03 Août

Cette année encore, le Festival des Châteaux de Bruniquel est une réussite

Le « Festival des Châteaux » se déroule à Bruniquel (Tarn-et-Garonne). Dans un lieu magnifique, en plein air, la petite « Compagnie de la Tour Brunehault » monte chaque année un nouvel opéra de Jacques Offenbach. Petit mais très beau village, pas beaucoup de moyens mais de l’ingéniosité pour que le spectacle soit total.

Une fois encore, les représentations de « La Grande Duchesse de Gérolstein » sont d’un grand niveau. Les costumes sont somptueux, les artistes et les musiciens  à la hauteur. J’étais samedi soir dans la cour des châteaux et j’ai passé un excellent moment. Retour en photos.

Les artistes sur scène du Festival des Châteaux. © Benoît Roux

Un spectacle total

Une dizaine de musiciens, autant d’artistes lyriques, des danseurs, des figurants, cette production de l’opéra bouffe d’Offenbach a tout d’un grand spectacle. Comme évoqué dans un précédent article, les costumes arrangés par Guillaume Atwood sont tout simplement somptueux. Un travail de fourmis et de dentelle avec des couturières des alentours pour redesigner ces habits qui ont servis pour les plus grandsfilms. La reconstitution du second Empire avec des incartades plus contemporaines placent le spectacle dans le haut niveau. Il faut souligner aussi le travail de maquillage, les coiffures très réussies, les perruques embellies. Aucune faute, du grand art.

Les costumes © Benoît Roux

Mais s’il n’y avait que les costumes, la production ne serait pas aboutie. Les artistes qui les portent sont habités par une bonne humeur et un plaisir d’être sur scène très communicatif. Partout où l’on jette un œil, il se passe toujours quelque chose. Il y a certes l’intrigue principale, mais le metteur en scène Franck T’Hézan a fait en sorte que les scènes se multiplient, que chaque comédien ne soit pas passif.

© Benoît Roux

Grace aussi aux chorégraphies mises en place par Véronique Willig, la scène est parfaitement occupée, les tableaux où il y a beaucoup de comédiens sont de véritables ballets.

© Benoît Roux

La musique d’Offenbach est assez facile d’accès. En la théâtralisant, Franck T’Hézan la rend encore plus drôle et attachante. Beaucoup de passages sont à la limite d’une pièce de théâtre. La cour du château est utilisée avec une mise en scène qui ne se limite pas à la scène principale. Et comme l’œuvre est en 3 actes et plusieurs tableaux, tout le monde met la main à la pâte pour changer les décors, faire en sorte que le spectateur n’attende pas trop. Il y a même des petites scénettes pour le faire patienter.

Nuit de noce entre le soldat Fritz et Wanda © Benoît Roux

Des artistes à la hauteur

Encore une fois, ce n’est pas parce que la « Compagnie de la Tour Brunehault » est une petite troupe qu’elle lésine sur les moyens. Un mot sur l’orchestre dirigé par Jean-Christophe Keck. Cet éminent spécialiste d’Offenbach qui chante l’œuvre pendant qu’il la dirige, il réussit la prouesse de sélectionner une douzaine de musiciens de formations différentes (dont des Italiens), de n’avoir que quelques jours de répétitions, et que tout fonctionne au moment du spectacle.

Jean-Christophe Keck et son orchestre © Benoît Roux

Du côté des artistes lyriques, là-aussi le niveau est bon. La Grande Duchesse (Emmanuelle Zoldan) et sa rivale Wanda (Aurélie Fabre) ont toutes 2 de belles voix et des talents de comédiennes.

Une grande Duchesse canon © Benoît Roux

Xavier Mauconduit incarne un soldat Fritz parfaitement naïf, Michel Vaissières un grand Général Boum pour ne citer qu’eux. Quant à Thibaut T’Hézan à la crête punk et au kilt saillant, sa composition détonne et rythme le spectacle.

Thibaut T’Hézan © Benoît Roux

Un mot aussi sur son père Franck qui a mis en scène ce spectacle et qui joue également, il n’a rien perdu des ficelles du métier et de sa voix de ténor.

Finalement, le spectacle passe très vite. On se laisse prendre par le jeu et par la musique. Le rire est omniprésent et la bonne humeur contagieuse. A Bruniquel, on ne se prend pas la tête. Tout se passe à la bonne franquette, on se sent à l’aise. On a sous les yeux un spectacle digne des grandes scènes sans en avoir le côté guindé et convenu.

Un public nombreux dans les gradins © Benoît Roux

Allez à Bruniquel, vous passerez un excellent moment. Prochaines représentations mercredi 5 août, jeudi, vendredi, samedi et dimanche à 21H30.

RESERVATIONS 

Benoît Roux

 

01 Août

Hommage à Alan Parker, le réalisateur qui a filmé la musique des Pink Floyd, Peter Gabriel et Madona

Le réalisateur britannique Alan Parker s’est éteint le 31 juillet 2020. On lui doit beaucoup de films où l’acteur principal, c’était la musique. L’occasion pour lui de bâtir des scénarios, des longs métrages où les images étaient portés par une bande son avec une importance capitale. On pense à « The Wall » avec les Pink Floyds, Birdy avec « Peter Gabriel », « The Commitments » magnifié par la musique irlandaise. De « Midnight express » avec une musique de Giorgio Moroder (1978) à Evita (1996) avec Madona, Alan Parker a souvent mit la musique au cœur de ses films.

EPA/ANDY RAIN via MaxPPP

L’homme qui filme en musique

Le réalisateur, metteur en scène et scénariste avait son propre regard cinématographique. Sa source d’inspiration était souvent la musique. Son premier long métrage « Bugsy Malone » est une parodie musicale des années 20 jouée par des enfants. La musique est déjà là, au centre du film. Après, viendra « Midnight express » (1976), un film très dur sur le milieu carcéral turc. La mise en scène se sert beaucoup de la musique de Giorgio Moroder. Le compositeur de « I feel love » et autres grands succès de Donna Summer signe une BO prenante qui lui vaudra l’Oscar de la meilleure musique, pendant qu’Alan Parker recevra celui du meilleur scénario. Une musique très hypnotique et synthétique notamment pour la scène finale.

Alan Parker & Giogio Moroder – Midnight Express

En 1980, Parker récidive et frappe un grand coup avec « Fame » qui deviendra deux ans plus tard une série à succès. Un cinéma spectacle aux musiques inoubliables avec Irène Cara (Flashdance). Oscars de la meilleure chanson et meilleure musique pour le pianiste américain Michael Gore.

Alan Parker & Michael Gore – Fame

 

1982, il se lance dans un grand chantier « The Wall ». Le héros (Pink), incarné par le musicien et acteur Bob Geldof souffre de schizophrénie. Il se fabrique un mur protecteur qui finit par l’étouffer. La psychiatrie est souvent un élément central d’étude des films de Parker. Quasiment aucune dialogue, le film alterne scènes classiques et dessins magnifiques signés Gerald Scarfe. Place donc à la musique des Floyds, certains titres repris tels quels, d’autre ré-enregistrés ou créés pour le film comme « When the Tigers Broke Free ».

Alan Parker & Pink Floyds – When the Tigers Broke Free


 

L’osmose entre les univers suffocants, très totalitaires du film et la musique tantôt dure, tantôt poétique des Floyds.

Alan Parker & Pink Floyds – Run like hell

En 1984, le cinéaste est récompensé à Cannes  (Grand prix spécial du Jury) avec « Birdy ». Suite à un traumatisme subit lors de la guerre du Vietnam, Matthew Modine se prend pour un oiseau sous l’œil de Nicolas Cage. Peter Gabriel signe sa première musique de film. L’ami de Scorcèse (le réalisateur fera plusieurs documentaires sur lui) fait appel à son guitariste David Rhodes et au musicien Daniel Lanois pour travailler.

Peter Gabriel ré-enregistre certains morceaux come « The rhythm of the heat » et en compose certains pour le film. Là-aussi, l’univers sonore un peu dur et parfois « bestial » de l’artiste colle parfaitement aux images de Parker.

Alan Parker & Peter Gabriel – The Heat 

Fervent humaniste, grand défenseur des droits civiques et des libertés, Alan Parker réalisera plusieurs film pour dénoncer ceux qui les entravent : « Midnight express », « Birdy », « The Wall » ainsi que le brillant « Mississipi Burning » sur le Ku Klux Klan. Les musiques y prennent évidemment une part prépondérante.

Mais pour ce qui est des films musicaux, Parker y revient avec l’excellent « The Commitments ». Sorti en 1991, le film raconte comment Jimmy Rabbitte, organise des castings plus ou moins sauvages pour monter son groupe dans les années 80. Un film magnifique et une ode à la musique irlandaise. Tourné à Dublin, les acteurs jouent et chantent vraiment dans le film. Des reprises d’Otis Redding, Aretha Franklin, Wilson Pickett tellement bien interprétées, que beaucoup de personnes ne l’ont pas cru tant le niveau était bon. 

Alan Parker & The Commitments – A  Little Tenderness

1996, Alan Parker concrétise son rêve : faire une comédie musicale sur les destin extraordinaire d’Evia Perón. Cette femme charismatique au destin tragique devait accéder à la vice-présidence de l’Argentine. Mais un cancer en décidera autrement. Le film « Evita » est une sorte d’opéra où Madona est plus que crédible. « Don’t cry for me Argentina » composée par  Andrew Lloyd Webber deviendra un énorme tube. 

Alan Parker &  Andrew Lloyd Webber – Don’t cry for me Argentina

Avec la mort d’Alan Parker, le monde artistique perd un cinéaste au regard singulier, un humaniste engagé. La musique, l’un de ses serviteurs les plus aiguisés et fidèles.

Benoît Roux