Ma chienne Daffy à Etretat.
Et voilà revenu le beau temps des vacances, celui où les salauds abandonnent leurs animaux sur le bord des routes, attaché à un arbre pour être tranquille et sans se retourner pour éviter son regard.
Comment peut-on abandonner un animal de compagnie ? Robert Badinter a toute mon admiration et je le remercierai toujours de s’être battu pour abolir la peine de mort. Néanmoins, et je n’en suis pas fier, imaginons que je sois au volant de ma voiture, j’aperçois un type en train d’attacher son chien pour s’en débarrasser. S’il se trouve entre l’arbre et mon pare choc, je crois que je ne freine pas. Ah oui je sais, c’est très moche comme pensée, mais voilà, je l’ai.
Attention je n’émets même pas de jugement, c’est juste un geste automatique.
Bon, en même temps je ne fais pas le fier. Est-ce que je recueille tous les chiens qui trainent moi ? Ma hantise sur la route c’est d’en croiser un tout seul, l’air perdu. Là je sais que ma journée est foutue. Aussi les excuses fusent-elles: « Ah oui mais, j’en sais rien moi s’’il est perdu, j’extrapole, est-ce qu’il a un collier ? Il en a un peut-être un et il se balade, il habite surement à côté. » Bref je cherche toutes les raisons de ne pas m’arrêter. Ma chienne est très jalouse, et puis vous comprenez je suis sans cesse sur les routes etc.
Et voilà que se pointe le bon vieux réflexe judéo-chrétien de la culpabilité systématique. J’en ai par dessus la tête d’avoir mauvaise conscience, ras la casquette de mon éducation catholique. Les migrants qui se noient dans la Méditerranée, tous ces gens assis sur les trottoirs des villes avec des enfants, les femmes battues par des maris stupides…
Je voudrais qu’on me laisse être égoïste !
C’était il y a un an sur une route de l’Aveyron, ce jour-là il pleuvait des hallebardes et je croise un petit chien, genre « Yorkshire » mais mouillé jusqu’aux os, un vrai balais O’cedar. Il s’arrête et me regarde, je suis cuit.
Quand je le mets sur le siège avant, ma chienne Daffy s’énerve. La Reine, c’est elle. Le pauvre petit n’a pas de collier, pas de numéro dans l’oreille et il est bourré de bestioles en tous genres.
Ça y est j’ai deux chiens. Lavage complet chez moi, ce n’est pas du luxe. Direction la vétérinaire de mon village. Je suis outré de l’état de mon nouveau protégé. « Vous savez, à la campagne on n’a pas tout à fait le même regard sur les animaux que vous. » me dit la vétérinaire d’un ton calme. Vaccins, tatouages, ça y est le petit bonhomme est à moi.
Pile à ce moment, un appel au cabinet, une dame en pleurs aurait perdu son chien il y a trois jours, « vous ne l’auriez pas vu ? ». C’est lui, il aura donc été de ma famille l’espace d’une journée.
Maintenant il faut que je le ramène à sa propriétaire.
Cette dernière est en larmes, je vois bien qu’elle l’aime, peut-être pas à « la parisienne » mais elle l’aime vraiment. Le petit auquel j’avais déjà donné un nom semble très heureux aussi.
Tout finit bien etc. Mais le plus marrant c’est que désormais il est à mon nom, il faudrait refaire les papiers, évidemment j’ai oublié. Si un jour vous voyez un petit chien mouillé qui se balade, il s’appelle peut-être Périer mais il est déjà en main.
Jean-Marie Périer