Le commissaire européen Pierre Moscovici nous a accordé un entretien le mardi 12 février dans les studios de la Commission à Bruxelles. La fusion avortée Alstom-Siemens, sa relation au PS, son bilan comme commissaire, son avenir… L’ancien député du Doubs et président de l’agglomération de Montbéliard a répondu à nos questions. Un entretien exclusif à découvrir ici:
Les dirigeants français n’ont pas eu de mots assez durs, ces derniers jours, à l’encontre de Bruxelles. « Faute politique », « erreur économique », « à côté de la plaque », « extravagant »… C’est peu de dire que le gouvernement français n’a guère goûté au veto de la Commission concernant le projet de fusion Alstom-Siemens, présentée comme un futur champion européen du ferroviaire.
Sur ce dossier, le commissaire français Pierre Moscovici ménage la chèvre et le chou, invitant à « éviter les polémiques inutiles » et défendant une « position intermédiaire »: personnellement favorable à la construction de « champions industriels » européens, il « regrette que cette fusion n’ait pas été possible (…) mais encore faut-il que cela se fasse dans de bonnes conditions, respectueuses des consommateurs et de l’emploi ».
« L’Europe c’est nous »
Pierre Moscovici prend le parti de Margrethe Vestager, la commissaire à la concurrence: « Ma collègue a une bonne raison d’estimer que ce n’est pas le cas. Elle n’est pas idéologue », assure-t-il, tout en s’alignant sur la ligne du gouvernement: « il faudra un jour bouger les règles de la concurrence pour faire face à la nouvelle donne mondiale et notamment l’emprise chinoise ».
D’une manière générale, l’ancien ministre regrette que l’on pointe du doigt, souvent sans raison, Bruxelles et l’Europe: « Quand ça va bien, c’est nous les Français, et quand ça va mal, c’est eux les Européens. C’est une faute, car l’Europe c’est nous ».
« Le devoir est accompli »
A quelques mois de la fin de son mandat de commissaire en charge des affaires économiques (la commission sera renouvelée à l’issue des élections européennes), il se félicite de son bilan: « J’ai combattu l’austérité, j’ai combattu la fraude et l’évasion fiscales, j’ai aidé la Grèce à rester au cœur de l’Euro, donc je me dirai que le devoir est accompli même si tout n’a pas été réussi ». Il se réjouit surtout de n’avoir jamais puni les pays sortant des clous budgétaires: « J’ai toujours considéré qu’il fallait respecter les règles budgétaires, réduire les déficits, mais sans sanction; les sanctions sont toujours stupides ».
« Emmanuel Macron est plus eurovolontariste qu’Olivier Faure »
Toujours membre du Parti socialiste français, il a renoncé à mener la liste du PS aux européennes: « Le PS me semble incohérent dans ses positions européennes à ce stade, regrette-t-il. On ne peut pas être européen modérément ou à moitié. Si je n’ai pas souhaité être la tête de liste du Parti socialiste c’est parce qu’aujourd’hui, il est ni pour ni contre, bien au contraire. Il faut être totalement pour. »
Ce « socio-démocrate dans l’âme » est-il séduit par l’enthousiasme européen du président de la République ? « Emmanuel Macron est plus eurovolontariste qu’Olivier Faure », note Pierre Moscovici, refusant de dire si ce constat l’amènera à soutenir la liste LREM aux européennes.
Annoncé à la présidence de la Cour des Comptes, son corps d’origine, en remplacement de l’actuel titulaire Didier Migaud (ce dernier aurait pu rejoindre le conseil constitutionnel, ce ne sera finalement pas le cas), Pierre Moscovici assure qu’il n’est pas « en train de briguer des postes »: « Je ne suis pas candidat à quelque poste que ce soit, si ce n’est à servir, servir et servir encore, servir mon pays et servir l’Europe. »
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