Drôle de question, peut-être. Mais comme elle me trottait dans la tête, je l’ai posée à plusieurs politiques. Ils sont socialiste, communiste, chevénementiste, mélenchoniste, ancien collaborateur de Mélenchon…
Chevènement, Mélenchon. Deux hommes, deux parcours. Mais la même problématique : comment exister à la gauche du Parti Socialiste ?
Ils ont été tous les deux ministres.
Ils sont restés longtemps au PS, à l’aile gauche du PS. L’un avait créé le CERES, l’autre animait le courant « Dray-Lienemann-Mélenchon ».
L’un venait du PC, l’autre de l’extrême gauche troskyste, l’OCI, le même groupuscule que Lionel Jospin.
Ils n’arrivaient pas à faire pencher le Parti Socialiste davantage à gauche, ils en sont donc partis. Avec des fortunes diverses. Jean-Pierre Chevénement il y a 20 ans, Jean-Luc Mélenchon en novembre 2008.
L’un a fait perdre la gauche le 21 avril 2002 (disent certains socialistes).
L’autre va peut-être la faire gagner le 6 mai prochain. (espèrent les mêmes !)
A cette question : » Jean-Luc Mélenchon va-t-il réussir là où Jean-Pierre Chevénement a échoué ? » Etienne Butzbach, le maire chevénementiste de Belfort, manque de s’étrangler : « Encore faudrait-il que Jean-Pierre Chevénement ait échoué ! » Et il poursuit : « Non, il n’a pas échoué. La preuve : les analyses qu’il faisait, notamment sur l’Europe et la république, sont largement reprises. »
Emmanuel Girod, du Parti de Gauche, et Christophe Lime, du PC, acquiescent : « Jean-Pierre Chevénement avait raison avant tout le monde. »
Mais Etienne Butzbach avoue : « Le MRC n’a pas su s’imposer comme une force politique importante en France. »
Véritable moment pour exister : la présidentielle
Le président du MDC a été un éphémère troisième homme à la présidentielle de 2002. Il a recueilli finalement un peu plus de 5% des voix. Juste de quoi se faire rembourser ses frais de campagne…
Cette année, Mélenchon, arrivé à la 4ème place, à 11% le 22 avril, aura de toute façon réussi son pari. Tous mes interlocuteurs admirent ses qualités de tribun et sa campagne présidentielle.
Même Christophe Perny. Le président socialiste du conseil général du Jura a été un proche de Mélenchon. Il a refusé de quitter le PS pour le suivre. Ils sont fâchés. Mais il reconnaît que Jean-Luc Mélenchon a su « mobiliser un électorat plus à gauche que le PS, les abstentionnistes et prendre des points dans les sondages sans faire descendre Hollande. »
Les deux membres du Front de Gauche, eux, se félicitent : « Jean-Luc Mélenchon a su capter une partie du vote des couches populaires et ainsi nuire à Marine Le Pen. » (Ces entretiens ont été réalisés avant le premier tour, ce qui explique cet enthousiasme que les résultats peuvent tempérer.)
Jean-Luc Mélenchon a su s’allier avec le PC, profiter de ses réseaux. Et lui s’arrime franchement à gauche. Ne partira pas dans un « au-dessus de la gauche, au-dessus de la droite, la France » entonné par Jean-Pierre Chevènement en 2002. Ce « Pôle Républicain » censé rassembler a finalement éloigné beaucoup de ses partisans.
Le moment est différent
Jean-Pierre Chevénement avait quitté le PS au début des années 90. L’époque n’est plus la même. Jean-Luc Mélenchon a pu « bénéficier » de la crise de 2008 et des séismes qu’elle a provoqués dans le tissu économique et social. De plus, le PS avoue, maintenant sans complexe, être social-démocrate. Cette « droitisation », qui fait tordre le nez à celle qui se considère « la vraie gauche », donne davantage d’espace à un Jean-Luc Mélenchon… D’autant plus, me fait remarquer l’un de ses collaborateurs du temps où Mélenchon était ministre, « qu’il n’est plus à l’intérieur pour le faire pencher sur sa gauche… «
Et la suite…
Le Front de Gauche espère peser bien après le 6 mai. Sans participer au gouvernement. Mais en ayant un maximum de députés à l’Assemblée Nationale.
Etienne Butzbach ne croit pas l’installation durable de Jean-Luc Mélenchon dans le paysage politique : « Mélenchon ? un mirage… juste un espace médiatique construit sur les réseaux du PC. »
« D’ailleurs, les questions posées par Jean-Pierre Chevénement restent. Jean-Luc Mélenchon n’y apporte pas de réponses. » Et il ajoute : « C’est facile de faire venir des gens dans les meetings, le long terme, c’est autre chose…. »
Et il sait de quoi il parle…