C’est l’histoire d’un industriel qui a eu l’intelligence de faire de Paris sa vitrine industrielle et technologique. Et peu importe si cela sert les intérêts d’une famille politique qui n’est pas franchement la sienne. Et peu importe si le procédé est un peu gros pour passer inaperçu… Après avoir servi de crash test grandeur nature à Autolib’, Paris s’apprête à en faire de même, 4 ans plus tard, avec les premiers BlueBus et Bluetram.
Petit retour en arrière : lorsque Bertrand Delanoë décide de doter Paris d’un système innovant d’autopartage électrique, le sang de Vincent Bolloré ne fait qu’un tour : c’est pour lui ! L’industriel réalise très vite qu’Autolib’ est, pour son groupe, une chance inouïe : celle de pouvoir démontrer, au cœur de la capitale, au cœur du pouvoir, et même au cœur du Monde pourrait-on dire, la fiabilité de sa batterie et de sa technologie.
Nous sommes alors en décembre 2011, et face aux journalistes, Vincent Bolloré, qui a rarement sa langue dans sa poche, ne cache d’ailleurs rien de ses intentions : « nous allons démontrer les capacités de (nos) batteries électriques« , lesquelles vont subir, en étant utilisées une dizaine de fois par jour, « le pire des stress tests« . Pour être certain de décrocher le contrat, Bolloré met les formes… et surtout les moyens : humains (1500 embauches annoncées), technologiques et financiers (100 M d’euros d’investissement de départ). Peu importe qu’Autolib’ lui coûte annuellement plusieurs dizaines de millions d’euros, l’important est que tout le monde voit ses batteries fonctionner, et sa Bluecar rouler !
4 ans plus tard, Autolib’ fonctionne à plein régime (14 000 locations chaque jour avec des pics jusqu’à 19 000 le week-end – et plus de 110 millions de kilomètres parcourus), il suffit de rouler dans Paris pour croiser, quasiment à chaque coin de rue, une voiture grise siglée Bolloré. Pour autant, Autolib’ n’est toujours pas rentable (malgré les 93.000 abonnés annuels), mais peu importe : Bolloré a largement rentabilisé sa mise initiale, en nouant, par exemple, des partenariats avec de grands constructeurs :
- PSA Peugeot Citroën fabrique, depuis septembre, à Rennes et distribue dans son réseau la Bluesummer, une voiture électrique conçue par Bolloré… autour de la batterie maison LMP (Lithium Métal Polymère, technologie sur laquelle Bolloré a investi 1,7 milliard d’euros en 15 ans).
- Renault assemble, lui, depuis juin, des Bluecars, autre véhicule électrique conçu par l’industriel breton, dans son usine de Dieppe, en Haute-Normandie.
Il ne faut pas non plus oublier que le service d’autopartage électrique conçu par Bolloré autour de sa Bluecar s’est exporté au délà du périph’ : la ville d’Indianapolis, dans le Midwest (Etats Unis), s’est ainsi équipé de 500 véhicules (et stations) pour un montant de 35 millions de dollars. La BlueCub s’est imposée à Bordeaux (55 000 locations effectuées depuis 2014) ; et la BlueLy en fait de même à Lyon (95 000 locations effectuées depuis 2013). De quoi écouler pas mal de batteries maison LMP…
Après la voiture, voici le bus et le tram : Paris transformé en crash test grandeur nature pour Bolloré
Grâce à Autolib’, la Bluecar et ses dérivés sont devenus une réalité industrielle. De bon augure alors que les ventes de voitures électriques commencent à décoller. Mais notre industriel n’a pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin. Il dispose depuis quelques mois d’un véhicule encore plus grand à vendre : un bus 100% électrique, bien évidemment toujours équipé de la fameuse technologie LMP.
La RATP et le STIF lui ont, certes, déjà passé commande d’une dizaine d’exemplaires de ce Bluebus, capable de transporter 90 passagers et censé équiper entièrement, mi 2016, la ligne 341 (Etoile – Porte de Clignancourt). Une expérimentation « en situation réelle » pour la technologie LMP version bus, mais qui manque sans doute de visibilité aux yeux de Vincent Bolloré. D’où l’idée de profiter de la COP21 pour faire des Champs Élysées la plus belle des vitrines !
Dès le 1er décembre, les Bus Bolloré paraderont en version Tram (cf photo ci-dessus) sur la plus belle avenue du monde, et ce jusqu’au 15 janvier. Le Bluetram est capable de se recharger à chaque station, sans caténaire. 8 stations, toutes éphémères, sont déjà installées entre la place de l’étoile et la concorde…
Pour la Mairie de Paris, c’est tout bénéf’ : cette ligne de bus éphémère ne va pas lui coûter un euro ! Tout en donnant de la capitale l’image d’une ville écologique modèle. Mais le cadeau vaut surtout, une fois de plus, pour Vincent Bolloré : les dirigeants de la planète entière sont attendus à Paris durant cette période. De quoi remplir les carnets de commande du groupe. En attendant peut-être de voir un jour rouler le Bluetram le long de la seine… les caractéristiques du Bluetram correspondent en effet en tous points à ce que souhaite Anne Hidalgo. La Maire de Paris veut en effet doter la rive droite d' »un tramway nouvelle génération, sans rail ni caténaire, en site protégé. Ce qui ne nécessitera pas de gros travaux d’infrastructures, limitera les coûts et permettra d’aller très vite : il sera en service avant 2020″. Quoi de mieux qu’un Bluetram déjà testé in situ, dans la ville lumière… l’argument est tout trouvé.
► VIDEO : Découvrez notre enquête, diffusée dans le JT de France 3 IDF, avec des entretiens de Vincent Bolloré et d’Anne Hidalgo
► Pour aller plus loin : les Bluetram en parade sur les Champs Elysées – VIDEO
Bertrand Lambert