C’est sans aucun doute l’un des albums les plus enthousiasmants du moment. « De película » s’écoute de bout en bout, sans sortie de route, oreille au plancher. Une rencontre improbable entre l’électro de Laurent Garnier et le rock psyché de The Limiñanas. Un album plus que parfait et bien présent.
Les fusions, ça ne marche pas à tous les coup mais là, cette rencontre presque improbable donne un cocktail vitaminant plein de saveurs. Ce qui n’était au départ qu’un vague travail entre le Dj techno/électro Laurent Garnier et le rock suffocant de The Limiñanas est une vraie collaboration. Chacun a laissé tomber ses domaines respectifs pour se mettre au service de l’autre.
« De película », un album concept haut de gamme
The Limiñanas fait partie de ces groupes dont la renommée est plus forte à l’étranger qu’en France. Le duo Catalan avait bien fait un ou deux coups d’éclat mais sans secouer trop le landerneau musical. A vrai dire, je faisais partie des ignorants jusque-là imperméables. La secousse tellurique n'(en est que plus grande.
Car l’album est un road-trip, road-movie autant visuel que sonore. Le retour des bons vieux albums concepts avec une vraie-fausse histoire à l’intérieur. On pense de suite à « Histoire de Melody Nelson » d’un autre musicien cinéphile : Serge Gainsbourg. Une histoire prétexte, perdue d’avance entre Saul et une jeune mineure prostituée nommé Juliette. Et tel l’album de Gainsbarre, la production est soignée entre les boucles de bases et les riffs de Lionel et la batterie tantôt lourde tantôt légère de Marie. Un travail sur les sons assez impressionnants aussi de Laurent Garnier qui a su se mettre au diapason. Un gros son fait de plusieurs couches et terriblement efficace.
Perso, un morceau est à mettre au Panthéon : « Promenade oblique » où vrombit la basse et la batterie trace sur une route de nappes. Magnifique.
Instrumentaux, textes lâchés parfois chantés
Alors que le duo devenu trio prévoyait de faire seulement 2 ou 3 plages contemplatives, il y aura bien 11 stations dans l’album. Des instrumentaux comme « Promenade oblique » ou le très enlevé « Steeplechase » impeccablement produit. Idem pour Saul qui ouvre l’album et donne les prémices du voyages. Un titre dévoilé un peu avant la sortie du disque et joué en live sur France Inter.
Lionel Limiñanas n’est pas un chanteur mais tel Gainsbourg, il sait aussi poser ses mots comme sur « Juliette dans la caravane » ou « Tu tourne en boucle ». Et quand il s’agit de chant, il s’en réfère à d’autres. Tel le fin écrivain et lui même artiste Bertrand Belin pour l’un des morceaux des plus réussis (mais ils le sont tous!) : « Au début c’était le début ». Les premiers riffs et accords de guitare sont très « bashungiens » mais la ressemblance ne s’arrête pas là. Au niveau voix, la même fragilité, une sensibilité à fleur de peau. Vraiment très réussi.
Un volcan de transe
Au cœur du cratère, ça chauffe grave. Les sons en fusion pour mieux faire irruption. Tout est juste, sans faute de goût, sans effet de mode. Les guitares sont tenues, les riffs étourdissants, les sons grondants dans une culture de transe. Certes, il y a bien quelques pauses dans certains titres pour compléter la palette. Les plages sont immenses et on aime s’y perdre. Une musique très cinématographique où l’on repense à « Sailor et Lula » de David Lynch aux couleurs forcées. Les images viennent et nous retiennent, les sons nous enveloppent comme sur le très beau « Saul s’est fait planter » aux cordes claviers magnifiques.
Et s’il fallait libérer le magma du cratère étourdissant, ce serait le bien nommé « Que calor » emmené par le chanteur franco-chilien Eduardo Henriquez. Avec cet album, The Limiñanas prend place. Tout simplement incontournable.
Benoît Roux
@ecoute_voir