Le 10 novembre mon père François Périer aurait eu cent ans. (Mon père avec ses enfants)
Il me manque tous les jours mais je ne m’étendrai pas dans l’espoir d’échapper aux banalités du genre. Il ne m’a jamais donné d’ordres ou mêmes de conseils, il a fait bien mieux, il m’a donné l’envie d’être lui.
À cause de son travail je ne l’ai pas vu assez, il tournait souvent des films, il enregistrait des émissions ou des livres radiophoniques le jour, mais surtout il jouait au théâtre tous les soirs. Loin de moi l’idée de le lui reprocher, c’était pour nous faire vivre. C’est sans doute pourquoi j’ai une certaine aversion pour le théâtre, j’avais l’impression qu’il me prenait mon père. Mieux qu’une éducation, il m’a offert des souvenirs et un exemple que j’aurais aimé approcher.
Voici un échantillon: Un jour que nous étions sur une route de campagne. Ma soeur Anne-Marie, mon frère Jean-pierre et moi nous étions à l’arrière de la voiture tandis que mon père conduisait. Il me semble que nous allions déjeuner chez Rech, une merveille d’auberge de Monfort-Lamaury du temps ou ce charmant village ressemblait encore à la campagne. Je ne sais plus pour quelle raison mon frère et moi nous disputions bêtement comme des enfants de notre âge quand l’un de nous s’exclama: « Oh me fais pas chier ! », pardonnez l’expression. Alors mon père, ralentit doucement et gara la voiture sur le bas-côté de la route. Puis il se tourna calmement vers nous et en nous regardant bien tous les deux il déclara : « On dit: NE me fais pas chier ! » Voilà comment en une seule courte phrase il nous a enseigné la grammaire, le calme et le sens de l’humour.
C’était mon père, où est-il maintenant ?
Jean-Marie Périer.