Voilà, ça y est, j’ai commencé mon spectacle. Quatre lundis à Paris jusqu’au 2 novembre pour le rôder et après, mon but est d’aller partout au fin fond de la France, là où les gens doivent faire cinquante kilomètres pour voir se distraire.
Ça se passe au théâtre de la Michodière, heureux hasard puisque cet établissement a été dirigé pendant des années par mon père François Périer. Autrement dit, j’ai passé toute mon enfance dans les coulisses de ce théâtre. J’en aimais l’atmosphère, les actrices qui me parlaient tout bas pendant que mon père évoluait sur la scène, et surtout quand, bien caché derrière le rideau, je le regardais de profil pendant qu’il s’adressait au public.
Ça ne ratait jamais, à un moment il s’approchait de moi tout en disant son texte, puis subrepticement il me caressait la joue sans que les gens me voient et il retournait vers eux, eux qui avaient payé leurs places pour admirer ce grand acteur, eux qui ne savaient pas que par ce geste il me montrait qu’il était d’abord mon père à moi.
Et maintenant je me retrouve sur la scène, à la même place que lui, je ne sais pas où il est, mais s’il me voit, ça doit quand même l’amuser.
Derrière moi sur la scène il y a un grand écran de cinéma sur lequel je projette trois cents photos des années 60 tout en en racontants les anecdotes, les souvenirs, les moments vécus aux côtés des tous ces artistes jeunes et beaux que j’ai eu le privilège de connaître à leurs débuts.
Le tout étant accompagné des musiques de l’époque.
Je prends comme une chance de plus la possibilité de m’offrir un défi à l’aube de mes soixante-seize ans. Car il me semble que si, à mon âge, on ne se met pas en danger, on prend le risque de finir en regardant la télé l’après-midi, occupation certes tentante, mais synonyme à mon sens d’antichambre de la fin des réjouissance. La retraite ? Pas question. Même si en tant que photographe, je crois qu’il est de bon ton de laisser la place aux jeunes, mes derniers cent mètres seront occupés par ce spectacle ( en tout cas je l’espère ) et à l’écriture de quatre romans dont j’ai déjà les plans. Donc, comme vous voyez, je n’aborde pas sans bagage le dernier voyage que représente la vieillesse.
(Il n’y a pas de honte à être vieux, inutile d’appeler ça « Sénior »)
En attendant, cette année je ne peux pas me plaindre. Entre le succès de l’album de «Reporters sans frontières» et ma maison de la photo à Villeneuve d’Aveyron (plus de 10.000 personnes en trois mois ), il ne me reste plus qu’à transformer l’essai parisien de mon spectacle en allant en province afin de rencontrer les gens « normaux » que j’affectionne.
J’ai quand même intérêt à faire vite, car si les voyages forment la jeunesse, force est de constater qu’ils déforment la vieillesse.
Donc plus de temps à perdre…
Jean-Marie Périer