Dimanche soir, la socialiste Marie-Guite Dufay a remporté les élections régionales en Bourgogne Franche-Comté avec 34,7% des suffrages. La liste PS, 3e du premier tour, devance au second tour les listes LR-UDI de François Sauvadet (32,9%) et la liste FN de Sophie Montel (32,4%). Voici sept chiffres et trois graphiques pour comprendre ce retournement de situation et le maintien de la Bourgogne Franche-Comté à gauche.
- +82%
En une semaine, le nombre de bulletins Marie-Guite Dufay a quasiment doublé dans les urnes: de 221 376 voix au premier tour, la liste PS passe à 402 916 voix. Bien plus que l’addition des bulletins PS-PCF-EELV du 1er tour (303.554). C’est donc au Parti socialiste en priorité qu’a profité le rebond de mobilisation (+10,6 points). Les deux autres listes progressent, mais dans des proportions bien plus limitées: +65% pour François Sauvadet (LR-UDI), + 24% pour Sophie Montel (FN).
A gauche depuis 2004, la Bourgogne (François Patriat) et la Franche-Comté (Raymond Forni puis Marie-Guite Dufay) restent donc socialistes.
- 52,4%
Le score du PS à Besançon. Dans les mêmes conditions, en triangulaire avec la droite et le FN, le maire Jean-Louis Fousseret n’avait été réélu en mars 2014 qu’avec 47,4% des suffrages. A l’image de Besançon, la liste de Marie-Guite Dufay a construit sa victoire dans les villes. Elle est en tête également à Dijon, le fief de François Rebsamen (43,5%).
Mais surtout, le PS rafle la mise dans plusieurs villes de droite: il est en tête à Chalon-sur-Saône (la ville de Gilles Platret, 3e de la liste LR-UDI en Saône-et-Loire), à Belfort (la ville du député-maire Damien Meslot), Lons-le-Saunier (la ville de Jacques Pélissard, le mari d’Hélène, tête de liste départementale dans le Jura).
A Vesoul, où le PS végète depuis des lustres, Marie-Guite Dufay est 30 voix seulement derrière François Sauvadet. Vesoul est pourtant le fief d’Alain Joyandet, chef de file régional pour Les Républicains, une ville dirigée aujourd’hui par Alain Chrétien, député LR.
A droite, beaucoup estiment que bien des élus municipaux n’ont pas fait le boulot pour François Sauvadet.
- 1er
1er, oui 1er. François Sauvadet a gagné cette élection régionale… dans la seule Bourgogne ! Le député UDI arrive d’ailleurs en tête en Côte d’Or, dont il préside le conseil départemental. Mais c’est le seul département dans ce cas. Sur l’ensemble de la Bourgogne, il devance néanmoins Marie-Guite Dufay d’un peu moins de 4.000 voix (34,4% contre 33,8%).
Le problème de François Sauvadet, c’est qu’il est largement distancé par ses deux adversaires en Franche-Comté. La liste de droite n’y recueille que 31% des voix contre 33,2% pour le FN et 35,7% pour le PS. Alors que le différentiel Bourgogne/Franche-Comté est de +1,4 points pour le FN et +1,9 pour le PS, il est de -3,4 points pour le candidat de droite. Un déficit rédhibitoire alors même que la Franche-Comté, dont les 3/4 des parlementaires sont de droite et qui a voté Nicolas Sarkozy au second tour de la présidentielle 2012, est d’ordinaire une région bien plus à droite que la Bourgogne.
François Sauvadet a donc perdu à cause des villes, et à cause de la Franche-Comté. Il s’en est même fallu de peu pour que la liste LR-UDI ne soit dépassée par le FN, à 5303 voix seulement derrière.
- Une grande région « très » partagée
La victoire de Marie-Guite Dufay s’est bâtie dans trois départements qui ont basculé à droite en mars dernier: le Doubs, le Jura et la Saône-et-Loire. La liste PS est également en tête dans la Nièvre. La Côte d’Or reste fidèle à son président départemental, François Sauvadet. Le Front national s’impose dans 3 départements sur 8: l’Yonne, la Haute-Saône et le Territoire de Belfort.
- 38,5%
Le score de Sophie Montel en Haute-Saône, le département où le FN est le plus haut. Notons que c’est aussi un département où le chômage baisse, et pas qu’un peu: -5,7% sur un an. Tant pis pour ceux qui associent systématiquement crise économique et vote FN. En revanche, il est certain que la Haute-Saône souffre d’un sentiment d’abandon: c’est un des seuls départements de France sans autoroute; sa sous-préfecture, Lure, a perdu en quelques années son commissariat de police, son régiment militaire, sa maternité, son tribunal. Les habitants en sont même venus à manifester pour garder… la prison ! En vain.
Notons qu’avec 376.902 suffrages, le Front national a explosé son record en Bourgogne Franche-Comté. En 2012, au premier tour de la présidentielle, Marine Le Pen n’avait obtenu « que » 333.120 voix. Le « plafond de verre » ne cesse de monter…
- La géographie du vote
Cette carte réalisée par Ifop nuance la carte par département (une version interactive existe aussi sur Le Monde). Par exemple, la droite résiste bien sur l’ensemble de la Côte d’Or, à l’exception de l’agglomération dijonnaise. La zone frontalière du Haut-Doubs lui reste acquise. Le Front national est en tête sur une large partie de l’Yonne, et dans l’aire urbaine Belfort-Montbéliard-Héricourt, sauf dans lesdites villes. La Nièvre balance souvent entre PS et FN…
- 65
Ils seront nombreux, les bleus. 65 des 100 conseillers régionaux de Bourgogne Franche-Comté seront des petits nouveaux. Ils sont 11 à droite, 22 au FN (la quasi totalité du groupe !) et 32 au PS. La jeunesse sera incarnée au sein du groupe majoritaire notamment par des jeunes femmes: Laetitia Martinez en Saône-et-Loire (son portrait ici), Elise Aebischer dans le Doubs, Océane Charret-Godard en Côte d’Or ou encore Maude Clavequin dans le Territoire de Belfort.
A l’inverse, les mauvais scores de la droite ont été fatals à quelques figures du conseil régional de Franche-Comté sortant. L’ancien président du groupe LR-DVD Stéphane Kroemer (Haute-Saône) et l’ancienne présidente des maires du Jura Sylvie Vermeillet, 3es de liste, passent à la trappe.
- 0
Comme le nombre d’élus communistes et écologistes. Incapables de franchir la barre des 5%, PCF et EELV ont été éliminés dès le premier tour. Ils avaient pourtant 18 conseillers sortants à eux deux (13 EELV, 5 communistes). Une grosse claque malgré la victoire de Marie-Guite Dufay, pour qui les deux groupes ont appelé à voter au second tour. L’union de la gauche, réalisée dans les urnes, n’existe plus au sein de l’assemblée.
- La composition du nouveau conseil régional
Dans la majorité, le PS est quasi hégémonique, avec 46 sièges sur 51 (*). Les « partenaires » se limitent aux PRG Patrick Molinoz (Côte d’Or) et Francine Chopard (Saône-et-Loire), au divers gauche Pierre Grosset (Jura) et aux écologistes version Corinne Lepage, avec Yacine Hakkar (Doubs, CAP 21), ou version Jean-Luc Bennhamias, avec Jacqueline Ferrari (Jura, Front Démocrate).
A droite, le leadership de François Sauvadet pourrait être remis en cause par la concurrence des élus Les Républicains: ils sont en effet 17 contre 6 UDI et 2 divers droite.
Le Front national aura un groupe conséquent de 24 élus, mais peu expérimenté. Seuls Sophie Montel (Doubs) et Marcel Stéphan (Nièvre) sont conseillers régionaux sortants.
- 58817
C’est le nombre de bulletins blancs (28.761) ou nuls (30.056) au second tour, ce qui représente 4,8 % des votants. Au premier tour, ils y en avaient 46.593 (27.341 blancs et 19.252 nuls), soit 4,6 % des votants. Et ce malgré une offre politique large au 1er tour (10 listes) et une triangulaire incertaine au second. Au niveau national, les bulletins blancs ou nuls représentent 4% des votants au 1er tour et 4,9% au second.
* Merci de noter que la représentation de l’assemblée est modifiée à la marge. Dans le premier décompte, une élue PRG a malheureusement été étiquetée PS. Le bon décompte à gauche est donc 46 PS et 2 PRG. MAJ 16/12
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