02 Oct

Tristesse.

Charles Aznavour. Je me souviens de la première fois que je l’ai vu, je ne le connaissais pas encore. J’avais 15 ans, il passait à l’Olympia et il chantait « Je me voyais déjà ». À la fin de la chanson la scène était plongée dans le noir et il tournait le dos au public. Puis une rampe de lumière s’allumait au fond, face à nous, et par la magie de cette mise en scène, le public, tous ces gens qui, dans la salle, avaient payé leur place, se retrouvaient subitement et pour un court instant dans la situation de l’artiste. Nous étions tous avec lui sur une scène imaginaire. Il nous faisait le cadeau de nous inviter à être à sa place.

Ce fut mon premier choc au « Music hall ». Plus tard j’eus la chance de le rencontrer et de faire partie de ses amis.

Je n’oublierai jamais qu’il fut le premier à croire en Johnny Hallyday. 

Le jour de la « générale » de Raymond Devos à l’Alhambra, Jojo faisait la première partie. Tout le gratin du spectacle était dans la salle. Les plus grandes « vedettes » de la chanson étaient présentes et ils se moquèrent allègrement de Johnny et de sa gestuelle qui tranchait avec les codes de l’époque. En le sifflant, tous ces privilégiés ne réalisaient pas qu’il représentait déjà l’avenir. Le seul qui prit partie pour lui fut Charles Aznavour. Il l’invita chez lui, il lui donna des conseils et lui écrit aussitôt des chansons. 

« Retiens la nuit » est mon premier contact avec Johnny. J’ai entendu cette chanson à Oran durant mon service militaire et j’étais loin de me douter qu’elle était de Charles Aznavour.

Je suis, comme beaucoup, anéanti par cette disparition, c’était un type bien. On se voyait pour déjeuner deux fois par an, chez lui ou en Arles.

Il était mon ami.

Qu’est-ce qu’ils ont tous à mourir. Je commence à me sentir seul. Tristesse. 

Jean Marie Perier