Sans vouloir jouer les rabat-joies, il me semble urgent de mettre un frein à une pratique récurrente dans les médias parisiens qui consiste à faire de l’humour sur le cannabis et autre cocaïne en pensant que c’est anodin. Il ne se passe plus un jour sans que, sans même s’en rendre compte, une émission populaire ne fasse la promotion de stupéfiants en tous genres. Le moindre chroniqueur en mal d’inspiration ne recule plus devant une plaisanterie sur le sujet, sûr d’obtenir ainsi un effet auréolé de rigolades aussi vulgaires qu’irresponsables.
C’est bien joli de faire la promotion des drogues diverses à seule fin de redorer son petit blason de vieux jeune, cela participe néanmoins d’un mépris absolu pour tous ces adolescents au quotidien sans espoir qui par ennui autant que par manque de repères, se piquant de vouloir ressembler à celui qui brille « dans le poste », finiront par se piquer tout court pour finir en légume sur le gazon des squares ou en momie agenouillée dans les toilettes d’une gare. Je ne saurais vous dire le nombre d’amis, voire de proches, que j’ai vu emprunter cette sinistre route, croyant ainsi échapper à leur vie en suivant une mode. Je connais même un bac plus cinq qui ne parle plus qu’aux cailloux.
C’est pourquoi il me semble criminel de banaliser la drogue lorsqu’on a la responsabilité d’une émission de télévision ou de radio dans le seul but de provoquer un rire facile. Pardonnez-moi, mais derrière ce rire, moi je vois des vies perdues, des familles effondrées et des morts inutiles.
Je sais depuis longtemps que la guerre contre la drogue est perdue, que les gros trafiquants, disposants de moyens financiers dont aucun gouvernement n’oserait rêver, se rient des coups de mentons des dirigeants impuissants, des polices dépassées et des donneurs de leçons dans mon genre. Je sais bien qu’aucune autre économie ne permet à un jeune garçon de faire vivre sa famille en passant quelques heures par jour à guetter un coin de rue. Aussi j’en veux à ceux-là qui plaisantent aux heures de grande écoute de ne pas se rendre compte qu’en batifolant sur un rail de cocaïne ils dansent sur des tombes.
Jean-Marie Périer