Qui n’a pas rêvé d’avoir son havre de paix, à portée de main, mais coupé du monde. Sa cabane de berger « campée comme un balcon sur la vallée encore sauvage de la Barousse », ce géographe originaire du Tarn en a fait un conte mais aussi le récit d’une expérience de vie. Un grand bol d’air frais dont on ne ressort pas sans quelques bleus à l’âme.
Raconter un endroit, le rendre public, cela signifie s’en priver à jamais. Olivier Garance devait sans doute le savoir en écrivant ce livre. Ligne après ligne, celui qui fut un enfant à jamais marqué par la séparation de ses parents, et la perte de la maison familiale au bord du Tarn à Couffouleux, a sans doute cherché, à travers cette cabane, à retrouver un havre de paix mais aussi à se retrouver lui-même.
« J’aurais dû garder secret, juste pour moi, le bien qu’elle me faisait »
Celui qui « a toujours détesté la foule » va pourtant, à travers ses pages, lui livrer son mystère. « J’aurais dû garder secret, juste pour moi, le bien qu’elle me faisait » écrit vers la fin de son récit Olivier Garance. Mais auparavant il aura aussi avoué : « à force de ne voir personne, j’en viens à douter que j’ai une existence ».
Evoquant ses relations amoureuses compliquées et éphémères, l’auteur confie : « On ne vit pas continuellement avec un type qui marche sur une ligne de crête, dans les excès de l’euphorie ou de la détresse ». Parce que cette cabane, et la solitude qui va avec, le coupent du monde réel et des relations qu’il pourrait y nouer ou du moins consolider.
Ce monde réel c’était celui de sa mère, pas celui de son père qui l’emmenait voir les isards pendant des heures. Longtemps, il en voulut à la réalité maternelle préférant la chimère paternelle. D’ailleurs la narration suit ce rythme, alternant les souvenirs d’enfance difficile ou d’escales toulousaines au goût anxiolytique, et les longs passages descriptifs de sa vie autour de la cabane.
« Un paysage n’existe que parce qu’il est observé avec ses propres émotions »
Parce que ce récit est aussi celui de paysages tout autant que d’une quête personnelle. Ce n’est pas une coïncidence si son auteur est maître de conférences en aménagement de l’espace à l’université Jean Jaurès. « Un paysage n’existe que parce qu’il est observé avec ses propres émotions » explique-t-il au lecteur comme il le ferait à ses étudiants.
« Ma cabane » nous fait découvrir les Pyrénées sous un autre point de vue, « loin des funiculaires et des remonte-pentes de Saint-Lary ou de Luchon », avec « une couleur que je n’ai vue que dans les livres d’enfants » comme s’enthousiasme à nous les décrire l’auteur. Olivier Garance situe ainsi, dès la première page de son livre, l’écrin dans lequel se niche son paradis perdu (ou retrouvé) :
« De là-haut, on ouvre une fenêtre sur cent kilomètres de ciel. On domine le cratère immense où se cache la cabane et on embrasse le panorama. Au nord, le pays de Comminges, la ville de Saint-Gaudens, la zone du piémont ; au sud, le massif du luchonnais et sa ligne d’horizon dentelée par ses nombreux pics enneigés comme des morceaux de sucre au soleil, le Perdiguère, le Maupas ou les Gourgs Blancs ».
« Ma cabane » d’Olivier Garance avec Delphine Saubaber, éditions L’Iconoclaste, sortie le 29 mai.
Patrick Noviello