02 Juin

Hommage à Mady Mesplé, grande soprano restée fidèle à Toulouse

Mady Mesplé, le talent du chant lyrique à l’état pur. Elle fait une carrière internationale mais elle reste toujours simple, abordable et fidèle à sa ville : Toulouse. La grande cantatrice est décédée samedi dernier. Elle était l’une des dernières soprano colorature mythique de l’après-guerre. Une légende qui s’éteint, quelques semaines après la disparition d’un autre astre vocal toulousain : Gabriel Bacquier.

Mady Mesplé reçoit la légion d’honneur des mains du chef d’orchestre Georges Prêtre ©LA DEPECHE DU MIDI via MaxPPP]

Pour tous les amoureux du chant lyrique, l’évocation de son nom réveille des sensations et titille les oreilles. Mady Mesplé c’est l’incarnation d’une grande classe dans l’interprétation, d’un don vocal naturel, et d’une humanité profonde.

Une voix stratosphérique

Même pour ceux qui ne l’ont pas entendu sur scène, Mady Mesplé c’est une grande voix de soprano légère dans la lignée de Mado Robin ou Nathalie Dessay plus près de nous. D’ailleurs son prénom au civil était Madeleine, qu’on appelait Mado à Toulouse. Mais comme il y avait déjà une Mado Robin, elle est devenue Mady Mesplé !

A son compteur vocal, 3 octaves et une voix de « rossignol » qui pouvait aller très très haut, notamment dans l’air célèbre de « La Reine de la Nuit » de Mozart. Sans parler technique, on sentait beaucoup d’aisance dans sa voix, une habilité et une très grande classe qui rendait l’auditeur ou le spectateur très attentif et surtout admiratif.

« Le chemin était tout tracé. Je n’ai pas l’impression d’avoir choisi . J’avais une voix juste, et ça c’est un don. Qu’est-ce qu’on peut faire contre cela ou pour cela ? », confiait-elle à France-Musique.

Hommage à Mady Mesplé | Archive INA

C’est dans les années 50 que tout a commencé. Précisément en 1953 dans le célèbre « Air des clochettes de Lakmé » de Léo Delibes. Un rôle presque taillé pour elle, aux suraigus ravageurs, une interprétation dont elle sera la référence et dont elle fera un tube. Mais Mady Mesplé ne se cantonnera pas à un seul registre, un seul répertoire. De nature très curieuse et ouverte, elle s’est glissée dans les grands classiques du lyrique comme dans des œuvres contemporaines plus audacieuses (Boulez, Schoenberg, Betsy Jolas…).

Pas sectaire non plus, elle a interprété aussi de nombreuses opérettes que beaucoup considéraient comme un répertoire mineur. Elle a beaucoup fait aussi pour rendre populaire son art dans un milieu classique un peu guindé. C’est ainsi qu’elle participa à de nombreuses émissions de Jacques Martin et de Pascal Sevran pour démocratiser l’art lyrique. Sa voix était un régal et sa manière de parler de son art, de le partager, tout autant.

Heure exquise extrait de La veuve joyeuse (F. Lehar) filmé par FR3 Aquitaine en 1983

L’une de ses ultimes apparitions scéniques remonte au 14 mai 1990. C’était au théâtre des Champs-Elysées à Paris lors d’un hommage à Régine Crespin. Elle interprète « La dame de Monte-Carlo » de Francis Poulenc et Mady Mesplé est en famille. Elle chante avec l’Orchestre national du Capitole dirigé par Michel Plasson. A presque 60 ans, la magie est toujours intacte.

Mady Mesplé « La Dame de Monte-Carlo » Orchestre national du Capitole dirigé par Michel Plasson



Toulousaine sous tous les registres

Née le 7 mars à Toulouse, sa famille habite à quelques portées du Capitole. Dès son plus jeune âge (4 ans) sa mère l’emmène à l’opéra. Une vraie révélation pour Mady qui restera fidèle au Capitole toute sa vie. « J’ai eu le choc de ma vie, à l’âge de quatre ans, en assistant à une représentation de Faust au Capitole de Toulouse… »  confie-t-elle lors d’un entretien à France Musique. Très rapidement, elle enchaîne avec du solfège, puis des cours de piano. Bercée par le Bel Canto, un professeur vient même à domicile pour lui donner des cours tant et si bien qu’elle intègre le Conservatoire de sa ville dès l’âge de 7 ans et demi. Elle aura comme professeurs Clara Malraux, l’épouse de l’écrivain et Ministre, mais aussi Raymonde Blanc-Daurat, la femme de Didier Daurat, le célèbre pionnier de l’aéropostale. Tout ceci alors qu’elle est issue d’un milieu modeste, ce qui a un peu freiné sa carrière lorsqu’il a fallu partir à Paris. Madame Izar -l’épouse du directeur du Capitole- sera son professeur de chant. Cette même famille qui a des attaches en Belgique et qui la fera débuter à l’opéra de Liège en 1953 dans son rôle fétiche : « Lakmé » de Delibes.

« L’air des clochettes de Lakmé » (Léo Delibes) 1966 INA

S’en suivra la carrière internationale que l’on connaît. Elle s’est produite dans les plus grandes salles du monde, notamment au Metropolitan Opera House de New York en 1973. Mais elle n’a pas oublié pour autant ses racines toulousaines et occitanes, ni sa passion perpétuelle pour le chant.

C’était une boulimique de musique , déclare Christophe Ghristi directeur artistique du Théâtre du Capitole. Elle venait à tous les spectacles au Théâtre du Capitole, avec une soif d’entendre de la musique. Il lui en fallait toujours plus.


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Benoît Roux