16 Oct

Les entreprises de l’événementiel et du spectacle ont perdu 70% de leur chiffre d’affaires à Toulouse

« Events 31 » qui regroupe 200 entreprises de la filière événementielle toulousaine a fait une enquête sur l’impact de la Covid 19. En moyenne, ces structures ont perdu 70% de leur chiffre d’affaires. 3 entreprises sur 5 pourraient déposer le bilan dans les prochains mois. Le point avec Laurent Chabaud qui a coordonné l’Alerte Rouge à Toulouse.

Laurent Chabaud lors d’un enregistrement

Laurent Chabaud est à la tête de « Concept Group », une entreprise de prestation technique. Il emploie 42 personnes en CDI et tout autant d’intermittents en ETP (Equivalent Temps Plein). Ses 4 bâtiments de Toulouse, Bordeaux, Marseille et Brignoles sont remplis de matériel. 8 000 m2 de matériel son, lumières, structures, distribution électrique, réseau, qui attendent de partir sur un festival, un spectacle…Mais les événements s’annulent les uns après les autres. « Depuis le mois de mars 2020, nous assistions à une mise à mort de notre filière. Avec les annonces du Président de la République mercredi soir 14 octobre, c’est une décapitation. »

3 entreprises sur 5 pourraient déposer le bilan dans les prochains mois

Pendant le confinement, les 200 entreprises rassemblées sous la

bannière « Events 31 » n’ont pas travaillé et ont donc eu 100% de pertes. Depuis le déconfinement, l’activité a du mal à reprendre. Et c’est très long. Car un festival, un congrès, une manifestation événementielle, ne se lancent pas au dernier moment et mettent du temps à s’organiser. Alors les protagonistes hésitent. Encore plus maintenant ou un couvre-feu est instauré dans les 37 communes de Toulouse Métropole à partir de 21H.

Selon les prévisions de leur enquête publiée début octobre, le chiffre d’affaires de ces 200 entités est estimé à 150 M€ pour 2020 contre 500M€ pour l’exercice 2019. Elles perdraient en moyenne 70% de leur chiffre d’affaires sur 12 mois à partir de mars 2020. Un chiffre qui monte même à 90% pour les prestataires techniques comme Laurent Chabaud. Pour les Agences événementielles, c’est du 100%, sans compter les traiteurs, les prestataires divers et les hôtels spécialisés dans l’événementiel.

Non seulement l’activité ne reprend pas, mais tous les jours, leur « patrimoine technique » perd de la valeur. « Notre parc matériel doit être renouvelé à 80 % tous les 5 ans. Le son, la lumière, tout vieillit vite et devient obsolète. Si nous avions investi dans l’immobilier, notre inactivité aurait moins d’impact car le patrimoine garderait sa valeur. Si nous sommes en liquidation, notre matériel ne vaudra presque rien et ne permettra pas de rembourser les dettes. »

Laurent Chabaud au volant de son camion de matériel technique

D’habitude, nous mettons du matériel pour les artistes en résidence. Là, notre nouvelle résidence sera le tribunal de commerce!

Résultat : 3 entreprises sur 5 réalisant plus de 500K€ de chiffre d’affaires pourraient déposer le bilan dans les 6 prochains mois.

« Alerte Rouge », l’exemple de Toulouse

Le mercredi 16 septembre, la filière événementielle de la Haute-Garonne a lancé l’Alerte Rouge. Plusieurs façades ont été illuminées en rouge (Conseil Régional, Départemental…) et les acteurs de ce secteur se sont retrouvés au Bikini pour lancer l’alerte. « Notre collectif à Toulouse est assez unique. Il y en a seulement à la Réunion, et à Marseille. Depuis une dizaine d’années il existe un Bureau des Congrès sur Toulouse, avec des représentants de la mairie, mais tous les acteurs privés sont associés. On organise beaucoup de réunion pour promouvoir le tourisme d’affaires. On a appris à se fédérer, se rencontrer. Quand la crise du Covid est arrivée, le collectif est né de ça, d’où le succès rencontré. Les 30 prestataires techniques de Toulouse ont tous répondu présent. »

Alerte Rouge devant la salle du Bikini (Toulouse) Photo : Master Films

Des aides insuffisantes et trop conditionnées

Depuis mars 2020, des aides se sont mises en place progressivement. Il y a d’abord eu la prise en charge par l’Etat de l’activité partielle qui se poursuit jusqu’à la fin de l’année. D’autres sont venues compléter le dispositif, mais les bénéficiaires potentiels doivent avoir une perte de chiffre d’affaires supérieure à 70%.

Dans le collectif toulousain, 30% des adhérents ne les percevront pas à cause de ça. Idem pour la région Occitanie qui soutient également le secteur. Mais l’une des conditions de l’octroi des aides est que l’entreprise ait un chiffre d’affaires inférieur à 500K d’€. Résultat : 75% de ces entreprises toulousaines ne peuvent pas en bénéficier. « A l’heure des logiciels informatiques, nous ne comprenons pas que l’on ne mette pas en place une dégressivité du montant de ces aides. C’est ce que nous demandons. Car que l’on soit à 60% ou 70% de pertes, la situation est quasiment la même », regrette Laurent Chabaud. « Que les entreprises soient petites, moyennes ou grosses, les dégâts économiques et sociaux sont tout aussi graves, avec néanmoins des charges de structure qui montent en flèche selon l’importance de l’entreprise et qui réduisent notre durée de vie. »

Vendredi dernier, le gouvernement a assoupli les conditions et abaissé les seuils. La région n’a pas encore remodifié les conditions des aides.

Autre problème, ces entreprises toulousaines de l’événementiel dépendent beaucoup du secteur de l’aéronautique, d’Airbus et ses sous-traitants. Autant dire que c’est la double peine pour eux. « Nous avons eu AZF en 2001. On a mis 3 ans à s’en remettre. 2006 : Power 8 (plan social) chez Airbus; 2007 les subprimes… 2012-2015, les attentats en France et Mohammed Merah à Toulouse. Mais la crise du Covid est beaucoup plus puissante. Impossible pour nous de s’adapter!

Les adhérents d’Events 31 ont fait leur calcul : ils ont 135M€ de charges incompressibles par an, soit 11,25 par mois. Or pour l’instant, les différentes aides leur permettent de couvrir seulement 10% de ces charges. Et encore, certaines ne sont que reportées et devront être payées en mars 2021. Les loyers de leurs bâtiments par exemple doivent être payés à nouveau au premier octobre.

Comment payer 150% de charges quand on perd 80% du chiffre d’affaires?

Oubliés pendant des mois de cette crise, la filière de l’événement a fini par être prise en compte dans les négociations à Paris. Ils sont désormais rattachés au secteur du tourisme. Mais quand Roselyne Bachelot débloque 2 milliards en septembre pour les producteurs et organisateurs du secteur culturel, ils n’en voient pas la couleur au prétexte qu’ils bénéficient du plan tourisme.

En 2019, le secteur de l’événementiel comptait 3000 CDI sur Toulouse. Ils ne seraient plus que 2100 aujourd’hui, soit une chute de 30%.

Alors l’Alerte Rouge est toujours allumée. « On sensibilise nos députés. On ne bloque pas le périph, on reste courtois. C’est le poids des mots et le choc des totaux que l’on a fait avec notre enquête. Mais on sent la pression pour descendre dans la rue car on ne peut plus vivre longtemps comme ça », prévient Laurent Chabaud.

La coupe du monde de rugby et les JO en ligne de mire

Pour 2021, les entreprises de l’événementiel et du spectacle ne se font pas d’illusion : la Covid sera toujours là. 2022, les élections présidentielles laissent peu de place à de grands événements car tout le monde attend de voir les intentions de l’hôte de l’Elysée. Mais en 2023, la France accueille la coupe du monde rugby. En 2024, les JO seront là aussi.

Des moments de fête, de partages et de joie où l’on comptera sur ces entreprises. Mais tiendront-elles jusque là? « Tout le monde aura besoin de ces manifestations pour oublier la crise et se retrouver. Si nous ne sommes plus là, il n’y aura pas ces événements. Nous aurons perdu notre savoir-faire au moment où l’on aurait le plus besoin de nous ». 

Enregistrement d’une émission à Sud Radio

Laurent Chabaud a horreur que l’on dise que nul n’est indispensable car selon lui, beaucoup de personnes le sont. La crise du Covid pourrait bien lui donner raison.

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Benoît Roux