18 Déc

Je ne vais pas me faire que des amis.

Bertusse

Ce matin en partant pour le marché.

 

En 1983 je vivais à Los Angeles, et un jour dans le quotidien local, je tombe sur l’article d’un inconnu nommé Steve Jobs. Il disait très clairement ceci: « Un jour grâce à ma machine vous pourrez travailler de chez vous. » Il me dit ça À MOI ! J’ai couru l’acheter dans l’heure. Depuis ses ordinateurs ont changé ma vie comme, accessoirement, celle de millions de gens à travers le monde. Depuis, j’achète régulièrement leurs nouvelles machines, systématiquement.

Demain je vais recevoir le nouveau Mac, je l’ai payé cher, mais quand je pense au plaisir qu’il va m’apporter, je ne le regrette pas.

Seulement voilà, ce matin je suis allé au marché dans ma région d’adoption, à savoir l’Occitanie en général et l’Aveyron en particulier. J’y étais tôt, comme souvent. Et lorsque j’achetai ses légumes à une dame d’un âge certain, après avoir choisi poireaux, carottes, navet et j’en oublie, bref de quoi me faire au moins trois repas, lorsque je lui demandai le prix, elle m’annonça 4 € 60.

Et là, tout à coup, la situation me parut surréaliste. Je suis prêt à acheter sans regret un ordinateur pour le prix qu’APPLE me demande à cause du plaisir que je vais en retirer et cette dame, qui va aussi m’apporter un bonheur évident va gagner cette somme-là parce qu’elle considère que c’est le prix de son travail. Alors je la regarde derrière sa petite table, avec ces légumes qu’elle a planté, puis ramassé, et l’idée me vient que quelque chose ne va pas.

(Je ne parle pas de ceux qui commandent des caisses à l’étranger, avec le temps je les reconnais, les « vrais ».)

Alors j’ai pris une décision qui risque d’être mal comprise et qui, comme l’indique le titre de cet article, va peut-être m’apporter plus d’ennui que je ne le voudrais. Désormais, je paierai les légumes sur les marchés, non pas le prix que les maraîchers attribuent à la valeur de leur travail, mais à celui du bonheur qu’ils m’apportent.D’abord plus de pièces de monnaie. Si elle me dit 4 € 60 et que je considère que ça vaut 10 € je lui donnerai 10 €.

Et je prévois déjà le mal que je vais avoir à leur faire comprendre ma démarche. Elle est pourtant simple. Si je l’avais voulu, dans les années 80 j’aurais pu être américain, j’avais tous les papiers, je n’avais qu’à dire OUI. Pendant 10 ans, ma situation là-bas était des plus enviable. Et si j’ai eu envie de revenir en France et particulièrement dans la vraie campagne, c’est justement en grande partie à cause de ces gens-là, les gens « normaux » d’ici que je connais maintenant depuis vingt ans. Or je vis dans une petite maison, charmante, mais au milieu des champs. Il n’y a que des vaches et moi. Parfois les maraîchers que je rencontre sont les seules personnes que je verrai de la journée. Donc il ne s’agit pas que de légumes, mais aussi de mes rapports avec ces gens-là.

« Oui mais vous, vous êtes riche ! »? Ça je vais y avoir droit. Mais non je ne suis pas riche, loin de là, mais ici je vis bien, ça va. Et d’ailleurs je peux leur assurer que si un jour je suis raide ( comme ça m’est arrivé toute ma vie à peu près tous les dix ans.) je paierai exactement le prix qu’ils demandent.

« Ah oui, alors vous, vous êtes bien de gauche ! » Mais non je ne suis pas de gauche, ni de droite d’ailleurs, arrêtez de m’insulter, je n’ai jamais cru à tout ça. Dans la vie rien n’est noir ou blanc, tout n’est que compromis. C’est pourquoi je suis depuis toujours CENTRE DROIT. Parce que petit bourgeois quand même, faut pas exagérer. Et j’ai horreur des bourgeois déguisés en révolutionnaire.      Le genre Che Guevara sur le tee-shirt et les millions en banque. J’en connais certains, particulièrement dans la chanson… Bref.

Voilà, je vais essayer cette formule dans prochains marchés, et je vous dirai le résultat.

 

Jean-Marie Périer

 

PS : J’ai passé 8 jours en Corse avec Dutronc et sa compagne. C’est vraiment un mec formidable.

Dut Corse