On ne peut pas s’intéresser sérieusement aux Aveyronnais sans rencontrer ceux qui les dirigent. Il est de bon ton dans la faune médiatique de s’adonner à l’admonestation forcenée des politiques du pays. Aussi permettez-moi de ne pas suivre cet exemple.
C’est donc avec plaisir et sans à priori que je me penche aujourd’hui sur le cas de Jean-Claude Luche, le président du conseil général de l’Aveyron.
Né à Pierrefiche, un petit village de l’Aveyron, son parcours de la ferme familiale à sa situation actuelle est édifiant. Après avoir commencé en travaillant au Crédit Agricole, il a vite pris goût à la vie publique en devenant maire de son village puis de St Geniez d’Olt, la ville voisine. Sa façon de faire de la politique n’a pas grand-chose à voir avec celle des joueurs d’échecs des salons de la capitale, sa promiscuité avec la population n’est pas feinte et s’il aime les gens de son pays, ces derniers le lui rendent bien. Je ne serais pas étonné que cet Aveyronnais pur sucre soit la fierté des gens d’ici, car sa réussite s’apparente un peu à celle d’un curé de campagne qui deviendrait pape.
Mais il n’est pas arrivé là par hasard. Il faut le voir évoluer dans les rues des villes, saluant les passants en les appelant tous par leur prénom. Quand j’imagine sa vie au quotidien je ne suis pas certain de l’envier. Etre responsable des finances d’un département signifie qu’il ne croise que des gens qui réclament, qui se plaignent ou qui râlent, et je crains que ceux qui remercient soient moins nombreux.
Déjà le rôle de maire d’une petite ville n’est pas une sinécure, il faut sans cesse décider, calmer, trancher, recruter, ne pas trop promettre tout en tenant ses promesses, ça sent l’emploi du temps chargé, alors vous imaginez gérer tous les maires d’un département ? En quelque sorte, ça revient à être un peu la mère des maires.
Son sourire ressemble à son terroir, il a l’aisance des gens du midi mais sans la roublardise de ceux des bords de mer. Je ne retrouve pas dans son discours les tics exaspérants des chantres de la langue de plomb qui toutes les trois phrases nous réclament l’indispensable
« RASSEMBLEMENT » devant le déclin « SANS PRECEDENT » de la France, « CINQUIEME PUISSANCE MONDIALE », tous ces mots vidés de leur sens par l’hégémonie des inévitables « éléments de langage » qu’on impose en intraveineuse à l’homme politique de base.
Tout en l’observant serrer des mains alentour je me demande finalement si la force de Jean-Claude Luche ne viendrait pas d’avoir une tête d’unité nationale.
Il m’a d’abord présenté son frère, lequel a repris la ferme familiale, puis sa belle-sœur qui tient l’épicerie du village après avoir participé à la traite du matin, enfin il n’a pu s’empêcher de me faire rencontrer sa meute, autrement dit sa passion. Autant sur sa vie personnelle il aurait tendance à faire court, autant il est infatigable sur ses chiens. Là bien-sûr je suis en terrain conquis, même si les exploits de ses bêtes au cours d’une partie de chasse ridiculiseraient ma chienne, laquelle prend la fuite devant la moindre taupe.
Soudain je comprends mieux comment il fait face à toutes ses responsabilités, il lui suffit de venir dans son chenil et de s’y asseoir tout en défaisant sa cravate, le regard d’un chien étant, comme chacun sait, la plus belle des récompenses.
Jean-Marie Périer
Post-scriptum : Madame Christine Boutin est une abomination.