15 Nov

L’orchestre du Capitole de Toulouse à portée de clic pendant le confinement

Samedi 14 novembre 2020, l’Orchestre National du Capitole de Toulouse donnait son deuxième concert depuis le confinement. Plus de 30 000 personnes ont pu le suivre sur les réseaux sociaux et sur le Facebook de France 3 Occitanie. Un événement à plus d’un titre.

L’ONCT à la Halle aux Grains. Photo : Benoît Roux

Dans le monde d’avant, les musiciens s’accordaient avant le concert, dans un moment toujours féerique. Dans le monde d’après, un ballet plus mécanique se met en place : celui des caméras et des grues pour retransmettre l’événement. Après un premier concert le 31 octobre dernier, l’ONCT s’est mis au diapason de la conjoncture en permettant à son public de pouvoir garder le lien. Retour sur des moments uniques, parfois magiques.

18H pétantes, le top est lancé en régie. Le réalisateur Arnaud Payen vient de donner les dernières consignes. Le son est prêt, les 8 caméras en mouvement. Les applaudissement n’accompagneront pas l’arrivée des solistes et du chef.

La baguette de Fabien Gabel va se lever. Au programme, le concerto N°2 pour piano de Saint-Saëns. Face au clavier, un invité prestigieux : le toulousain Bertrand Chamayou. Il devait se produire à Varsovie mais… Un pianiste devait jouer à Toulouse mais… Alors quand on l’a appelé pour remplacer, les dieux de la musique se sont accordés très vite. Car avec l’ONCT, Bertrand Chamayou se sent comme à la maison. « C’est un peu comme quand on ne va pas bien. On va voir la famille et on trouve du réconfort. J’étais très ému d’être là. D’entendre l’orchestre dans la Halle aux Grains vide, c’était très puissant. »

Bertrand Chamayou Photo : Benoît Roux

Le musicien international est aussi chez lui avec Camille Saint-Saëns. C’est l’un de ses compositeurs français favori. Pas besoin de partition devant les yeux, il fait corps avec la musique et l’orchestre. L’énergique chef Fabien Gabel a déjà quelques gouttes de sueur au front. « C’est la première fois que je dirige sans public l’ONCT. C’est un sentiment très étrange. L’important c’est de continuer à jouer quoi qu’il arrive. Pour moi c’était un concert comme les autres, avec la même exigence. Là on donne du plaisir via les réseaux sociaux. C’est déjà bien, mais j’espère que ça ne durera pas trop longtemps. » Le chef terminera le concert en nage. Le concerto de Saint-Saëns et la valse de Ravel étaient intenses.

Le chef Fabien Gabel Photo : FTV

A quelques portées de la Halle aux Grains, Michel Pertille est aussi à la maison. Comme d’habitude, il s’est abonné à l’orchestre pour la nouvelle saison. Mais c’est derrière son ordinateur qu’il suit ce deuxième concert de confinement. « Ça se passe très bien. Très content de retrouver l’Orchestre du Capitole. Ce serait plus frustrant de ne rien avoir que de bénéficier d’un live comme celui-là. On peut garder le lien avec l’orchestre. Ça ne peut pas remplacer le vrai concert mais on doit soutenir ces musiciens que l’on aime tant ! » Lors du premier confinement, il avait renoncé au remboursement de son abonnement. Là, il n’a pas encore pris sa décision. Mais c’est sûr, il n’aspire qu’à une chose : « revenir à la Halle aux Grains et ressentir les émissions en direct. »

Un auditeur qui suit le concert chez lui. Photo : Benoît Roux

A la pause, la HAG paraît encore plus grande et vide. Beaucoup de musiciens restent dans la salle pour échanger entre eux et avec les quelques personnes qui sont dans le public. Il se dit déjà que les connexions sur le Facebook et la chaîne YouTube de l’orchestre sont nombreuses. Le concert est aussi diffusée sur le Facebook de France 3 Occitanie. On peut en profiter en direct, mettre sur pause et reprendre plus tard. C’est un peu à la carte. Une nouvelle façon de profiter de la musique.

Pour les musiciens, le plaisir de rejouer l’emporte sur ce vide laissé par le public. La clarinettiste Floriane Tardy ne cache pas sa joie de pouvoir faire son métier, même dans ces conditions. « On est complètement dans le moment présent, dans l’écoute, pour donner le maximum au public. C’est agréable de savoir qu’il y a beaucoup de monde qui regarde. Avec cet écran, on a envie de donner encore plus car on sait que c’est capté, que ça va rester. « 

Thierry d’Argoubet le délégué général de l’ONCT Photo : FTV

Après plus d’une heure de concert, le chef envoie la dernière estocade pour un final somptueux. Avec un inédit : c’est l’orchestre qui se fait public et qui applaudit : « C’est nouveau. On joue aussi pour nos collègues, en fonction de ce qu’ils font. On joue pour un ensemble et on a envie spontanément de s’applaudir. » A l’image de tous les musiciens, Floriane a le sourire aux lèvres. Thierry d’Argoubet aussi. Le délégué général de l’ONCT exulte : « C’était un moment très très fort, on a cassé la baraque! »  La baraka pour l’Orchestre National de Toulouse : plus de 30 000 vues sur les réseaux sociaux. « L’ONCT c’est l’orchestre de tous les Toulousains mais aussi des Italiens, des Américains, des Allemands, des Anglais… On a reçu des commentaires de partout nous comparant aux orchestres les plus prestigieux. Pour nous c’est un moment très très fort ». 

Un concert et une opération très aboutis, mais une réussite artistique qui ne peut pas occulter les interrogations économiques. L’ONCT fait tous ses concerts à budget constant. Les musiciens sont payés par la Métropole de Toulouse, les chefs et solistes qui viennent pour jouer font des efforts financiers.

Ce concert  -comme le prochain prévu le 28 novembre- était gratuit. Il donne une visibilité à l’orchestre mais pas de viabilité économique. La solidarité de l’Etat et des citoyens est donc plus que jamais vitale. Sans oublier de rappeler que LA CULTURE EST ESSENTIELLE.

Reportage France 3 Occitanie : B. Roux R. Guillon E. Hebert J. Eon

Benoît Roux

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13 Nov

Cali, Serge Lama, Christophe et bientôt Gaëtan Roussel, Augustin Charnet est un artiste très demandé

C’est le fondateur du groupe Kid Wise à Toulouse. Augustin Charnet poursuit ses envolées en carrière solo. C’est aussi un musicien créateur très demandé. Avant le confinement, il était en tournée avec Cali. Il travaille aussi avec Rilès, Disiz, Serge Lama et on l’entendra sur le nouveau Gaëtan Roussel.

Le chanteur Cali avec Augustin Charnet aux claviers © Fidji

Il n’a que 25 ans mais sa personnalité et son identité musicales sont déjà bien affirmées. Augustin Charnet c’est l’élégance du son : au piano, sur ses claviers et même dans sa voix. Un raffinement, une dentelle légère un brin mélancolique qui marquent sa différence. Un maître du temps, des moments suspendus, des silences qui magnifient ce qui suit. 

Une esthétique pas que musicale très affirmée, une pop légère teintée d’influences, voilà sa marque de fabrique. Avec Kid Wise, il y avait les prémices aussi d’un rock progressif. Avec After Marianne aussi. Dans sa quête du son, il a travaillé avec des adeptes exigeants comme le chanteur Christophe ou son cadet de Rouen, le rappeur Rilès. Car oui, notre toulousain aime bien l’éclectisme. Et les rencontres fortes.

Cali, comme un frère

Comme avec Cali. D’abord engagé comme musicien, Augustin Charnet a co-composé, co-écrit le dernier album du chanteur « Cavale ». C’était juste avant le premier confinement. La complicité d’une belle rencontre qui s’est exprimée aussi sur scène, avec des concerts en jauge réduite. Augustin a eu l’excellente idée de filmer ces moments si particuliers pour réaliser des petits films docus diffusés sur les réseaux. L’épisode 2 vient de sortir. Les commentaires sont très bien écrits, avec un brin de poésie. On alterne entre moments profonds et plus légers, avec des musiques additionnelles qu’il a signées. Un vrai document sur ce temps troublé que nous traversons et une aventure humaine et artistique vécue de l’intérieur. Rare et précieux.

Journal de bord Charnet/Cali – #2 Derniers concerts avant le confinement

Cali, ses musiciens et Augustin ont pu faire 8 concerts en septembre jusqu’au 28 octobre, date du second confinement. Bruno Caliciuri dit Cali a été l’un des rares artistes à maintenir ses concerts dans des conditions complètement chamboulées. « Nous avions fait le pari de jouer coûte que coûte, partout et à toutes les conditions. Qu’importe si le cachet baisse où si les heures de routes s’accumulent. C’était éprouvant mais nous ne regrettons rien. » Paroles d’Augustin tirées du doc.

Ca fait tellement du bien. Les concerts étaient électriques. On voit que notre métier sert vraiment à quelque chose!

Plusieurs titres sur le nouveau Gaëtan Roussel

Augustin Charnet élargit sa palette artistique dans ses collaborations. Après Christophe, Julien Doré et donc Cali, il vient de participer à 3 morceaux du nouvel album pas encore sorti de Gaëtan Roussel. Le réalisateur Maxime Le Guil a fait appel à lui pour compléter les enregistrements : « Il y a deux côtés majeurs chez lui : il comprend la chanson française et il a une modernité dans les sons ». Le clip du premier extrait est sorti ce vendredi 13 novembre 2020. On y reconnaît bien la patte que l’artiste a insufflé à celle de Gaëtan Roussel.

Gaëtan Roussel – Tu ne savais pas 

« Je suis tellement content d’y avoir participé. J’avais carte blanche! J’ai enregistré des parties additionnelles qui ont été réalisés et mixées par Maxime Le Guil. C’était essentiellement des synthés, claviers, percussions. C’est un très bel album. Il y a une très belle variété des sources qui donne un côté très organique. Gaëtan Roussel est vraiment à part dans sa manière de travailler les thèmes, les gimmick qui reviennent et qui restent. Ca rend les morceaux immédiatement très populaires. »

L’artiste s’est aussi entiché d’un autre artiste à l’univers différent : Serge Lama. Son père Yves Charnet le connait bien. Sur ses conseils, il lui envoie sa reprise de Brel « Ne me quitte pas ». Dans une interview pour le site Maze.fr, il se confie : « Il a beaucoup aimé cette reprise et nous avons beaucoup échangé. Serge écrit ses textes mais ne compose pas ses musiques, il fait donc appel à des compositeurs. Je lui ai fait un premier morceau, puis un deuxième, puis un troisième et cela ne s’est plus arrêté. Les textes étaient bruts, je devais tout composer et trouver la mélodie de voix. Il va enregistrer ça bientôt en studio. »

Il travaille sur son nouvel album. De son côté, le parolier de « Je suis malade » est en train d’écrire plusieurs textes aussi pour le Toulousain. Tous les 2 se sont retrouvés pour l’émission « La boîte à secrets » sur France 3 diffusée la semaine dernière.

Augustin a également travaillé sur le nouveau disque de Disiz (la Peste) et celui de Mathilda, la chanteuse avec laquelle il formait le groupe After Marianne.

Son album en préparation

Peut-être y aura t-il les paroles de Serge Lama sur le premier album perso-solo d’Augustin Charnet?  « Je me suis remis effectivement sur ce projet d’album. J’ai un peu de temps avec le confinement ! J’ai maintenant une bonne dizaine de morceaux, avec que des textes en français. Il y aura toujours du piano, des sonorités planantes et un côté rock progressif. »  En avril dernier, il avait sorti ce single en anglais.

Augustin Charnet – In the valley of your heart

Une pop légère, moderne et efficace qui suspend le temps. Les sons et la production sont toujours riches. Sa voix accroche et ses qualités d’interprète sont évidentes. Augustin Charnet est bien parti pour devenir un artiste incontournable.

Facebook Augustin Charnet

Facebook Gaëtan Roussel

Benoît Roux

11 Nov

Que peut-on trouver sur les radios digitales qui arrivent sur Toulouse et Bordeaux ?

Qui n’a jamais pesté en voiture contre une mauvaise réception de sa radio favorite, la station que l’on ne retrouve pas, le son qui décroche, les fréquences qu’il faut changer sur un même trajet? Tout ceci ne sera que mauvais souvenir avec le DAB+. Ce nouveau procédé vient d’arriver sur les agglomérations de Toulouse et Bordeaux. Une mini-révolution et un petit plaisir pour mélomanes exigeants.

TV et photo ont fait leur révolution numérique. Avec l’arrivée du DAB+ le 5 novembre sur Bordeaux et Toulouse, la radio passe aussi en mode digital. Un confort d’écoute, de nouvelles radios, des contenus enrichis, les auditeurs vont découvrir ce qui, à terme, va supplanter la bande FM. En 2023, 40% du territoire français sera couvert.

Comment recevoir le DAB+?

Ce qui avait freiné le développement de la Radio Nationale Terrestre (l’ancêtre du DAB+) dans les années 90, c’était le coût excessif des équipements. Là, le développement tardif en France de cette nouvelle technologie va se faire un peu à marche forcée mais naturellement. Tout le monde va bien passer au numérique, mais sans que ce soit très onéreux.

Plusieurs récepteurs radios ou amplis-tuners sont déjà compatibles avec le DAB+. Il suffit de vérifier s’il y a bien le logo. Si ce n’est pas le cas, il vous en coûtera entre 20 et plus de 100€ en fonction de votre choix. Certaines voitures récentes ont aussi des autoradios recevant ce nouveau mode de diffusion. Dès l’an prochain, cet équipement sera obligatoire. La France va donc progressivement passer à la radio numérique.

Avec le lancement du DAB+ en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, près de 2M d’habitants supplémentaires peuvent écouter en fonction des zones de 13 à 39 radios numériques. Au total, 63 radios émettent dans l’une ou l’autre de ces régions.

Les principaux avantages du DAB+

Nous avons demandé à un auditeur et professionnel du son d’en juger. Pierre-Alain Pédebernade a longtemps travaillé pour Radio France. En voiture, les premières constations sont positives :  « La qualité du son est nettement supérieure à la FM. J’habite une zone de Toulouse où l’on reçoit assez mal, même des radios importantes. Avec le DAB+, la qualité de réception est bonne, très peu bruitée : pas de bruits de fonds, ni parasites, c’est appréciable. On déguste vraiment une qualité optimale. C’est la qualité, le choix d’accès direct et le marquage très clair des stations. C’est une amélioration que l’on attendait depuis longtemps. »

Les locaux de France Bleue Occitanie à Toulouse ©FTV

La vraie différence se mesure surtout en voiture. L’écoute internet des radios chez soi ou au travail -mais il faut un abonnement internet payant- avait déjà permis certains avantages que procure le DAB+.

  1. Un confort d’écoute : un meilleur son, pas de souffles, ni parasites
  2. Meilleure mobilité : pas de décrochages, même fréquence sur tout le parcours
  3. Pas besoin d’une connexion, d’un abonnement : c’est gratuit comme pour la FM
  4. Un contenu enrichi : possibilité d’avoir du visuel, des infos, des messages, pendant la diffusion
  5. Désengorgement de la bande FM : le DAB permet l’émergence de nouvelles radios sur un territoire


Sur Toulouse, la bande FM est saturée, il n’y a plus de fréquences disponibles. Le DAB + permet de diffuser 13 radios sur une même fréquence (ce qui multiplie le nombre de radios) pour un signal correct. C’est la norme définie en France. Ce qui explique un nombre de radios toujours multiple de 13. Une fois le signal émis, le récepteur DAB+ divise le signal du multiplex reçu en radios individuelles. Dans la ville rose et ses alentours, on peut capter 39 radios, dont 23 nouvelles, soit plus de la moitié. Parmi elles, certaines existaient sur d’autres zones géographiques comme « Ouï FM » ou « TSF Jazz ». D’autres sont des exclusivités du DAB+ comme « Radio pitchoun » « Crooner radio » ou encore « 100% souvenirs ». Il y en a 9 sur Toulouse et 6 à Bordeaux.

Pour Olivier Fabre, co-fondateur du groupe radio 100% basé dans le Tarn, « C’est une vraie opportunité car il n’y avait plus de fréquences sur Toulouse et d’autres villes. Pour le numérique, on peut additionner les fréquences. Pour l’analogique, elles se brouillent. C’est un vrai plus du DAB. En plus de « 100% » notre radio généraliste, nous aurons « 100% souvenirs » un programme dédié exclusivement à la musique française des années 60-70-80. Un créneau musical délaissé par les autres radios avec un public potentiel énorme qui n’attend que ça. »

Locaux toulousains Radio 100% © FTV

Arrivée sur Toulouse en 2018 sur la FM, la radio 100% rassemble 173 800 auditeurs par jour selon la dernière enquête Médiamétrie. Elle a obtenu donc de pouvoir émettre sur le numérique avec 2 radios sur Toulouse mais le CSA ne l’a pas autorisée sur Bordeaux. Elle compte bien continuer sa progression et franchir rapidement le cap des 3 000 auditeurs pour sa nouvelle radio « 100% souvenirs ». Ce qui lui permettrait de pouvoir toucher des publicités nationales.

Petit bémol à tout ça, le DAB+ est diffusé par voie hertzienne, ce qui nécessite donc des nouveaux émetteurs. Là-aussi, tout marche par tranches de 13. Il y a donc 3 émetteurs sur Toulouse : 2 sur les coteaux de Pech David et le troisième rue d’Assalit où se trouve « Radio Occitanie », elle aussi présente sur le DAB+.

L’octroi des fréquences et le développement du DAB+

Comme pour la FM, le gendarme s’appelle le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. Avec des déclinaisons par régions et donc la présence à Toulouse d’un Comité Territorial de l’Audiovisuel (32 rue de la Dalbade) pour l’Occitanie. C’est bien le CTA qui instruit les dossiers et ensuite le CSA qui tranche. « Pour Toulouse, nous avons reçu 65 dossiers de candidatures. 39 ont été retenus. Les critères sont fixés par la loi. C’est la gestion du pluralisme, l’intérêt de l’auditeur qui priment. On cherche à avoir un paysage le plus divers possible : des programmes locaux, généraux, généralistes, musicaux, informatifs, etc… Les radios qui étaient déjà présentes sur la FM sont prioritaires mais ensuite, on doit permettre aux radios absentes de se développer ». Antoine Tabard a fait aussi ses préconisations pour les nouvelles radios de l’ex-région Languedoc-Roussillon : il y aura 13 radios sur Montpellier, 13 sur Nîmes et 13 sur Perpignan.

Il y a 2 types d’appels : un pour des radios locales, autour d’une ville en particulier, une métropole (Toulouse, Montpellier, Nîmes…) et d’autres radios avec une vocation plus régionales, c’est à dire des radios qui vont couvrir plusieurs départements. C’est le cas pour les 13 radios sélectionnées à Montauban. En gros, elles émettent à l’échelle des anciennes régions. Petite « anomalie » : l’Aveyron est le seul département de Midi-Pyrénées qui n’est pas en DAB+ depuis le 5 novembre. Il devra attendre l’an prochain car l’Aveyron est rattaché à Montpellier.

Pour l’instant les grands groupes des radios nationales du service public (France Inter, Info, Culture, Musique…) comme ceux du privé (Europe 1, RTL, NRJ, RMC, etc..) ne sont pas sur le DAB+. « Dans un premier temps, l’appel s’est fait pour les radios locales et régionales. Les grands groupes arriveront courant 2021 », affirme Antoine Tabard.

Antoine Tabard du CTA Toulouse ©FTV

L’an prochain, 30% du territoire français sera couvert contre 95% par exemple en Allemagne et 100% en Norvège. Mais attention, ça ne veut pas dire que certaines zones blanches seront pourvues avec le DAB+. Au contraire, à priori la bande FM passe mieux face à des reliefs difficiles. « En Norvège, la FM qui avait disparu est revenue. Le DAB n’était pas adapté pour des zones montagneuses et rurales. C’est ce qui risque de se passer en France. Une grande majorité des radios sera entendue sur le DAB+ et la FM restera un mode de diffusion pour les zones non-couvertes par le DAB » selon Antoine Tabard.  Le DAB+ a donc une vocation plus nationale et régionale.

DAB+, un peu d’histoire

DAB, c’est l’abréviation de Digital Audio Broadcasting, ce que l’on appelait aussi la RNT Radio Numérique Terrestre. Le procédé n’est pas nouveau. En 1997, lorsque la radio jeune Le Mouv’ arrive sur Toulouse, elle était numérique de A jusqu’à Z. Mais faute d’équipements relativement onéreux à l’époque, la diffusion se faisait en analogique.

Depuis, les grands groupes radios traînent un peu la patte car le DAB est synonyme de pluralité et ils ne sont pas convaincus de la nécessité d’investir dans ce nouveau mode de diffusion. Le DAB est d’ailleurs diffusé par ondes hertziennes mais sur des fréquences différentes. Ce qui va permettre au DAB+ et à la bande FM de cohabiter.

En 2014, Paris, Nice et Marseille voient arriver la radio numérique. Un peu plus tard, Lyon, Mâcon, Nantes, La Roche-sur-Yon, l’Alsace, le Nord, le Pas-de-Calais et la Seine-Maritime ont été couvertes. Fin 2020, c’est Toulouse et Bordeaux. 2021 ce sera Montpellier, Nîmes et Perpignan.

Le DAB+ va devenir la référence du mode de diffusion radiophonique. Pour un temps, la cohabitation DAB+/FM sera possible. Mais à terme, la radio numérique va remplacer la FM; comme celle-ci avait éclipsé les Grandes Ondes dans les années 80. C’est donc une petite révolution qui vient de s’enclencher.

Benoît Roux

 

 

 

07 Nov

Le spectacle impressionnant des professions liées à la culture, l’événementiel et la restauration à Toulouse

A quelques mètres du Capitole de Toulouse, ce n’était pas du théâtre. Comme pour l’Alerte Rouge en septembre, ces professionnels « non essentiels » ont manifesté de manière spectaculaire pour signifier la mort prochaine de leur activité et la fin du lien social qu’ils entretiennent.

Manifestation 6 novembre 2020 Place du Capitole (Toulouse) Photo : Yann Olivier d’Amontloir FTV

En début de semaine, ils avaient déjà donné le ton dans un clip explicite sur fond de corrida, avec mise à mort de leurs professions.

Mobilisation pour la survie des entreprises « essentielles » au lien social

Après les parapluies colorés d’Octobre rose, place au noir ce vendredi. Un millier de manifestants, en tenue de deuil, abrités seulement par un frêle parapluie noir. Pas de camion pour bloquer, pas d’outils pour casser, pas de haine à déverser. Juste une colère froide et réfléchie contre le gouvernement symbolisée par ce slogan :

Gouvernement, si vous nous fermez… vous devez payer

La peur de mourir

Issus du monde de de la culture, de l’événementiel, de la restauration et de l’hôtellerie, des loisirs, du sport, des commerces de proximité, de l’artisanat, tous victimes économiques des mesures imposés par le gouvernement avec ce second confinement. Ils ont répondu à l’appel de la CPME31, Events 31, l’UMIH 31 entr’autres.  

Certes, le gouvernement a mis en place des aides. Le chômage partiel fonctionne plutôt bien, mais la plupart de ces petits patrons n’ont pas accès aux aides. Pas plus à titre personnel qu’au niveau global de l’entreprise. Par exemple, la plupart des restaurateurs ne touchent pas l’indemnité d’un fond de soutien prévu qui avoisine les 1500€. Une grosse majorité de ces entreprises ne sont pas éligibles à d’autres aides car il faut avoir perdu un certain pourcentage du chiffre d’affaire.   

L’alternative est simple : comme leur activité se trouve fortement endommagée, soit ils sont indemnisés à 100%, soit ils disparaissent. La CPME 31 organisatrice de cet événement estime que 60% de ces entreprises pourraient déposer le bilan dans les prochains mois.

Mobilisation du Capitole. Photo : Picsprod

Une mise à mort donnée en spectacle

A une situation exceptionnelle, les organisateurs ont voulu répondre par une manifestation hors normes. En quelques jours, petits commerçants de proximité, restaurateurs, gérants de salles de sports, de lieux culturels, se sont unis aux professions de l’événementiel pour réaliser cette performance très parlante. En habits noirs, réunis place du Capitole à Toulouse, rythmés par les Commandos Percus, avec quelques pas de danses, ce millier de professionnels debout au début de la manifestation se retrouve à terre. Sans autre protection qu’un parapluie noir, pendant que le ténor toulousain Omar Hassan sort de la mêlée pour clamer le célèbre chœur des esclaves « Va, pensiero » de Guiseppe Verdi. Poignant, touchant, spectaculaire. Des images plus fortes que les mots.

Vidéo publiée sur le site Facebook de Marie Gamez

Une mort artistique mis en scène par Gilles Ramade, filmée par de nombreux médias et retransmise sur les réseaux sociaux. Agences d’hôtesses, Agences événementielles, Artistes, Bars, Clubs sportifs, Discothèques, Hôtels, Lieux de réception, Prestataires techniques, Producteurs de Spectacles, Restaurants, Salles de Sport, Salles de Spectacles, Sociétés de sécurités, Techniciens, Traiteurs, toutes ces structures se sont effondrées symboliquement sur la scène improvisée de la place du Capitole. A quelques mètres du Théâtre de Toulouse où « les ténors enrhumés tremblaient sous leurs ventouses » comme le chantait Claude Nougaro. Là, ils ne tremblent pas, ils ne bougent plus, faute d’activités.

Garder le lien social

Comme en septembre pour l’Alerte Rouge, ces professionnels de l’événementiel -rejoints pour le coup par d’autres professions- ont choisi de manifester pacifiquement et de manière artistique. Pas question d’aller bloquer le périph toulousain comme pour d’autres métiers il y a encore quelques jours. Une démarche très louable et respectable mais qui pourrait changer si le gouvernement reste sourd à leurs revendications.

Le 2 novembre 2020, ils avaient prévu de faire cette action. Mais l’hommage à Samuel Paty à repoussé de quelques jours la manifestation. Mais le 2 novembre 2020 -jour des défunts- ils ont quand même lancé leur site internet 02112020. Si toutes ces professions venaient à disparaître, si même seulement elles étaient amputées, que serait le monde d’après? Passé le second confinement et peut-être les suivants, nous aurons besoin de nous retrouver dans les bars et restaurants, d’aller au spectacle, de consommer de la culture, de faire du sport, d’aller danser, etc…

Les représentants de ces professions que l’on a vu ce vendredi place du Capitole sont tous des fournisseurs intangibles de lien social. Si la prophétie des parapluies noirs venait à se confirmer, nous serions tous mouillés, noyés par ce manque de repères essentiels qui nous retiennent encore de couler.

02112020.com – Mobilisation à Toulouse !

 Benoît Roux

05 Nov

Sorties albums : ok pour Dominique A et Marina Kaye, report pour Calogero, Maître Gims et Jane Birkin

En prévision des fêtes de Noël, plusieurs albums devaient sortir ce vendredi 6 novembre. Avec la crise et la fermetures des magasins jugés non-essentiels, plusieurs artistes et maisons de disque ont préféré reporter ces parutions.

Les rayons de jouets, livre, disques et films sont fermés au magasin de la Fnac de Nevers, novembre 2020 ©Pierre DESTRADE ; ; 03/11/2020 via MaxPPP

Même si la consommation de musique se fait de plus en plus via le streaming, les CD et autres vinyles sont toujours prisés, notamment pour offrir lors des fêtes de Noël. Plusieurs artistes très populaires avaient programmée leur nouveauté pour cette fin d’année. Les rayons disques, livres et DVD des magasins étant fermés, les ventes d’albums de ces dernières semaines pas formidables, que pourrons-nous écouter en ce week-end? Quelles sont aussi les sorties reportées?

Déconfinés ce vendredi 6 novembre

Journée spéciale sur les antennes de France Inter le vendredi 6 novembre, Dominique A aura bien besoin d’un peu de promo pour faire connaître son disque. Privés de concerts, visibilité réduite pour des ventes d’albums, Dominique A comme ses collègues tente de se frayer un chemin. « Vie étrange » est justement le titre de son nouvel album qui n’était pas prévu. Sur sa page Facebook il explique : « Après avoir sortis 2 albums en 2018 et tourné pendant un an, je m’étais imposé une présupposée longue période d’autarcie pour recharger mes batteries ». Mais pendant le premier confinement, il sort une reprise de Marc Seberg « L’éclaircie » puis un 4 titres. « Tout cela formant un tout, porté par une même méthode et imprégné des incertitudes de l’époque. D’où ce titre Vie Etrange dont le désir de garder une trace tangible appelait une sortie physique. »

Dominique A – L’éclaircie

Pour Vianney, l’album prévu ce vendredi « N’attendons pas », ne sera pas différé et sortira bien. Pour Gaël Faye, c’est coup double : le film adapté de son premier roman « Petit pays » et son second album « Lundi méchant ». Un album très attendu, concocté depuis 2 ans « Le Lundi Méchant est un concept venu de Bujumbura, au Burundi. Les gens sortent en boîtes de nuit le lundi soir, presque comme un pied de nez, en décidant de ne pas attendre le week-end pour s’amuser. Par extension, c’est Un album un symbole de liberté, un refus du monde tel qu’il est régi. On se prouve ainsi qu’on est acteur de sa vie. Le Lundi Méchant, c’est se réapproprier sa vie, ne rien se laisser dicter par les autres. Le lundi, tout est encore possible… » Le premier extrait s’appelle « Respire ».

Gaël Faye – Respire


Sur nos platines et nos plateforme du jour : « Disco » pour se changer les idées avec Kylie Minogue, Bilal Hassani propose une « Contre soirée » et Ben Mazué nous amène au « Paradis ». Très attendu également « Twisted » de Marina Kaye avec plusieurs extraits présentés lors du Live stream immersif de la plateforme DAZZLE. Le 13 novembre, ce sera au tour AC/DC de remettre le feu avec Power Up.

AC/DC – Shot in the dark

Des grosses cylindrées au garage

Bloqué au « Centre ville », le nouvel album de Calogero. L’une des meilleures ventes de disque en France peut pas se permettre une sortie de route. Le voilà bloqué avec « Centre ville ».

Sur les sites de la Fnac et d’Amazon, son nouvel album est néanmoins annoncé pour le 11 décembre. « Jusqu’ici tout va bien ». Maître Gims est au générique de la nouvelle série de TF1, en live sur Instagram mais son CD attendra. Sans doute pour la même cause : « Le fléau ». 

https://twitter.com/MaitreGIMS/status/1324350536146165760?s=20

Elle devait fêter son grand retour avec un album de chansons originales pas écrites par Gainsbourg mais par Etienne Daho. Jane Birkin elle aussi renonce. Les 2 icônes pop ont fait la une de Télérama mais la sortie attendra. « Oh ! pardon tu dormais ». Le premier extrait était pourtant prometteur.

Jane Birkin – Les jeux interdits

Des reports qui prouvent bien que les sorties « physiques » sont toujours importantes malgré le streaming. « Les deux derniers mois de l’année représentent en moyenne un tiers à 40% des revenus annuels des produits physiques », explique Alexandre Lasch, directeur général du Snep (syndicat national de l’édition phonographique) dans le journal Sud-Ouest.

Le même syndicat qui est aussi à l’origine d’une pétition en ligne (sur le site change.org)  pour réclamer la réouverture des petits magasins culturels et des rayons culture de la grande distribution. Plus de 7300 signataires, beaucoup d’artistes pour lesquels il est bien difficile aujourd’hui d’exister.

Benoît Roux

03 Nov

Comment soutenir la musique et les artistes avec ce nouveau confinement?

Depuis mars dernier, la plupart des artistes n’ont pas eu l’occasion de se produire en concert. Confinement, déconfinement, reconfinement, la donne reste la même : recettes insuffisantes voire inexistantes. Socialement, c’est aussi difficile pour les artistes de garder un lien avec le public. Lives streams payants, financement durable, concerts drive-in? Comment les artistes pourront-ils vivre encore demain de leur art ?

Marina Kaye lors du premier enregistrement Dazzle. Photo : William Lacalmontie

Lors du premier confinement, les artistes ont tué le temps et chassé leur frustration avec de nombreuses vidéos. Connus, méconnus, inconnus, solo, avec des musiciens, avec l’orchestre, toutes les formules ont été requises. Avec plus ou moins de bonheur.

Seulement voilà, il y a peu de chances que le confinement version 2 ressemble au précédent. Économiquement, la situation n’est plus tenable, ni pour les artistes, ni pour les professions qui gravitent autour. Il faut donc trouver des idées pour diffuser la musique tout en trouvant de nouvelles sources de rémunération.

Des lives streams payants ?

Le confinement épisode 1 a suscité un flot sans précédent de vidéos musicales diffusées en live stream sur les différents réseaux sociaux et les plateformes de streaming. Mais pour la plupart, elles étaient en accès libre. La question se pose donc d’une possible mais nécessaire monétisation. L’article du Centre National de la Musique rappelle l’historique et le contexte, mais difficile d’en faire un modèle économique viable. Il intéresse les artistes évidemment mais aussi les salles de spectacles et même certains lieux pas spécialement culturels qui pourraient être mis en valeur d’une autre manière. Les internautes et les fans seront-ils prêts à payer un ticket d’accès sans assister physiquement au concert ?

Le site Sortiraparis.com dresse une liste d’une bonne dizaine d’événements musicaux qui vont avoir lieu d’ici la fin 2020. On y retrouve du beau monde comme Kylie Minogue, Metallica ou encore Gorillaz.

On est vraiment situés entre le live et le clip

Le 22 octobre à 19H, une nouvelle plateforme originale a fait son apparition. DAZZLE est une entreprise française qui propose des concerts lives streams immersifs dans un lieu original. 20-25 minutes de live avec des morceaux qui sont réalisés un peu comme des clips. Ensuite, un talk-show avec l’artiste et des questions posées par les internautes pendant le live. Première expérience donc : la française Marina Kaye. « On veux proposer une expérience musicale et visuelle différente. On essaie de filmer différemment d’un prime-time télé. Les plans sont plus longs, on crée une atmosphère avec le lieu, les éclairages et les vidéos ». Baptiste Ferrier est le fondateur de Dazzle et son directeur de création. Le numéro 1 a été enregistré à Bagneux, formule piano-voix avec Marina Kaye. « On cherchait un lieu industriel et pratique. Pour les suivants, ce serait bien de trouver des lieux atypiques, étonnants, qui ont déjà un intérêt même sans éclairage ».

Making-off de l’émission

Coût de l’émission : 200 000 € pour cette première accessible gratuitement. Une quarantaine de personnes a travaillé sur cette formule durant 2 jours. Mais l’idée c’est bien de trouver un modèle économique qui permette d’en vivre et de rémunérer techniciens et artistes. Il existe déjà ce type de plate-forme payante, notamment souvent dans le domaine de la musique électro. « Nugs TV » propose aussi beaucoup de musique live payante en streaming comme par exemple Metallica le 14 novembre. On peut d’ores et déjà acheter son billet mais aussi son T-Shirt Metallica moyennant 15 dollar.

Pour Dazzle, suite au concert de Marina Kaye, des discussions sont engagées avec des labels français. « L’idée ce serait de faire des lives sur des formats plus récurrents mais gratuits, puis un concert événementiel avec billetterie chaque mois. Il y a un vrai format à inventer en complément du live. Avec plus de proximité avec l’artiste, en proposant par exemple un accès backstage en amont pour les abonnés. Si nous arrivons à bâtir ce modèle, il peut perdurer au-delà du confinement.  » 

Le résultat est assez différent de ce que l’on peut voir habituellement. Le visuel est intéressant et l’atmosphère prenante. Même si évidemment, la performance ne ressemble en rien à un concert tel qu’il se vivait auparavant. Quelles émotions peut procurer un spectacle auquel on ne peut pas assister physiquement? Et quel est le ressenti de l’artiste qui se produit sans public en face? L’avenir dira si ce nouveau concept peut devenir une ressource complémentaire pour les artistes et autres professionnels du spectacle. En tous cas, cette première avec Marina Kaye est convaincante.

C’est qui le « Patreon »?

L’artiste a besoin du public, mais avec tous les gens qui gravitent autour, ils doivent surtout pouvoir vivre convenablement. Quand l’industrie du disque déjà endommagée s’effondre, quand il n’y a plus de rémunérations liées au concert, quand la musique est largement diffusée mais sans rétribution digne de ce nom, comment continuer à créer? Avec le soutien financier et régulier des fans. C’est le principe de la plateforme PATREON.

Lancé en 2013 aux States, « Patreon » vient de lever 90 millions de dollars pour être présent en France. Relativement méconnu chez nous, on doit cette initiative à Jack Conte, un musicien du duo Pomplamoose.  Las de toucher de maigres pécules via sa chaîne You Tube (100 000 abonnés), il lance ce nouveau modèle. Ses fans s’engagent à le financer avec plus de 5 000 $ par vidéo publiée en exclusivité sur le site dès les premières semaines. En contrepartie de ce financement, l’artiste s’engage à publier de nouvelles choses régulièrement et en exclusivité sur le site. La start-up prend une commission qui oscille entre 5 et 12 % en fonction des formules. Le reste est versé aux artistes. 

Un développement durable pour les artistes

« Patreon » tout comme « Tipee » qui existait en France proposent une sorte de circuit court entre les créateurs et leurs communautés. La formule d’abonnement est de 3 à 25 euros par mois. Pas énorme pour les donateurs, mais une assurance survie pour les artistes. Contrairement à des plateformes de crowdfunding comme « Ulule » qui financent un projet, les fans s’engagent pour du long terme. De quoi permettre de créer un peu plus sereinement, ce qui met aussi une certaine « pression » qu’il faut gérer côté artistes. L’inscription est gratuite pour les artistes, les abonnés peuvent souscrire et arrêter leur abonnement quand ils le souhaitent. Mais en principe, les fans sont plutôt fidèles. Pas encore grand public, mais adopté déjà par certains artistes intéressants comme Jacob Collier, le site a pour l’instant attiré des artistes dans des domaines un peu particuliers. 

Selon le fondateur de « Patreon », il a publié plus de cent vidéos sur YouTube en 2019. « Un million de vues ne m’ont été payées que 166 dollars, indique-t-il dans cet article. De longues nuits, un travail acharné ne rapporte rien ». Toujours selon ce même papier des Echos, depuis sa création ce système a permis à plus de six millions de fans d’apporter 2 milliards de dollars (1,7 milliard d’euros) aux 200.000 créateurs inscrits sur la plateforme.

Il permet aux artistes d’être un peu plus autonomes par rapport à certains diffuseurs et surtout, il casse le sacro-saint principe de la gratuité d’internet. Oui, il faut apprendre à payer si l’on veut voir des choses de qualité. Ecouter de la musique ne doit pas se résumer à des vidéos Youtube ou à des plateformes peu regardantes avec du streaming à bas coût.

La crise profonde et durable va accélérer les changements de modèles économiques pour la culture. Les français accepteront-ils de payer pour de la qualité, de l’originalité et de l’exclusivité pour la musique comme ils le font pour le sport et d’autres domaines ? Question de survie.

DAZZLE

PATREON

Benoît Roux

31 Oct

Le clip d’Halloween qui vous fera sortir du confinement

Déjà mare d’être enfermé? Envie d’évasion, de changer d’air? Le nouveau clip du duo Toulousain sorti spécialement pour Halloween va définitivement vous faire sortir de chez vous. Fait avec les moyens du bord « Do it Yourself » mais avec avec beaucoup d’imagination, il revisite plein de films d’horreurs. Le confinement ? Oubliez de suite !

Pas de fête d’Halloween, un deuxième confinement cette année mais Johanna et Christophe Dorso ont tenu absolument à sortir leur troisième clip. Prévu depuis plusieurs semaines, l’idée était de délirer sur le morceau « Dream or Nightmare » sur le thème d’Halloween. Ils ont donc fait appel au danseur toulousain de hip hop David Dee ainsi qu’à plusieurs danseuses et danseurs.

Photo du clip

Comme souvent chez le Duo Anadjoh (Johanna et Christophe Dorso), l’imagination et la créativité ne sont pas en reste. Après WHY réalisé pendant le premier confinement, après FROM HELL tourné avec le comédien Pierre Matras, voici donc un troisième morceau et clip de Johanna et Christophe.

Duo ANADJOH – Dream or nightmare

« Carrielise », « Rombie dead », « Margo queen », « Romannaelle », « Celia doll », « Adecat », « Blood Mareva » et même « David Dee the Mummy », les participants enfants et adultes sont nombreux. Ils n’ont pas eu peur des zombies.

Johanna Dorso Duo ANADJOH

« Dream or nightmare », « rêve ou cauchemar », telle est la question du moment. Le duo rêvait e moyens pour réaliser le clip, il n’a pas eu ce qu’il escomptait. Mais ça n’a pas tourné pour autant au cauchemar car le peu de moyens a développé leur créativité. « Le cauchemar est l’épreuve nécessaire du rêve, sa première incarnation. » La citation est de l’écrivain Québécois Yvon Rivard. Plus que jamais, il faut exorciser les peurs. En tous cas bravo à tous les artistes qui ont participé au clip. Pour ceux qui n’ont pas tout compris, le duo organise demain dimanche 1er novembre un Facebook live. Et si la peur vous fait sortir de la maison, n’allez pas trop loin ! Le confinement rôde…

Benoît Roux

FACEBOOK ANADJOH

FACEBOOK DAVID DEE

23 Oct

Avec son 20e album Bruce Springsteen redevient « The Boss »

Pour son 20e album, Springsteen retrouve son groupe mythique The E Street Band. 12 titres enregistrés dans son studio du New Jersey quasiment en live. En ces temps où beaucoup de choses se délitent, écouter ce nouvel album amène une certitude : Bruce Springsteen est bien redevenu le Boss.

Bruce Springsteen et The E Street Band de nouveau ensemble pour un nouvel album en attendant la scène ? Photo: Andreas Gebert/dpa via MaxPPP

I’m alive and I’m coming home

Dans un New Jersey rudement touché par la pandémie, Bruce Springsteen est toujours vivant et il revient à la maison. Sa maison c’est aussi le E Street Band, son groupe habité par le son du bon vieux rock-blues américain. Et quand la formation prodige revient chez elle, l’esprit demeure. Les musiciens sont excellents, ça déménage à tous les niveaux, les arrangements sont classiques mais riches et efficaces. Reste le Boss. Du haut de ses 71 bougies, Springsteen a gagné en fragilité, en sensibilité. Dès le premier morceau « One minute you’re here », on entend d’abord le souffle, et sa voix émouvante, terriblement humaine, vibrante, déchirante. Le « Boss » se ballade dans toutes les nuances. Une intro et un dernier morceau « I’ll see you in my dreams » pour rappeler que la vie peut s’éteindre à tout instant mais que les morts continuent de nous accompagner.


Springsteen revient aux fondamentaux avec une certaine nostalgie. Comme une réunion de vieux potes pour voir si tout fonctionne encore, si les cow-boys peuvent toujours braquer la banque. On pense à « Born to Run », enregistré en 1974 mais en beaucoup plus spontané et moins « cuivré ». La fougue, la fièvre, la tension électrique brûlent toujours, comme sur le magnifique « Burnin’train ». Un train lancé à fond, soutenu par la batterie, éclairé par les guitares au très beau son et conduit de voix de maître par Springsteen. Mon préféré de cette nouvelle production.

« Letter to you » dévoilé il y a quelques semaines et qui a donné le titre de l’album est de la même veine. Les vieux démons -mais surtout l’esprit des défunts- rodent toujours à l’instar des « Ghosts » qui viennent habiter ardemment la maison.

« Letter to You est une réflexion et une méditation sur le temps qui passe, la perte d’amis et comment cela vous affecte en vieillissant. Et en même temps, il s’agit d’une célébration du fait que le groupe continue et que nous portons l’esprit des absents avec nous« , a déclaré Bruce Springsteen au micro de Zane Lowe sur Apple Music.

Des reprises de morceaux inédits des années 70

Et comment ne pas faire nostalgique lorsque l’on reprend des titres comme « Janey needs a shooter » que Springsteen avait écrit avec Warren Zevon au tout début de sa carrière. Springsteen a longtemps voulu enregistrer ce morceau mais il n’a jamais été satisfait du résultat. Warren Zevon décédé depuis s’y était attelé et Springsteen avait trouvé les arrangements intéressants. Orgue Hammond rutilant et harmonica enflammé.

Tout aussi mythique et mystique, toujours écrit dans les années 70, le titre « If I Was the Priest » aux accents très dylaniens, interprété avec une voix à la fois puissante et fragile pour faire place à l’émotion. Un titre écarté de son premier album Greetings From Asbury Park N.J. paru en janvier 1973.

Même époque pour « Song of orphans ». Les fans invétérés connaissent cette chanson étant donné qu’une version studio pouvait se trouver.

Dans les reprises, comme dans les créations, dans les ballades comme dans les rocks enfiévrés, cet album signe le retour du Boss dans ce qu’il sait le mieux faire : du bon vieux rock avec des musiciens hors pair.  « Je suis au milieu d’une conversation de 45 ans avec ces hommes et femmes qui m’entourent« , rappelle t-il dans cet article de Francetvinfo. « Nos années à jouer ensemble ont créé une efficacité en studio. Les idées fusent dans la pièce. La confusion règne souvent. Et puis soudain, dynamite!« . Explosif mais pas de surprises, ni de révolution, dans cet album « Letter to You ». Juste le plaisir de constater que tout vieillit bien, sans altération, sans artifice pour le masquer. Vocalement même, l’émotion et l’humanité de Springsteen sont encore plus prégnantes.

ITV en intégralité de Springsteen par Zane Lowe pour Apple music

SITE OFFICIEL

DOCUMENTAIRE VIDEO APPLE TV

Benoît Roux

22 Oct

Qui est derrière « Rockstars du Moyen-Âge », un titre du dernier album de Francis Cabrel ?

Comment Francis Cabrel -le chanteur respecté mais discret- est-il devenu défenseur des régions, admirateur des troubadours occitans, pourfendeur du jacobinisme français? Avec son dernier album, l’artiste est sorti de sa réserve avec des mots très explicites. Derrière cet engagement symbolisé par la chanson « Rockstars du Moyen-Âge », il y a plusieurs artistes dont Jean Bonnefon.

Francis Cabrel et Jean Bonnefon sur scène Octobre 2017

Le journaliste de France Bleu et chanteur occitan Jean Bonnefon est un ami de Francis Cabrel. Voilà presque 40 ans qu’ils partagent une belle amitié pas seulement artistique. Enraciné à Astaffort (47), Francis Cabrel sème des graines d’artistes et les fait grandir avec les « Voix du Sud », des rencontres artistiques régulières dont le président n’est autre que … Jean Bonnefon! 

Quand le groupe périgourdin « Peiraguda » fête lui aussi ses 4 décennies, Francis Cabrel est invité à partager la scène avec Jean et ses complices. Il y a aussi le chanteur de l’emblématique groupe Nadau. Jan de Nadau, Jean Bonnefon et Francis se connaissent bien et leurs points de vues sont souvent communs. Ils se reconnaissent dans ces phrases délivrées par le chanteur lors du JT de France 2 le 18 octobre 2020.

Le français a tout écrasé, et surtout s’est extrêmement centralisé. Il faut qu’on retrouve nos caractères profonds, chaque région a ses coutumes, sa langue, sa cuisine, ses paysages, il faut appuyer là dessus.

Un engagement progressif

Ces mots peuvent surprendre, de la part d’un artiste très respecté mais tout autant discret dans ses engagements. Au travers de sa poésie, pointent souvent les valeurs écologiques. Sous jacentes aussi les critiques fleuries de la société moderne. L’air de rien, au travers des mots, respirent souvent des messages discrets. En 1983, la chanson « Les chevaliers Cathares » ironise sur ces 3 statues en ciment à l’esthétique douteuse qui bordent « l’autoroute des 2 mers ». Cabrel soupçonne son auteur d’être « du dessus de la Loire ».

Les chevaliers Cathares
Pleurent doucement
Au bord de l’autoroute quand le soir descend
Comme une dernière insulte
Comme un dernier tourment

Cette chanson de 1983 marque son premier engagement régionaliste artistique. Mais la langue occitane n’est pas encore là. Francis Cabrel déclare dans l’émission de France 3 « Viure al pais » en 2018 : « Je suis né dans des rues où l’on parlait occitan. … Je ne l’ai pas étudié, puis je m’en suis éloigné. Au fil du temps j’ai rencontré des amis qui s’y intéressaient beaucoup et qui petit à petit m’ont convaincu de m’en rapprocher. » 

Au début de sa carrière, Cabrel dit volontiers : « Je suis un fils d’immigré italien qui vit en Occitanie, qui chante en français des chansons américaines ».

En 2015 paraît son avant-dernier album « In Extremis ». L’occasion d’une nouvelle ode à l’écologie, à la diversité en général et celle des langues en particulier.

Francis Cabrel au « 40 ans de Peiraguda » – In extremis

Les mots se font alors plus abrupts. Dans la chanson qui a donné son titre à l’album, Cabrel parle d’un « génocide par précaution » de la langue occitane à la faveur de la française. Dans une interview à Paris-Match il déclare : « C’est une chanson sur la langue occitane que je défends. Le français l’a piétinée et, pour être sûr de son hégémonie, on en a fait table rase. On peut voir cette chanson comme un hymne à tous ceux qui résistent et qui arrivent à avoir gain de cause. »

2017, « Peiraguda » fête ses 40 ans. Evidemment, Francis Cabrel est de la fête, avec Jan de Nadau et « Los Pagalhos ». « Là, il a vu que cette culture, cette langue, étaient encore vives et que l’on pouvait faire de belles choses. Les 2 soirées qui ont suivi les concerts l’ont peut-être fait réfléchir et achevé de le convaincre », suggère Jean Bonnefon.

Peiraguda, Francis Cabrel, Jan de Nadau – Mon dieu que j’en suis à mon aise

 

Pour défendre son nouveau disque « A l’aube revenant », il n’hésite pas à passer des paroles aux actes en déclarant au journal de France 2: 

Je suis du Sud, partout c’est l’Occitanie autour de moi, des gens se battent pour la langue occitane et je suis à leurs côtés

La découverte des Troubadours, ces « Rockstars du Moyen-Age »

Amoureux des Lettres, Francis Cabrel ne pouvait pas passer à côté des troubadours ces grands poètes, musiciens et interprètes apparus au XIe siècle. A l’époque, ils ont d’abord écrit en occitan et tout ce pan de culture a été diffusé dans les plus grandes cours européennes. A Toulouse, les Troubadours sont Fabulous et Claude Sicre va faire des émules dans le Lot-et-Garonne. Jean Bonnefon raconte : « Claude est venu à Astaffort chez Francis Cabrel pour enregistrer des chansons réalisées par le guitariste et arrangeur Freddy Koella (grand musicien qui a joué avec Bob Dylan, Willy Deville, … ex-membre de Cookie Dingler). Claude Sicre lui porte alors plein de livres sur les troubadours ».

Une chose attire particulièrement l’attention du chanteur; une phrase précisément d’un texte de troubadour : « Se as pas res, as pas res a perdre » (si tu n’as rien, tu n’as rien à perdre). Cabrel, grand fan de Dylan que l’on qualifie volontiers de « troubadour » trouve là une résonnance de la célèbre chanson « Like a Rolling Stone » : « When you ain’t got nothing, you got nothing to lose ».  Plus qu’une simple coïncidence. 

Cabrel tombe sous le charme de ces écrivains. Il achète d’autres livres pour approfondir ses connaissances. Il reconnaît volontiers connaître leur existence mais découvre la beauté et la profondeur de leur littérature. « Il projetait même de consacrer tout son nouveau disque à ces poètes« , précise Jean Bonnefon. Finalement, il y aura 4 titres du nouvel album qui y feront référence.

En 2018, Claude Sicre invite l’artiste à se produire sur la scène de l’Estivada, le festival occitan de Rodez. Il y chantera son répertoire en français, mais aussi en occitan grâce aux traductions de Jean Bonnefon. Il accompagnera les enfants de la calandreta (école en occitan) pour une version en occitan de sa chanson « Il faudra leur dire ». Il se livrera aussi à une joute verbale et poétique avec Claude Sicre avant de présenter une nouveauté : « Rockstars du Moyen-Age ». Le titre de la chanson et l’expression viennent de Claude Sicre. De l’aveu même de Cabrel :  « il m’a donné la phrase qui a mis le feu aux poudres. »

Francis Cabrel à l’Estivada (Rodez) 2018

La version que l’on écoute aujourd’hui sur le nouveau CD est différente de celle de 2018.

Rockstars du Moyen-Age et la recherche des 3 S

Un jour, le natif d’Agen appelle le Périgourdin Jean Bonnefon. « Je vais t’envoyer un texte. Je voudrais que tu en traduises une partie… » Le co-fondateur de « Peiraguda » va faire une adaptation du texte en français plus qu’une simple traduction. « Quand je lui ai montré le texte, ça n’allait pas. Ca ne sonnait pas assez car chez Francis, il faut toujours qu’il y ait les 3 S : du Sens, du Son et du Swing!  » Jean cherche alors la bonne formule, pour la rime, pour le rythme inhérent du mot. Pour traduire « Moyen-Age », il prend quelques libertés en écrivant « Media d’Atge » au lieu de « Edat majana ». « Ca sonne quand même mieux »! Il fait d’ailleurs valider son travail par Daniel Chavaroche et Jean-Michel Espinasse, 2 références gasconne et languedocienne de la langue occitane. A l’arrivée, le refrain et un couplet en occitan. Une première pour Cabrel. 

Francis Cabrel – Rockstars du Moyen-Age

Depuis, les messages de félicitations abondent et l’émotion gagne : « Quand il m’a demandé pour la première fois d’écouter l’enregistrement, c’était déjà très émouvant de l’entendre en occitan. Mais quand Francis cite les troubadours lors d’un couplet, j’avoue qua ça m’a donné le frisson ». 

De là à imaginer une suite…? « Je ne sais pas s’il y en aura une. Mais on continuera de lui souffler des choses à l’oreille » ! Le souffle poétique, puissant et inaltérable des troubadours.

Benoît Roux

17 Oct

Vox Bigerri : la recherche du son en commun

C’est devenu LA référence du chant polyphonique pyrénéen. Vox Bigerri sort son 7ème album « Jorn ». Un mélange de créations, chant traditionnels, reprise jazz. 4 hommes dans le vent pour un disque de très haute volée. Guidés par la recherche du son commun.

C’est un temps suspendu, contemplatif. Se poser, fermer les yeux, écouter, observer. Un disque de Vox Bigerri, ça se savoure, durablement. Pascal Caumont, Fabrice Lapeyrère, Régis Latapie et Bastien Zaoui sortent aujourd’hui leur 7ème album. Ils sont devenus LA référence du chant polyphonique traditionnel et contemporain. Un travail historique, scientifique et artistique avec des chants collectés dans les vallées pyrénéennes, des adaptations et des créations.

« Jorn » un disque de polyphonies de tous les temps

Ce qui frappe en premier lieu, c’est la puissance du son. Un son qui va au-delà de l’écoute, avec beaucoup de force et de sérénité. Jusqu’à présent, ils étaient 5. Mais la voix la plus haute (Olivier Capmartin) s’est envolée. Ce qui n’est pas un problème car dans la polyphonie traditionnelle, il y a 3 registres de voix. Désormais, les 4 compagnons de voix voyagent sur tous les tons. « Dans nos chants, il y avait souvent 3, 4 voix maxi, rarement 5. Donc nous alternons les registres, avec plus de souplesse. » Pascal Caumont est à l’origine de cette formation masculine.

Vox Bigerri – La nòvis n’a la corona li tomba

 

Jusqu’alors, les disques étaient thématiques : le chant sacré (Cap aus Sorelhs, vers les soleils), le chant festif (Ligams, liens), la rythmique jazz avec l’intrusion du batteur américain Jim Black (Tiò). Dans le nouveau CD « Jorn » (jour), il y a un peu de tout. Le morceau « Jorn » justement est une création, des paroles de Pascal Caumont mises en « musique » par Fabrice Lapeyrère. N’allez pas croire que ça parle de bergers, de troupeaux égarés et de femmes éplorées ! « Cette création me plaît beaucoup. Elle parle des valeurs de notre société. Nous avons beaucoup de forces en nous pour affronter la mauvaise période que nous traversons. Il nous faut aller de l’avant pour bâtir une société plus juste et plus coopérative ». Avec la période que nous traversons, la résonnance est évidente.

Le son commun

« SON » : pronom personnel possessif. Une définition qui vaut pour la langue française. Mais Vox Bigerri chante surtout en occitan! Alors le SON est bien « personnel » dans le sens d’unique, propre, mais il n’a rien de « possessif ». Il serait plutôt synonyme de partage. C’est la recherche perpétuelle du son commun. Aucun doute à l’écoute de ce nouveau CD. En studio, sur scène, il y a cette manière d’être ensemble, de faire communion. Les 4 voix s’harmonisent parfaitement, servant d’écho et de support les unes aux autres. Un chant à l’unisson rempli de résonnances.

Sur la pochette de ce nouveau CD, les anneaux de Saturne (le lien) et sa lune Rhéa, la femme de Cronos, maître du temps. Les chansons interprétées sont en effet moins soumises au temps, la rythmique pourtant complexe se fait discrète pour porter l’ampleur des voix. Tout est aérien et suspendu. Comme le temps qui s’arrête pour faire place aux voix. Les chanteurs remplissent l’espace. La polyphonie sonne alors comme une plénitude. On se retrouve transporté hors du temps.

Vox Bigerri – Jorn (Création 2020) from Pirèna Immatèria on Vimeo.

« Nous voulons être dans le son de la voix, une connexion pour faire accord, entrer en harmonie. Quand nous chantons comme ça, nous ressentons des vibrations dans tout le corps. Le rythme est organique, pas mécanique », explique Pascal Caumont. Et ce n’est pas une gasconade !

Le chant comme un ballon de rugby

Chaque langue a sa musicalité mais Vox Bigerri passe aisément de l’occitan au français, parfois dans le même chant comme « Aquesta neit n’èi hèit un rève » (Cette nuit j’ai fait un rêve). Dans la très réussie reprise de « Strange fruit » (Fruit étrange) de Billie Holiday puis Nina Simone, ils s’approprient la mélodie, tantôt en anglais, tantôt en occitan. Autant dire que le chant du groupe Vox est protéiforme, dans son univers pour les traditions, dans les cieux pour le chant religieux (« Sanctus-Benedictus », « Kyrie Eleison »)), transcendé par le rythme quand pointe le jazz (« Strange Fruit »).

Un travail de funambule, toujours en équilibre, à la recherche du bon rebond vocal.

Il faut être concentrés, posés, regarder ce qui se passe chez l’autre. Nous sommes tout le temps en connexion, toujours à regarder où va tomber le chant de l’autre, comme le rebond aléatoire du ballon de rugby!

Ce son commun toujours en osmose, Vox Bigerri en a fait sa marque de fabrique.

Réinventer la tradition en se nourrissant de l’Histoire

Dans l’album « Jorn », il y a aussi matière à réfléchir. Comme avec cet air traditionnel, un tube pyrénéen « Sendèrs de tèrra nera » (Sentiers de terre noire) que l’on doit à Jean-Claude Coudouy. Le mémorable interprète du « Hilh de puta! » a fait une magnifique mélodie mais le texte d’un autre auteur un peu macho, parle de « race », incompatible donc avec l’esprit et la vision du groupe. Alors, Pascal Caumont prend la décision de le réécrire, et ces sentiers sont désormais propice à l’admiration de la voûte céleste, prétexte à s’interroger sur le devenir de la planète.

Vox Bigerri – Sendèrs de tèrra nera

L’Histoire est très présente avec « Lo purmèr de març » (Le premier mars), le moment où les jeunes garçons partaient travailler en Espagne pour gagner un peu d’argent du XVe jusqu’au XVIIIe. Histoire encore avec « La cançon de Grangèr » (La chanson de Granger) sur la fugue d’un jeune voulant échapper au service militaire (7 ans à l’époque!) qui réussit à désarmer et mettre en fuite les gendarmes.

Et puis il y a « Montségur », lieu du massacre qui mit fin à l’hérésie cathare en 1244. Ils avaient déjà mis en musique le célèbre poème de René Nelli écrit 700 ans après sur une blessure plus vive que jamais. Sur ce disque, c’est une nouvelle version de « Montségur », sur un poème de la Catalane Susanna Rafart. « Nous avons rencontré Susanna Rafart à Barcelone. C’est un écrivain très connu en Catalogne et en Espagne aussi. Elle nous a montré ce poème qui a résonné comme une suite au Montségur de Nelli. Je l’ai mis en musique. Le premier Montségur s’achève sur un cri. Ici le chemin est plus apaisé. Dans le ciel, on regarde les aigles voler au dessus du château ». L’aigle, qui peut voler très haut, et dont les larmes ne peuvent pas geler car elles sont faites d’huile…

Un disque aérien, au son ample, qui nous laisse en lévitation, apaisés et transportés par les voix.

Vox Bigerri – Jorn

Le travail de Vox Bigerri est remarquable, tant sur un plan artistique que technique et historique. Le groupe ne se répète pas d’un disque à l’autre mais va explorer toujours de nouveaux espaces. Ils préparent déjà une nouvelle création « Milharis » qui mélangera musique électronique, jazz avec des flutes traditionnelles, le tout accompagné par l’orchestre de chambre de Toulouse. Rien n’arrête ces explorateurs de sons.

SITE VOX BIGERRI

PIRENA IMMATERIA

Benoît Roux