Qui n’a jamais pesté en voiture contre une mauvaise réception de sa radio favorite, la station que l’on ne retrouve pas, le son qui décroche, les fréquences qu’il faut changer sur un même trajet? Tout ceci ne sera que mauvais souvenir avec le DAB+. Ce nouveau procédé vient d’arriver sur les agglomérations de Toulouse et Bordeaux. Une mini-révolution et un petit plaisir pour mélomanes exigeants.
TV et photo ont fait leur révolution numérique. Avec l’arrivée du DAB+ le 5 novembre sur Bordeaux et Toulouse, la radio passe aussi en mode digital. Un confort d’écoute, de nouvelles radios, des contenus enrichis, les auditeurs vont découvrir ce qui, à terme, va supplanter la bande FM. En 2023, 40% du territoire français sera couvert.
Comment recevoir le DAB+?
Ce qui avait freiné le développement de la Radio Nationale Terrestre (l’ancêtre du DAB+) dans les années 90, c’était le coût excessif des équipements. Là, le développement tardif en France de cette nouvelle technologie va se faire un peu à marche forcée mais naturellement. Tout le monde va bien passer au numérique, mais sans que ce soit très onéreux.
Plusieurs récepteurs radios ou amplis-tuners sont déjà compatibles avec le DAB+. Il suffit de vérifier s’il y a bien le logo. Si ce n’est pas le cas, il vous en coûtera entre 20 et plus de 100€ en fonction de votre choix. Certaines voitures récentes ont aussi des autoradios recevant ce nouveau mode de diffusion. Dès l’an prochain, cet équipement sera obligatoire. La France va donc progressivement passer à la radio numérique.
Avec le lancement du DAB+ en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, près de 2M d’habitants supplémentaires peuvent écouter en fonction des zones de 13 à 39 radios numériques. Au total, 63 radios émettent dans l’une ou l’autre de ces régions.
Les principaux avantages du DAB+
Nous avons demandé à un auditeur et professionnel du son d’en juger. Pierre-Alain Pédebernade a longtemps travaillé pour Radio France. En voiture, les premières constations sont positives : « La qualité du son est nettement supérieure à la FM. J’habite une zone de Toulouse où l’on reçoit assez mal, même des radios importantes. Avec le DAB+, la qualité de réception est bonne, très peu bruitée : pas de bruits de fonds, ni parasites, c’est appréciable. On déguste vraiment une qualité optimale. C’est la qualité, le choix d’accès direct et le marquage très clair des stations. C’est une amélioration que l’on attendait depuis longtemps. »
La vraie différence se mesure surtout en voiture. L’écoute internet des radios chez soi ou au travail -mais il faut un abonnement internet payant- avait déjà permis certains avantages que procure le DAB+.
- Un confort d’écoute : un meilleur son, pas de souffles, ni parasites
- Meilleure mobilité : pas de décrochages, même fréquence sur tout le parcours
- Pas besoin d’une connexion, d’un abonnement : c’est gratuit comme pour la FM
- Un contenu enrichi : possibilité d’avoir du visuel, des infos, des messages, pendant la diffusion
- Désengorgement de la bande FM : le DAB permet l’émergence de nouvelles radios sur un territoire
Sur Toulouse, la bande FM est saturée, il n’y a plus de fréquences disponibles. Le DAB + permet de diffuser 13 radios sur une même fréquence (ce qui multiplie le nombre de radios) pour un signal correct. C’est la norme définie en France. Ce qui explique un nombre de radios toujours multiple de 13. Une fois le signal émis, le récepteur DAB+ divise le signal du multiplex reçu en radios individuelles. Dans la ville rose et ses alentours, on peut capter 39 radios, dont 23 nouvelles, soit plus de la moitié. Parmi elles, certaines existaient sur d’autres zones géographiques comme « Ouï FM » ou « TSF Jazz ». D’autres sont des exclusivités du DAB+ comme « Radio pitchoun » « Crooner radio » ou encore « 100% souvenirs ». Il y en a 9 sur Toulouse et 6 à Bordeaux.
Pour Olivier Fabre, co-fondateur du groupe radio 100% basé dans le Tarn, « C’est une vraie opportunité car il n’y avait plus de fréquences sur Toulouse et d’autres villes. Pour le numérique, on peut additionner les fréquences. Pour l’analogique, elles se brouillent. C’est un vrai plus du DAB. En plus de « 100% » notre radio généraliste, nous aurons « 100% souvenirs » un programme dédié exclusivement à la musique française des années 60-70-80. Un créneau musical délaissé par les autres radios avec un public potentiel énorme qui n’attend que ça. »
Arrivée sur Toulouse en 2018 sur la FM, la radio 100% rassemble 173 800 auditeurs par jour selon la dernière enquête Médiamétrie. Elle a obtenu donc de pouvoir émettre sur le numérique avec 2 radios sur Toulouse mais le CSA ne l’a pas autorisée sur Bordeaux. Elle compte bien continuer sa progression et franchir rapidement le cap des 3 000 auditeurs pour sa nouvelle radio « 100% souvenirs ». Ce qui lui permettrait de pouvoir toucher des publicités nationales.
Petit bémol à tout ça, le DAB+ est diffusé par voie hertzienne, ce qui nécessite donc des nouveaux émetteurs. Là-aussi, tout marche par tranches de 13. Il y a donc 3 émetteurs sur Toulouse : 2 sur les coteaux de Pech David et le troisième rue d’Assalit où se trouve « Radio Occitanie », elle aussi présente sur le DAB+.
L’octroi des fréquences et le développement du DAB+
Comme pour la FM, le gendarme s’appelle le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. Avec des déclinaisons par régions et donc la présence à Toulouse d’un Comité Territorial de l’Audiovisuel (32 rue de la Dalbade) pour l’Occitanie. C’est bien le CTA qui instruit les dossiers et ensuite le CSA qui tranche. « Pour Toulouse, nous avons reçu 65 dossiers de candidatures. 39 ont été retenus. Les critères sont fixés par la loi. C’est la gestion du pluralisme, l’intérêt de l’auditeur qui priment. On cherche à avoir un paysage le plus divers possible : des programmes locaux, généraux, généralistes, musicaux, informatifs, etc… Les radios qui étaient déjà présentes sur la FM sont prioritaires mais ensuite, on doit permettre aux radios absentes de se développer ». Antoine Tabard a fait aussi ses préconisations pour les nouvelles radios de l’ex-région Languedoc-Roussillon : il y aura 13 radios sur Montpellier, 13 sur Nîmes et 13 sur Perpignan.
Il y a 2 types d’appels : un pour des radios locales, autour d’une ville en particulier, une métropole (Toulouse, Montpellier, Nîmes…) et d’autres radios avec une vocation plus régionales, c’est à dire des radios qui vont couvrir plusieurs départements. C’est le cas pour les 13 radios sélectionnées à Montauban. En gros, elles émettent à l’échelle des anciennes régions. Petite « anomalie » : l’Aveyron est le seul département de Midi-Pyrénées qui n’est pas en DAB+ depuis le 5 novembre. Il devra attendre l’an prochain car l’Aveyron est rattaché à Montpellier.
Pour l’instant les grands groupes des radios nationales du service public (France Inter, Info, Culture, Musique…) comme ceux du privé (Europe 1, RTL, NRJ, RMC, etc..) ne sont pas sur le DAB+. « Dans un premier temps, l’appel s’est fait pour les radios locales et régionales. Les grands groupes arriveront courant 2021 », affirme Antoine Tabard.
L’an prochain, 30% du territoire français sera couvert contre 95% par exemple en Allemagne et 100% en Norvège. Mais attention, ça ne veut pas dire que certaines zones blanches seront pourvues avec le DAB+. Au contraire, à priori la bande FM passe mieux face à des reliefs difficiles. « En Norvège, la FM qui avait disparu est revenue. Le DAB n’était pas adapté pour des zones montagneuses et rurales. C’est ce qui risque de se passer en France. Une grande majorité des radios sera entendue sur le DAB+ et la FM restera un mode de diffusion pour les zones non-couvertes par le DAB » selon Antoine Tabard. Le DAB+ a donc une vocation plus nationale et régionale.
DAB+, un peu d’histoire
DAB, c’est l’abréviation de Digital Audio Broadcasting, ce que l’on appelait aussi la RNT Radio Numérique Terrestre. Le procédé n’est pas nouveau. En 1997, lorsque la radio jeune Le Mouv’ arrive sur Toulouse, elle était numérique de A jusqu’à Z. Mais faute d’équipements relativement onéreux à l’époque, la diffusion se faisait en analogique.
Depuis, les grands groupes radios traînent un peu la patte car le DAB est synonyme de pluralité et ils ne sont pas convaincus de la nécessité d’investir dans ce nouveau mode de diffusion. Le DAB est d’ailleurs diffusé par ondes hertziennes mais sur des fréquences différentes. Ce qui va permettre au DAB+ et à la bande FM de cohabiter.
En 2014, Paris, Nice et Marseille voient arriver la radio numérique. Un peu plus tard, Lyon, Mâcon, Nantes, La Roche-sur-Yon, l’Alsace, le Nord, le Pas-de-Calais et la Seine-Maritime ont été couvertes. Fin 2020, c’est Toulouse et Bordeaux. 2021 ce sera Montpellier, Nîmes et Perpignan.
Le DAB+ va devenir la référence du mode de diffusion radiophonique. Pour un temps, la cohabitation DAB+/FM sera possible. Mais à terme, la radio numérique va remplacer la FM; comme celle-ci avait éclipsé les Grandes Ondes dans les années 80. C’est donc une petite révolution qui vient de s’enclencher.
Benoît Roux