19 Fév

Régis Pagniez

Ils sont rares les amis de cinquante-six ans, il ne m’en reste que deux, Daniel Filipacchi et Régis Pagniez. Vous ne connaissez pas le nom de ce dernier et pourtant il a façonné le visuel de la plupart des magazines que vous feuilletez depuis l’après-guerre et ce jusqu’à l’an 2000. Au début des années 50, il travaille à la maquette de « Paris-Match » et « Marie-Claire ». En 1962 il crée la mise en page on ne peut plus moderne pour l’époque de « Salut les copains », « Mlle âge tendre » et « LUI » magazine. Ensuite Régis sera également le directeur artistique de « ELLE » en France et aux Etats-Unis. Six journaux qui marqueront fortement soixante années de la presse de notre pays, c’est beaucoup pour un seul homme.

Copyright Jean-Marie Périer

Copyright Jean-Marie Périer

Régis était au groupe Filipacchi ce que l’ail est à la cuisine, sans lui rien n’aurait eu de goût. Quiconque le rencontre ne peut s’empêcher de s’y attacher, c’est une sorte d’anarchiste aristocrate qui pousse la coquetterie jusqu’à surtout n’avoir l’air de rien. Il cache une sensibilité à fleur de peau derrière un paravent de phrases négatives à la limite d’un cynisme trop énorme pour être sincère.

Je le rencontrai en 1956 et à mon retour d’Algérie j’ai eu la chance formidable de vivre avec lui et sa famille certainement les douze plus belles années de ma vie. En effet nous partagions à Paris des ateliers mitoyens, lui, sa femme Jamie et ses deux filles d’un côté et moi avec ma vie de célibataire insouciant de l’autre.

Cet arrangement tenait du mariage idéal, chez Régis on entendait des rires d’enfants et chez moi c’était la fête continuelle, il y avait de la musique tout le temps. Et fort, trop fort sûrement. Sauf pour Anne et Fanny, les deux fillettes de Régis que ce vacarme amusait. Avec les Pagniez, nous vivions un peu en communauté, bien avant que les hippies y pensent, mais sans les chemises à fleur et les chèvres du jardin. Dans les années 60-70 notre appartement voyait passer du beau monde, Anne et Fanny prenaient leur petit déjeuner avec Françoise Hardy, rigolaient aux blagues de Dutronc ou Johnny et venaient en douce danser le soir pendant que les « copains » musiciens  du monde entier se plaisaient à s’éclater la tronche au son des Rolling Stones ou de James Brown. Etait-ce un bon exemple ? Sans doute car aujourd’hui je vous rassure elles vont très bien.

Si je vous en parle aujourd’hui c’est parce que je lui ai dédié ma dernière exposition au Bazacle de Toulouse et que beaucoup de visiteurs me demandaient de qui il s’agissait. Aujourd’hui il est toujours mon ami proche et comme il vient me voir de temps en temps dans l’Aveyron, si vous me croisez un jour au marché en compagnie d’un homme aux cheveux blancs et aux chaussures raffinées, vous saurez désormais que c’est lui, Régis Pagniez.

Jean-Marie Périer

05 Fév

Arrêtez de plaisanter avec la drogue !

Sans vouloir jouer les rabat-joies, il me semble urgent de mettre un frein à cette mode récurrente dans les médias qui consiste à faire de l’humour sur le cannabis et autre cocaïne. C’est bien joli de la part de certains chroniqueurs ou présentateurs parisiens de faire la promotion des drogues à seule fin de redorer leur petit blason de vieux jeune branchouillé, cela participe néanmoins d’un mépris absolu pour tous ces jeunes gens au quotidien défavorisé (ou non défavorisé) qui par ennui autant que par manque de repères, se piquant de vouloir ressembler à celui qui brille « dans le poste », finiront par se piquer tout court pour finir en légume sur le gazon des squares ou en momie agenouillée dans les toilettes d’une gare. Je connais personnellement un bac + 5 qui aujourd’hui ne parle plus qu’aux cailloux.

Drogues

Copyright Jean-Marie Périer

Croyez-moi, je n’ai rien à voir avec les cathos-bobos-neotrucs de la droite extrême qui fleurissent les rues des grandes villes ces temps-ci, pas plus qu’avec les impétrants-gauchos-bonne-conscience qui leur succèdent en confondant nos rues avec des déversoirs à idées mal digérées voire incomprises. Beaucoup d’entre eux manifestent pour être «CONTRE», ils me donnent le sentiment de ne même plus savoir vraiment contre quoi.

Je me permets ce sursaut d’énervement parce que je constate que cette mode de la plaisanterie sur les drogues est tellement entrée dans les moeurs des médias qu’on oublie que rien que le cannabis peut mener à des dérives mentales irréversibles chez des gens trop jeunes dont le cerveau est beaucoup plus fragile qu’on ne le pense. Ça fait quarante ans que j’assiste à cette débâcle et le phénomène ne fait qu’empirer. Alors bien sûr, j’en entends déjà qui me diront : «Et toi qu’est-ce que tu faisais avec les Rolling Stones en 67 ? » C’est vrai, mais d’abord moi j’avais 27 ans, je n’ai jamais touché à rien d’autre et en plus je fumais du Ganja qui arrivait direct de Peshawar, ça n’avait rien à voir avec les saloperies chimiques que les mômes ingurgitent aujourd’hui. Et puis j’ai arrêté dès que j’ai eu des gosses et en tout cas, je n’ai jamais poussé quelqu’un à le faire.

Pour ce qui est de la légalisation du cannabis, j’avoue être partagé. A part la possibilité de rapporter de l’argent à l’Etat, ce qui me semble toujours une bonne intention si ça permet de baisser les impôts (depuis quand n’a-t-on plus le droit de rêver ?), l’idée que la mettre en vente libre découragera les dealers me semble un peu naïve. Je vois mal les pontes du trafic aller pointer à l’ANPE du jour au lendemain. Je crains qu’au contraire ils mettent sur le marché un produit plus dangereux, moins cher et qui aura l’attrait de l’interdit. Car c’est pour beaucoup cet interdit qui pousse les jeunes gens à essayer, la posture de fraudeur rebelle en a fait plonger plus d’un. C’est pourquoi je demande aux irresponsables qui ont la chance d’avoir une tribune de cesser leurs plaisanteries sur les drogues diverses, ce faisant ils les banalisent, les excusent, ils les rendent fréquentables. Ça finit par des morts, je peux vous assurer que je sais de quoi je parle.

Jean Marie Périer