20 Déc

Pardon Madame.

Bonne année JMP

« Je fais confiance à la justice de mon pays ! » Eh bien pas moi. Je viens d’en avoir la preuve flagrante récemment.
Madame Jacqueline Sauvage vient d’être condamnée à dix ans de réclusion pour avoir tué son mari, tabasseur de femme et violeur d’enfants. J’aurais tellement aimé faire partie de ce jury, ne serait-ce que pour le plaisir de les insulter.
Ils n’ont pas pensé à elle en se cachant derrière leur bonne conscience, celle qui permet de rentrer chez soi avec le sentiment du devoir accompli.

J’entends déjà la phrase qu’on va m’asséner: « Vous réagissez sous le coup émotion ». Oui absolument, je vous prie de m’excuser d’être victime du sentiment de compassion. Je sais, de nos jours il est de bon ton d’avoir du recul, de prendre de la hauteur, d’être en phase avec les représentants de l’ordre public (quand ça nous arrange).
C’est bien la première fois de ma vie que je regrette qu’on ne meure qu’une seule fois. Ce type-là méritait une mort par coup donné à sa femme, une mort pour chacun des viols infligés à ses filles.

Pourtant j’ai toujours été contre la peine capitale, justement parce qu’elle serait décidée par la justice des hommes.
Loin de moi l’idée de légitimer la vengeance personnelle, même si je la comprends mieux que celle décidée derrière le paravent d’un jury. Et devant ce verdict lamentable, j’ai vraiment honte d’être un être humain.
À l’instar de ce couple se suicidant dans une chambre de l’hôtel Lutetia parce qu’on leur refusait le droit de mourir, Jacqueline Sauvage a mis fin à sa vie en donnant la mort à un être immonde.
Il était inutile de la tuer une deuxième fois en l’envoyant en prison.
Vive les animaux. Eux quand ils condamnent ils ne le font pas en douce avec l’excuse d’un jury.
C’est étrange. En regardant ma chienne dans les yeux, je la trouve plus humaine que nous.

À part ça. Je l’ai déjà demandé souvent: Est-ce que les politiques de ce pays pourraient avoir l’amabilité de se creuser trois minutes la cervelle pour chercher un autre mot que « LE RASSEMBLEMENT ». S’ils savaient à quel point ils ont vidé ce mot de son sens, les français dont je fais partie n’en peuvent plus de ce manque d’imagination. Notre langue offre pourtant d’autres possibilités: fédérer, mobiliser, rallier, ramasser, rameuter, regrouper, réunir.
Que sais-je ? Cette expression ne veut plus rien dire parce que tout le monde l’emploie. Et au moment même où ils l’utilisent, les politiques ne comprennent pas que l’on cesse immédiatement de les croire.
Or nous allons l’entendre ça pendant un an et demie…

Jean-Marie Périer

03 Déc

Re-bonjour tristesse

Sagan 2

Photo Jean-Marie Périer.

À 15 kms de ma maison de l’Aveyron, dans le cimetière de Seuze, se trouve la sépulture de Françoise Sagan.
Heureusement il fait beau cet après-midi de décembre, car bien que ça ne soit pas dans mes habitudes, l’envie m’a pris d’aller saluer cet écrivain extraordinaire que j’ai eu le privilège de rencontrer quelques fois dans ma vie ( je ne pense pas que le mot « écrivaine » lui aurait plu).
Ce cimetière est très petit, presque oublié, comme un secret réservé aux intimes. Je reconnais bien là son sens du luxe. La tombe est simple mais ne ressemble pas à sa vie et c’est tant mieux. Rien n’est pire que les illustrations post-mortem voulant résumer une existence.
Il y a une croix mangée par l’humidité, quelques bouquets de fleurs qui penchent vers la pierre, un admirateur a déposé une lettre sous un caillou, lui au moins est venu il n’y a pas longtemps. Ce dénuement la ferait sûrement rire, elle dont la vie fut un tourbillon de passions, de bonheurs, de malheurs, et d’excès en tous genres et qui sans le chercher fut un exemple pour toutes les femmes rêvant d’être « libérées ».
Star de la littérature à 19 ans, les titres de ses livres invitent au voyage avant même d’en lire une page. Un soir au casino, grâce à un numéro gagnant, elle s’achète une maison de campagne afin d’y accueillir ses amis pour des fêtes inoubliables.
Celle que Mauriac appelait « un charmant petit monstre » conduisait les pieds nus des bolides insolents, était à elle seule les Rolling Stones avant l’heure, mais en bien plus violent puisqu’elle était une femme.
J’ai eu la chance de passer quelques soirées avec elle du temps où avec Brigitte Bardot elle inventait Saint-Tropez.
La dernière fois que je l’ai rencontré, c’était à l’hôtel Lutetia à Paris en 2003. Comme à chaque fois que je l’ai photographié, elle semblait étonnée que l’on puisse s’intéresser à son apparence. Nous avons bu un verre et puis un peu parlé. Si la vie vaut la peine c’est surtout grâce aux gens que l’on affectionne.
Chère Françoise, j’aimerais croire qu’on se reverra un jour dans un quelconque paradis, hélas j’en doute, mais repenser à toi c’est déjà beaucoup.

Jean-Marie Périer