Personne n’a vu venir cette jeune londonienne et ses chansons intimes et écorchées. Anna B Savage signe un premier album qui ne ressemble à rien d’autre tellement elle ne s’interdit rien. Un sens innée des émotions musicales et une voix tantôt puissante tantôt susurrée. Elle n’a pas encore atteint les 800 abonnés sur sa chaîne Youtube mais ça ne saurait tarder. Découverte.
Ne cherchez pas de la sophistication mais plutôt de la spontanéité chez Anna. Ca commence toujours tout simple, anodin et tout d’un coup, vous êtes pris d’une indicible émotion. Avec sa guitare à la Joni Mitchell, la jeune anglaise sait distiller les moments de grâce et ceux où l’orage gronde. Des petites mélodies, une base folk acoustique et soudain, le morceau se tire vers des ailleurs improbables. On frémit, on pâlit, on renaît, on s’accroche, en passant par tous les états. Des émotions transmises aussi par la voix, tantôt Hannah Reid de London Grammar, un peu (beaucoup !) de Kate Bush et un zeste peps de Beth Gibbons.
« Baby Grand », un morceau d’une puissance émotionnelle, incroyable, où les silences résonnent et la puissance l’emporte. « Baby Grand » raconte son premier amour de jeunesse, douloureux et sensible. Un hymne au doute et à la vulnérabilité. Le clip est réalisé par son copain de l’époque (7 ans en arrière). Une mise en abyme qui nous laisse le souffle coupé à la fin du clip.
Anna B Savage – Baby Grand
Pour son premier véritable album après un EP, Anna B Savage frappe fort et juste. Sa voix, comme un véritable instrument, en osmose totale avec sa musique. Souvent lyrique, parfois grave, allant chercher les aigus, non pas pour une démonstration technique mais pour un frisson. La chanteuse et musicienne possède un indéniable côté underground qui ne veut se plier à aucune mode, à aucun genre. Le mal de vivre enfermé dans sa guitare et qui fait vibrer les cordes sensibles.
Si sa musique est principalement folk, n’allez pas croire qu’elle se satisfasse d’une redite. Beaucoup d’influences électro viennent l’enrichir, un petit côté dance sur le titre « Two » où l’on retrouve aussi le côté expérimental d’une autre anglaise : Kate Bush.
Il y a aussi ce petit bijou « Corncrakes » qui sait prendre le temps, parfaitement équilibré avant la montée finale qui prend tout. Et dire que l’artiste n’est suivie pour l’instant que par à peine 800 abonnés sur sa chaîne Youtube ! Les compteurs devraient s’affoler même s’ils ne sont pas toujours gage de qualité.
Anna B Savage – Corncrakes
Telle une peintre, elle crée des palettes de couleurs musicales assez différentes d’un morceau à l’autre, le tout joliment enveloppé par un jeune électronicien anglais : William Doyle qui a publié plusieurs albums. C’est souvent barré, en équilibre sur un fil, avec de l’audace, puis de la retenue. Un dernier exemple de son talent : « A Common Tern ».
Anna B Savage – A Common Tern
Savage a cité Nick Drake et Ella Fitzgerald comme des influences clés sur son écriture. Mais à l’arrivé elle possède déjà son propre univers. Un album épuré, qui respire, une artiste qui ne cache pas sa fragilité, qui n’a pas peur de sa puissance. Des doutes et des certitudes profondément humains et touchants.
Benoît Roux