « Mes adieux provisoires » qui est aussi le titre du tour de chant. La chanson devrait sortir la semaine prochaine. L’actualité c’est encore son prochain livre « Aphorismes & blues » qui sortira fin juin.

L’occasion pour le Pierrot gourmand des mots et de la gastronomie de mettre encore les pieds dans le plat.

Photo site Pierre Perret

A LIRE AUSSI « Anda-Lutz » de Guillaume Lopez : les cultures en lumière

Site Pierre Perret

Ogres de Barback

Benoît Roux

10 Juin

Heeka, une jeune artiste très prometteuse sort son premier single

Elle devait être artiste de cirque. Finalement, c’est la musique qui s’est insérée dans sa vie. Heeka, une jeune toulousaine d’origine flamande sort son premier single. Un projet très personnel, guidé par la sincérité et l’authenticité. Un mélange folk, rock blues et une voix qui accrochent.

Heeka © Sandra Thomas

Quand on l’écoute, il y a déjà de l’assurance et un univers assez personnel. Pourtant, Heeka n’était pas forcément destinée à la musique. Elle n’a pas appris d’instrument, pas écouté assidûment de la musique. Elle devait être circassienne, mais un accident en décidé autrement. La musique s’est alors insérée dans sa vie et elles se sont apprivoisés. La voix aujourd’hui est assurée et toute tracée. Elle vient de sortir un premier single, bientôt un EP et on devrait bientôt entendre parler d’elle.

D’abord une voix dans l’émotion et la sincérité

L’émotionnel, la sincérité, authenticité c’est ce qui me parle. La musique que j’aime, c’est celle qui me touche. Ce n’est pas la complexité qui m’intéresse. Plus je ressens des choses sans passer par la réflexion, plus ça me va.

Heeka – Take it easy

Il y a effectivement quelque chose de direct, de spontané et d’émotionnel dans ce qu’elle fait. En premier lieu la voix. Il a comme une urgence dans sa manière de chanter. « Il faut que ce soit au plus proche de ce que je ressens. L’urgence fait partie du côté émotionnel : il faut que ça sorte. Il faut dire que mes textes parlent souvent de choses lourdes : de la colère, de la tristesse, parfois du dégoût ». En tous cas le grain accroche et son expressivité vous garde.

Heeka, de son vrai prénom Hanneke, s’occupe de tout : textes, compositions, interprétation. « Je laisserai personne composer ou écrire pour moi. Je perdrais en sincérité. Le but c’est d’être le plus juste possible. »

© Ian Grandjean

Un premier single et bientôt un EP

Pour l’accompagner dans cette nouvelle aventure, 3 musiciens : Manu Panier à la basse (musicien aussi de Slim Paul), Joris Ragel à la guitare (ex-Agathe Da Rama) et Pablo Echarri à la batterie (musicien de Oré et Watusi). C’est elle qui les choisis, ensemble ils signent les arrangements. Peut-être l’avez vous découverte sur le site webzine toulousain Opus. Ou encore lors des concerts post déconfinement organisés par No Music No Life. Elle n’a fait qu’une dizaine de scène mais fait preuve déjà d’une vraie présence. Le premier single de sa jeune carrière s’appelle « Elsewhere ». « Il correspond vraiment à ce que j’avais envie de faire. Il y a plusieurs moments dans ce single qui sont révélateurs de différents styles. Je n’ai pas de limite stylistique. D’autres morceaux partent dans d’autres directions ». 

Heeka – Premier single Elsewhere

Car il y aura bientôt d’autres morceaux qui donneront un EP de 5 titres à sortir dans les prochains mois. Elle vient d’être signée par un jeune label toulousain Koala records qui assure la distribution numérique. Comme elle aime beaucoup les années 70, les couleurs musicales sont clairement blues, folk et une pointe de rock. « J’aime les sons ronds et chauds mais aussi les sons saturés, quand c’est lourd, avec des basses… Je ne veux pas de machine ou de l’électronique mais rester dans musique vivante. »

© Chris Rod

Quant au clip, elle l’a réalisé pendant le confinement, avec les moyens du bord. Des heures et surtout des nuits de travail, à prendre 6300 photos pour faire du stop motion. « Elsewhere » raconte l’histoire d’une rencontre avec une personne toxique sous l’emprise de l’alcool et d’autres substances. Au refrain, une âme protectrice l’avait prévenue et vient la protéger. Elle chante en anglais.  » Car cette langue est très belle chantée. Si je chantais dans ma langue maternelle le flamand, ce serait assez concept. Un jour j’essaierai! »

Heeka – Rainy Winter

Telle une circassienne, Heeka devrait bientôt prendre son envol. L’esthétique musicale est posée. Son univers est riche, personnel et affirmé.

Bonus Track : ce qu’elle écoute

All Them Witches – The mariage of Coyote Woman

PJ Harvey – To bring you my love Live 2016

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Benoît Roux

08 Juin

Premier drive-in concert à Albi : et après?

Après le confinement, certains artistes sont passés à des concerts drive-in. Ce qui leur permet de retrouver une scène et une partie du public. Le premier concert de ce type a eu lieu le samedi 6 juin à Albi (Tarn). Des centaines de fans ont pu voir Boulevard Des Airs depuis leur voiture. D’autres événements du même ordre se profilent en attendant un jour de retrouver les concerts d’avant. A moins que cette formule ne donne des idées à certains organisateurs.

© Christophe Harter

Des artistes face à 180 voitures avec des coups de klaxon en guise d’applaudissements. La scène est un brin surréaliste, en tous cas inhabituelle. La Radio 100% a défrayé la chronique en organisant le samedi 6 juin le premier concert drive-in de France.

Albi puis Tarbes pour un drive-in concert

Pendant le confinement, les artistes ont joué chez eux et partagé des morceaux, des concerts avec leur public. Certains artistes ont apprécié, d’autres ont critiqué cette orgie musicale qu’ils jugeaient indécente. Passé le confinement, faute de concerts et de festivals, il a fallu trouver autre chose. En Allemagne ou dans certains pays de l’est ayant fait le déconfinement avant la France, les concerts drive-in avec les artistes sur scène et le public en voiture ont fleuri. Le directeur général de la radio 100% Jacques Iribarren a tout de suite été séduit. « On a commencé à y réfléchir en avril pendant le confinement. L’idée de prendre des artistes locaux s’est tout de suite imposée car par question qu’ils puissent venir de loin. « 

© Christophe Harter

Très rapidement, des contacts se nouent avec Albi et son Parc des Expositions pour organiser le premier drive-in. La ville de Tarbes aussi voudrait marquer le coup faute de pouvoir organiser sa fête de la Musique. Il se trouve que le chef de cabinet du maire Gérard Trémège n’est autre que le père de Laurent Garnier, l’un des quatre fondateurs de Boulevard Des Airs. L’affiche tarbaise ressemblera fortement à celle d’Albi avec bien sûr la tête d’affiche Boulevard Des Airs.

BDA sur scène à Albi © Christophe Harter

On y retrouvera aussi les Aveyronnais de La Déryves qui ont signé un beau succès avec « Nos belles heures ». Un morceau dans la lignée musicale de ce que fait Boulevard Des Airs.

LA DERYVES – NOS BELLES HEURES

Pour compléter la programmation faite aussi de groupes locaux, les organisateurs ont fait venir un artiste d’Agen : Tibz. C’est lui qui a co-écrit la chanson des Enfoirés de cette année avec Boulevard des Airs. Il a signé également un gros succès il y a 3 ans avec le titre « Nation ».

TIBZ – NATION

A Tarbes le 21 juin, ce sera l’occasion de découvrir sur scène un jeune groupe qui fait un petit carton avec son premier single. Ils viennent du Mans, ils s’appellent « Sans prétention ». Ils ont dit oui aux organisateurs malgré le manque de répertoire. Ce sera leur première scène et on risque d’entendre souvent ce titre cet été. Le clip vient de sortir, enregistré pendant le confinement. Ca sonne un peu « 3 cafés gourmands » ou encore « Soldat Louis ».

SANS PRETENTION – SANS PRETENTION

Drive-in, comment ça marche?

La réservation pour ce nouveau type de concert se fait uniquement en ligne. Le coût d’un concert comme Albi ou Tarbes approche les 20 000 €. Les artistes se produisent bénévolement. Le prix des places est assez accessible : environ 10€ par personne. Même si l’on ajoute la possibilité de se restaurer comme à Albi avec la réservation de paniers gourmands, difficile de rentabiliser cette opération. L’événement est financé à 80% par des entreprises privées locales, assure Jacques Iribarren. « On le fait pour relancer la machine. Les techniciens qui sont rémunérés sont contents de retravailler. Et puis surtout ce qui me touche, c’est de voir des familles entières dans la même voiture. On voit des enfants avec doudous et sucette, des personnes un peu âgées. Jamais nous aurions vu ça auparavant. L’art c’est aussi la rupture. Nous sommes fiers d’avoir participé à ça. »

Reportage France 3 Occitanie Myriam Brisse Matthieu Chouvellon

Techniquement, le concert est diffusé via les enceintes de la voiture. Pour cela, une fréquence spécifique et un émetteur dédié sont nécessaires pour ne pas avoir de décalage entre la scène et le public. C’est une nouvelle manière d’écouter de la musique pas complètement satisfaisante mais assez innovante et qui répond à un besoin et une envie. « Sur les réseaux sociaux certains ont critiqué cette formule. 100% est une radio populaire et 99% du public qui était là nous ont fait des retours très positifs. Les artistes et les techniciens aussi. Je suis sûr que dans les rétrospectives futures, l’image du concert drive-in d’Albi restera. »

Et maintenant ?

Les maisons de disques sont un peu réticentes mais le succès rencontré par ce premier événement devrait les rassurer. La couverture médiatique a été forte avec la présence de France 3, France TV, M6, TF1, BFM… Un direct a eu lieu le soir même dans le journal de France Inter.  Les artistes sont toujours divisés mais ils,ont envie de jouer. Beaucoup de producteurs ou programmateurs commencent à réfléchir au drive-in. Le Parisien nous apprend qu’un festival Art Parking se tient en République Tchèque. En France, un spectacle sur Edith Piaf est en préparation et sera joué sur le parking du Marché d’Intérêt National ou le port de Nice. Peut-être en Corse…

Le public à Albi © Christophe Harter

Pour revenir à Tarbes, la Scène Nationale Le Parvis va proposer un drive-in cinéma les 18-19 et 20 juin prochains. Toujours en voiture, les cinéphiles seront invités à revoir « La fureur de vivre », « Le lauréat » mais aussi « La la land » en plein air, sur écran géant et le son via la bande FM. Il suffira de réserver sa place à l’avance au tarif de 5 ou 10€ suivant la soirée.

Dans un milieu culturel plus que sinistré, les drive-in ne sont sans doute pas la panacée. Mais ils ont le mérite d’exister, de maintenir une activité, en attendant des jours meilleurs.

Radio 100%

Benoît Roux

 

07 Juin

Sam Karpienia : voix ardente et musique en transe

Il pourrait me chanter les annonces parues sur Leboncoin, je l’écouterais encore. Sam Karpienia, c’est le feu ardent de la voix, la musique qui vous emporte et vous brûle d’une flamme salvatrice dans une transe païenne. Le genre d’artiste atypique comme il y en a peu, entier, sans concession et qui se renouvelle sans cesse. Il a commencé avec Gacha Empega, ensuite Dupain, Forabandit, De la Crau et d’autres expériences encore. A chaque fois, l’extase s’invite. Si ce nom n’a pas encore tapé à vos oreilles, il est temps de faire vibrer vos tympans.

© Facebook De La Crau

« Je suis en train d’écrire le tube de l’été ». Quand j’appelle Sam il y a quelques jours, voilà ce qu’il me répond. Quand on le connait bien, c’est sûr, on y croit. « Oui, c’est pour un proche. Il est en prison, alors j’écris un morceau pour lui. » Là, plus aucun doute ! Sacré personnage, diable de musicien, sorcier d’artiste!

Un chanteur ancré

Tu chantes comme un noir!

À la première écoute, il y a quelque chose de primitif dans sa voix. Un son éraillé profond dans les graves qui vous happe tel un hameçon. Quasi autodidacte le garçon. Pas un plis, juste la posture d’un chant furieusement libre. Comme un artiste marin qui va de port en port et s’ancre sur des territoires. Karpiénia, c’est un nom polonais. Le grand-père débarque en Normandie. Lui, il naît à Evreux et ses parents ont une poissonnerie à Bédarrides. Toujours la mer. Quand les flots ont été moins favorables, il est d’ailleurs parti une paire d’années sur un bateau dans la marine marchande. Faire un reset sur sa vie d’artiste en sachant très bien qu’il reviendrait plus fort.

DE LA CRAU – TEMPERI

Quelques années auparavant, l’envie de chanter était là. Mais la timidité aussi. Alors, il fallait un peu d’alcool pour débrider la voix. Puis il y a eu le concert de son pote Manu Théron. Depuis le bar, il se met à hurler. Manu lui dit qu’il devrait essayer de chanter. Ok mais alors, ce sera en occitan, pour le secret du message et l’ancrage sur un territoire. « C’était de la polyphonie donc je n’étais pas seul. » Au début on lui dit : « Tu chantes comme un noir! » Sacré compliment. La chrysalide fragile devient un artiste caméléon. Quelques cours de chant avec Manu mais pas plus que ça. « La meilleure école, c’est la scène. La voix, il faut que ça touche ». 

Camaron, Manitas, Youssou ou Bob comme port d’attache

Avant je criais. Après, j’ai mis des paroles.

Petit à petit, le chant se libère de la timidité. « Camaron de la Isla pour moi c’est le maître inégalable. Le flamenco, c’est une espèce de cri qui sort comme ça. La violence est présente en moi. Et le flamenco c’est la permissivité de la violence ». La voix doit porter, toucher. Et pour la langue, ce sera l’occitan provençal. « J’ai choisi ça parce que tout le monde en avait rien à foutre de l’occitan. Et puis c’est une langue expressive et ancrée dans un territoire. » Il va donc prendre des cours chez sa voisine.

Après avoir fait ses armes derrière les autres, le chanteur s’affranchit. Il crée Dupain et assure seul le chant. Le groupe de la consécration, signé par une grande maison de disque avec les premières parties de Noir Désir en bonus. « Cantat, il kiffe ce que je fais ». Une énorme claque pour tous les amoureux de la musique. Le trio presque parfait, à faire pâlir de transe n’importe quel Gnawa du Maroc.

FORABANDIT – PAUR

Sam est un chanteur qui assure. « Y a quelque chose de primitif dans le chant. Avec Manitas de Platas, c’est José Reyes (le père des Gipsy Kings ) qui chante. Il y a une part de brutalité, de virtuosité et d’imprécision dans le chant. La langue d’oc me permet ça. Ce qui compte c’est l’expressivité. » Il avoue volontiers avoir Bob Marley, Mohamed Rouicha ou Youssou N’Dour (qu’il a croisé un jour) comme maître. Des artistes à chaque fois arrimés à un territoire et une culture forte. « Le raï me hante aussi. Jimmy Hendrix, Morisson, ils sont tous allés au Maroc ». 

Des musiques enflammées par le rythme

J’ai voulu créer un espèce de musique provençale qui soit aussi forte que le flamenco.

Pour porter et délester cette voix fiévreuse, il fallait une musique adéquate. Son premier instrument, c’est la guitare électrique. « Je me suis mis à la guitare avec des tutos. J’ai repris du Piazzolla. «  Pour le rythme, Sam se met aussi au tambourin qu’il jouera beaucoup dans Dupain. Puis la mandole acoustique, le oud et dernière découverte : le Cuatro. Un instrument originaire du Venezuela qui, comme son nom l’indique, comprend quatre cordes. « Ce qui me manquait c’était le rythme. Pour partager quelque chose de festif ».

DUPAIN – VERTIGE


Vous l’aurez compris, Sam Karpienia est un artiste éclectique toujours curieux de découvrir.  « Je n’arrive pas à me tenir dans quelque chose. Peut-être que je suis un artiste de variété comme tous ces gens qui ont eu des périodes : Gainsbourg, Camélia Jordana, Dominique A… Et puis Bashung, c’est le patron. Il a finit par trouver son truc à lui. «  Sam aussi a fini par trouver son mouillage fait de sueurs, d’expressivité et de transe. Que ce soit Dupain, Forabandit ou maintenant De la Crau, il y a cette même patte, une musique qui envoie, cette urgence qui va à l’essentiel, un feu vibrant sans artifice. Mais toujours sans ce répéter, chaque groupe avec son identité, un son. Une forme de territoire austère (comme la Crau en Provence) mais riche de profondeurs. Une musique populaire qui panse les fractures industrielles et tranforme les colères ouvrières en odes poétiques.
DE LA CRAU – BESTIARI

Et alors…ce tube?

J’ai fait des musiques pas forcément grand public, j’aimerais bien arriver à toucher.

Le confinement pour un artiste épris de liberté, doit être propice à une évasion artistique. Pour Sam, il s’agissait de faire quelque chose pour son neveu en prison. « J’ai du mal à faire des refrains. Ca ne me vient pas. Pour mon tube de l’été je me suis dit : il en faut un! Et je vais lui faire un morceau qui lui donne la patate! » Il invite un pote docker pour faire la basse, prend son Cuatro et ressort une vieille boîte à rythme analogique et mélange 2 rythmes. « La Cuatro m’a mis la banane. Comment je peux me faire du bien, tout seul et générer du rythme. Ça te tient debout. » Le titre s’appelle « Guilhaume ». Sam me l’a gentiment envoyé.

© Site Facebook De La Crau

La fièvre est toujours là, enlevée par le cuatro. C’est d’ailleurs cet instrument qui fait le refrain, en quelques coups de griffes. Ce sera le départ d’une nouvelle série de morceaux qui donneront bientôt un nouvel album. « Je voudrais faire un clip auprès des montagnes de sel en Camargue. Et filmer ça comme si c’était le Groenland! ».

La créativité, toujours à fleur de peau. Je ne sais pas si « Guilhaume » sera bien le tube de l’été. A défaut de l’entendre sur les radios branchées et les discothèques déhanchées, écoutez Sam Karpienia. Je ne voudrais surtout pas qu’il aille sur Leboncoin pour me chanter les annonces.

Site De La Crau

Facebook

Benoît Roux

05 Juin

Meryem Aboulouafa : premier album tout en élégance et mélanges subtils

Meryem Aboulouafa vient de sortir son premier album. A l’intérieur, différentes influences pop-electro-soul-musique orientale. Dans un monde violent et heurté, son univers n’est que douceur, apaisement, poésie et élégance. Un lyrisme feutré que vient magnifier des soubresauts électroniques. Sobrement intitulé « Meryem », son premier disque agite les réseaux sociaux, produit par le label français Animal 63 révélateur de jeunes artistes comme le phénomène The Blaze.

Pochette de l’album Meryem © Facebook de l’artiste

Meryem Aboulouafa, voix de l’épure

L’artiste est née à Casablanca. Avant d’être musicienne, elle était architecte, diplômée de l’École Supérieure des Beaux Arts de Casablanca. Son agence d’architecte d’intérieur s’appelait « Introspectus ». Ce côté bâtisseur et instrospection, on le retrouve dans sa musique qui est un savant mais accessible mélange de différentes couches, de différents étages sonores. On sent cette réflexion, cette exploration intérieure dans sa musique qu’elle compose et dans sa voix. Spontanément, on pourrait penser à Lana del Rey mais en moins maniérée, à la Californienne Kadhja Bonet mais en plus subtil ou encore à l’Indienne Sheila Chandra pour le côté indie-pop.

La voix de Meryem Aboulouafa est une épure un brin onirique qui ravit les oreilles et capte les âmes. Tout ceci est d’une grande finesse émotionnelle. Le grain est beau, le vibrato rare et subtil, sa voix accroche pour ne plus vous lâcher, avec une certaine nonchalance alliée à la douceur. Rien n’est forcé, tout est simple et obsédant. Tout en introspection de soi qui touche l’autre.

Meryem Aboulouafa – Deeply (Official Video)

Une architecture musicale raffinée Made in France

Pour son premier album, l’artiste n’a démarché aucun label. Mais la reprise du morceau classique algérien Ya Qalbi est tombée dans les oreilles de Manu Barron. Le patron de label  et spécialiste de l’électro est quant à lui tombé sous le charme.

« Moi, je cherchais à conserver la liberté d’un genre musical indéfini”, confie t-elle au site Numéro.

Elle a mis plusieurs années à écrire ses chansons avec une guitare. De long mois de maturation, d’introspection, de doutes aussi où le joyau attendait d’être poli. C’est là qu’interviennent les architectes du son, les experts de la console, la french touch de Para One et Ojard. « Para One apporte une dimension cinématographique qui me correspond car je visualise beaucoup mes textes et ma musique », explique la chanteuse. « Ojard est plus dans la mélodie, l’orchestration, l’élaboration de sonorités complexes et harmonieuses. » Elle confie donc sa pépite avec quelques réticences tellement le projet était personnel. Le travail de mix et mastering durera près de 9 mois dans le studio parisien de Para One.

Les orchestrations sont majestueuses, les arrangements voluptueux, les équilibres subtils entre tradition et modernité comme dans ce sublime morceau parfaitement élaborée.

Meryem Aboulouafa – The Accident

Tout n’est pas feutré dans l’univers de la chanteuse. Dans The Accident, elle se fait spectre, s’excusant auprès de son amant, d’avoir été renversée par une voiture en allant chercher du pain.

A Paris, Meryem Aboulouafa trouve aussi une alliée artistique : Keren Ann. Elle l’a aidée à accoucher de son œuvre, faire confiance à ses envies en fuyant ce qu’elles détestent toutes les 2 : maniérisme et production surjouée. Il y a aussi le label « Animal 63 », émanation de la maison de disque indépendante « Believe » qui parie sur le web et le numérique avec succès à l’image de The Blaze. « Animal 63 » s’est d’ailleurs fait une spécialité de découvreur de talents, notamment dans le domaine de l’électro.

Mais la France n’est pas le seul pays avec lequel l’artiste à un port d’attache. Elle a longtemps vécu en Italie et lui rend hommage dans le titre Breath of Roma à travers sa culture, son histoire et son art.

Meryem Aboulouafa – Breath of Roma

A la fin de l’écoute, la magie opère encore. 11 titres, comme un film hypnotique qui transporte hors de la temporalité.

Site Facebook

Instagram artiste

Instagram label Animal63

 

Benoît Roux

04 Juin

Une star du foot fait une chanson pour sensibiliser l’Afrique au coronavirus

George Weah -King George comme on l’appelait- était le roi des pelouses balle au pied. Depuis, cet homme au parcours exceptionnel est devenu président de son petit pays le Libéria. Plus étonnant encore, il a pris le micro pour chanter. Pas pour faire carrière mais pour aider son pays et le continent africain en faisant passer des messages sur les dangers du coronavirus.

Le président Libérien George Weah et ses choristes Photo : Studio 14

« Dressons-nous pour combattre le coronavirus ». Voilà le message principal que fait passer la chanson qui -la présidence le certifie- a été écrite par George Weah lui même.

George Weah chanteur

A 54 ans, George Weah a troqué le ballon pour un micro. « Ce pourrait être ta maman, ce pourrait être ton papa, tes frères ou tes sœurs. Dressons-nous tous ensemble pour combattre ce sale virus ». Les paroles sont en anglais et sur un petit chorus de guitare accompagné par les choristes « The Rabbi’s », l’ancien ballon d’or 1995 pose sa voix grave et un peu hésitante. Le morceau est assez enjoué et le clip qui l’accompagne permet d’être très explicite sur le coronavirus.

Balle au pied Weah c’était bien, micro à la main, c’est plus incertain! Oui, la chanson n’est pas exceptionnelle, l’Auto-tune a été déconfiné, mais les voix des choristes sont plutôt intéressantes, mais l’intérêt est ailleurs. Elle prouve que George Weah n’était pas un footballeur comme un autre, pas un président comme les autres aussi. D’autant plus qu’il avait déjà utilisé sa notoriété lorsque l’Afrique a été touchée par le virus Ebola qui a fait bien plus de ravages que le coronavirus (seulement 27 décès au Libéria). La chanson de 2014 ressemble d’ailleurs beaucoup à celle qu’il vient d’enregistrer.

Weah Ebola Project (2014)

La bonne parole sanitaire

La majorité des gens au Liberia n’a pas accès à internet ni à Facebook, mais tout le monde écoute la radio. La chanson passera sur différentes stations du pays pour diffuser convenablement le message

Voilà pourquoi George Weah a enregistré ce titre. Dans un pays relativement pauvre, les Libériens écoutent beaucoup la radio et le message peut donc passer. Selon la présidence, le titre est devenu populaire au Liberia et ailleurs sur le continent. Le président Libérien à autorisé l’ONU a s’en servir et la campagne menée par l’UNESCO #DontGoViral qui vise à informer sur le Covid-19 a récupéré cette chanson. La renommé internationale d’une star plus du foot que de la musique au service d’une bonne cause. King George prouve là qu’il peut aussi être un prévenant President Weah.

Bonus Track : les exploits footballistiques du King George

02 Juin

Hommage à Mady Mesplé, grande soprano restée fidèle à Toulouse

Mady Mesplé, le talent du chant lyrique à l’état pur. Elle fait une carrière internationale mais elle reste toujours simple, abordable et fidèle à sa ville : Toulouse. La grande cantatrice est décédée samedi dernier. Elle était l’une des dernières soprano colorature mythique de l’après-guerre. Une légende qui s’éteint, quelques semaines après la disparition d’un autre astre vocal toulousain : Gabriel Bacquier.

Mady Mesplé reçoit la légion d’honneur des mains du chef d’orchestre Georges Prêtre ©LA DEPECHE DU MIDI via MaxPPP]

Pour tous les amoureux du chant lyrique, l’évocation de son nom réveille des sensations et titille les oreilles. Mady Mesplé c’est l’incarnation d’une grande classe dans l’interprétation, d’un don vocal naturel, et d’une humanité profonde.

Une voix stratosphérique

Même pour ceux qui ne l’ont pas entendu sur scène, Mady Mesplé c’est une grande voix de soprano légère dans la lignée de Mado Robin ou Nathalie Dessay plus près de nous. D’ailleurs son prénom au civil était Madeleine, qu’on appelait Mado à Toulouse. Mais comme il y avait déjà une Mado Robin, elle est devenue Mady Mesplé !

A son compteur vocal, 3 octaves et une voix de « rossignol » qui pouvait aller très très haut, notamment dans l’air célèbre de « La Reine de la Nuit » de Mozart. Sans parler technique, on sentait beaucoup d’aisance dans sa voix, une habilité et une très grande classe qui rendait l’auditeur ou le spectateur très attentif et surtout admiratif.

« Le chemin était tout tracé. Je n’ai pas l’impression d’avoir choisi . J’avais une voix juste, et ça c’est un don. Qu’est-ce qu’on peut faire contre cela ou pour cela ? », confiait-elle à France-Musique.

Hommage à Mady Mesplé | Archive INA

C’est dans les années 50 que tout a commencé. Précisément en 1953 dans le célèbre « Air des clochettes de Lakmé » de Léo Delibes. Un rôle presque taillé pour elle, aux suraigus ravageurs, une interprétation dont elle sera la référence et dont elle fera un tube. Mais Mady Mesplé ne se cantonnera pas à un seul registre, un seul répertoire. De nature très curieuse et ouverte, elle s’est glissée dans les grands classiques du lyrique comme dans des œuvres contemporaines plus audacieuses (Boulez, Schoenberg, Betsy Jolas…).

Pas sectaire non plus, elle a interprété aussi de nombreuses opérettes que beaucoup considéraient comme un répertoire mineur. Elle a beaucoup fait aussi pour rendre populaire son art dans un milieu classique un peu guindé. C’est ainsi qu’elle participa à de nombreuses émissions de Jacques Martin et de Pascal Sevran pour démocratiser l’art lyrique. Sa voix était un régal et sa manière de parler de son art, de le partager, tout autant.

Heure exquise extrait de La veuve joyeuse (F. Lehar) filmé par FR3 Aquitaine en 1983

L’une de ses ultimes apparitions scéniques remonte au 14 mai 1990. C’était au théâtre des Champs-Elysées à Paris lors d’un hommage à Régine Crespin. Elle interprète « La dame de Monte-Carlo » de Francis Poulenc et Mady Mesplé est en famille. Elle chante avec l’Orchestre national du Capitole dirigé par Michel Plasson. A presque 60 ans, la magie est toujours intacte.

Mady Mesplé « La Dame de Monte-Carlo » Orchestre national du Capitole dirigé par Michel Plasson



Toulousaine sous tous les registres

Née le 7 mars à Toulouse, sa famille habite à quelques portées du Capitole. Dès son plus jeune âge (4 ans) sa mère l’emmène à l’opéra. Une vraie révélation pour Mady qui restera fidèle au Capitole toute sa vie. « J’ai eu le choc de ma vie, à l’âge de quatre ans, en assistant à une représentation de Faust au Capitole de Toulouse… »  confie-t-elle lors d’un entretien à France Musique. Très rapidement, elle enchaîne avec du solfège, puis des cours de piano. Bercée par le Bel Canto, un professeur vient même à domicile pour lui donner des cours tant et si bien qu’elle intègre le Conservatoire de sa ville dès l’âge de 7 ans et demi. Elle aura comme professeurs Clara Malraux, l’épouse de l’écrivain et Ministre, mais aussi Raymonde Blanc-Daurat, la femme de Didier Daurat, le célèbre pionnier de l’aéropostale. Tout ceci alors qu’elle est issue d’un milieu modeste, ce qui a un peu freiné sa carrière lorsqu’il a fallu partir à Paris. Madame Izar -l’épouse du directeur du Capitole- sera son professeur de chant. Cette même famille qui a des attaches en Belgique et qui la fera débuter à l’opéra de Liège en 1953 dans son rôle fétiche : « Lakmé » de Delibes.

« L’air des clochettes de Lakmé » (Léo Delibes) 1966 INA

S’en suivra la carrière internationale que l’on connaît. Elle s’est produite dans les plus grandes salles du monde, notamment au Metropolitan Opera House de New York en 1973. Mais elle n’a pas oublié pour autant ses racines toulousaines et occitanes, ni sa passion perpétuelle pour le chant.

C’était une boulimique de musique , déclare Christophe Ghristi directeur artistique du Théâtre du Capitole. Elle venait à tous les spectacles au Théâtre du Capitole, avec une soif d’entendre de la musique. Il lui en fallait toujours plus.


A LIRE AUSSI : Hommage France 3 Occitanie

 

Benoît Roux

31 Mai

Un disque inédit de Gainsbourg à paraître le 20 juin

Presque 30 ans après sa disparition, un album inédit de Serge Gainsbourg va sortir à l’occasion du Disquaire Day le 20 juin. Cette fête des disquaires indépendants permettra d’écouter 8 chansons du Poinçonneur des Lilas. L’artiste était venu à 2 reprises à la Maison de la Radio entre 1964 et 1966. Ce sont ces œuvres interprétées à cette évoque que l’on pourra bientôt écouter.

La Javanaise, Les Goémons, Ces Petits Riens, ces chansons de Gainsbourg sont bien connues des fans et du grand public. Le journal Le Figaro nous révèle que ces chansons interprétées à la maison de la radio vont sortir le 20 juin prochain. 

Sur les traces de Vian, côté Rive Gauche

Nous en sommes au tout début de sa carrière et Gainsbourg est à l’époque relativement peu connu. Mais il commence à se tailler une petite réputation d’artiste « rive gauche ». Il a la trentaine tout à peine, il a laissé tomber la peinture mais il essaie de poursuivre une autre voie artistique plus « mineure » selon lui : la musique. Lucien Ginsburg de son vrai nom a quand même choisi de s’appeler Gainsbourg en référence au peintre Gainsborough. Il est définitivement convaincu par la musique en voyant Boris Vian au cabaret Milord l’Arsouille où il se produira comme pianiste. On lui présente alors Jacques Canetti, l’agent de Boris Vian par ailleurs directeur artistique chez Philips qui deviendra la maison de disque de Gainsbourg.

En 1958, il est invité une première fois sur les ondes de ce qui s’appelait alors Paris-Inter. C’est l’année où sort Le Poinçonneur des Lilas avec son nouvel arrangeur Alain Goraguer. Mais l’album d’où est extrait ce premier succès est un échec commercial. 2 ans plus tard, il renoue avec le succès grâce au film « L’eau à la Bouche » dont il signe la musique. Les yéyés débarquent et Gainsbourg y va sur la pointe du crayon. Il rencontre alors Juliette Gréco, symbole de cette période Rive Gauche durant laquelle ce disque inédit est enregistré à la maison de la radio.

L’album inédit à paraître le 20 juin

L’intérêt de ce nouvel album n’est pas tant dans les chansons. Les fans ne feront aucune découverte : La Javanaise, Les Goémons, Ces Petits Riens, La Recette de l’Amou Fou, Le Rock de Nerval, Le Talkie Walkie, Intoxicated Man et le début des onomatopées avec Elaeudanla Téïtéïa (pour Lætitia). C’est plutôt le côté intimiste de ces morceaux en version piano-voix, parfois guitare ou contrebasse qui est intéressant. On notera une version très belle et très simple de La Javanaise. A l’époque, Gainsbourg était déjà pétri de talent mais aussi de trac. Ces enregistrements inédits et en public permettent de mieux percevoir le début de carrière de cet artiste incontournable. L’émission de radio s’appelait « Jam Sessions Chanson-Poésie » de Luc Bérimont. Le premier enregistrement date du 25 novembre 1964 et le second du 26 avril 1966. Ils sortiront sous la forme d’un bon vieux Maxi 45T des années 80 le 20 juin. On peut d’ores et déjà les écouter sur ce site. 

Benoît Roux

A Lire aussi : des amateurs chantent « La Javanaise » avec la Maîtrise de Radio France

Disquaire Day 

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