Face au médiatique vice-président du FN Florian Philippot, qui espère capter un électorat déboussolé par la crise, l’ex-ministre de Nicolas Sarkozy Nadine Morano (UMP) et l’ouvrier syndicaliste star de Florange Edouard Martin (PS) se disputent les faveurs des électeurs aux européennes dans l’Est. Donné favori du scrutin par un sondage Ifop en avril avec 26% des voix, légèrement devant Mme Morano, tandis que M. Martin paraît distancé, Florian Philippot a vite rebondi après sa défaite aux municipales à Forbach (Moselle). Car dans de nombreux territoires de l’Est, saignés par la crise économique et la désindustrialisation, les idées de son parti font recette. L’analyse de l’AFP.
« Nous faisons une campagne à la rencontre des oubliés de la France et de l’Union européenne, (…) nous incarnons l’espérance », a-t-il déclaré vendredi lors d’un déplacement en Moselle en présence de Marine Le Pen.
Retour des frontières pour endiguer l’immigration clandestine et les trafics, sortie de l’euro, « patriotisme économique »: dans l’Est, les propositions du FN séduisent notamment les jeunes ouvriers, « une génération qui a connu la désaffection pour la gauche, avec le tournant de la rigueur » note Joël Gombin, chercheur en sciences politiques à l’université de Picardie et spécialiste du FN.
Et aussi le déclin industriel, illustré en Moselle par la fermeture de l’aciérie de Gandrange, puis des hauts fourneaux de Florange. Aujourd’hui c’est le sort d’Alstom qui inquiète à Belfort, où le groupe est fortement implanté.
M. Philippot, qui revendique l’héritage du Général de Gaulle, séduit dans les régions de l’Est d’ancienne tradition gaulliste, comme la Moselle-Est. Mais la nouveauté aux dernières municipales a été la percée du FN dans la vallée sidérurgique de la Fensch, historiquement à gauche, avec la victoire frontiste à Hayange.
« Les vrais patriotes, c’est nous »
A l’UMP c’est Nadine Morano, l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy et l’une de ses plus ferventes fidèles, qui est parvenue à s’imposer comme tête de liste, quitte à causer des grincements de dents dans les rangs des eurodéputés UMP sortants.
Son « franc-parler » la rend « proche des gens », vante au contraire Jacques Lamblin, le député-maire UMP de Lunéville (Meurthe-et-Moselle).
« Les vrais patriotes, c’est nous! » s’exclame Mme Morano. Elle se dit « euro-réaliste » et non « euro-béate ».
« En 2009 déjà j’avais envie d’aller aux européennes », rétorque la conseillère régionale de Lorraine à ceux qui lui reprochent de chercher à se « recaser » au Parlement européen après sa défaite aux législatives en 2012.
« Quand l’Etat veut, il peut »
Désireux d’éviter une nouvelle déroute électorale comme aux municipales, le PS joue la carte Edouard Martin, l’ancien leader CFDT emblématique de la lutte contre la fermeture des hauts fourneaux d’ArcelorMittal à Florange.
C’est « une personnalité qui peut, dans un contexte très difficile, capter une partie de l’électorat ouvrier qui a complètement déserté le PS », analyse Etienne Criqui, directeur du Centre européen universitaire de Nancy.
Un « pari audacieux » pour le PS mais « un positionnement difficile » pour M. Martin, candidat du parti dont il critiquait violemment les dirigeants dans le dossier Florange, résume M. Criqui. Ce qui l’oblige parfois à des acrobaties: « Le PS ce n’est pas que Ayrault et Hollande » a-t-il récemment déclaré lors d’un meeting à Metz. Ou encore: « Certes les hauts fourneaux ont fermé, mais l’esprit de la lutte de Florange a permis beaucoup de choses. Quand l’Etat veut, l’Etat peut ».
Florian Philippot et Nadine Morano ne ratent jamais une occasion de le taxer de « traître » de la cause ouvrière. L’intéressé se défend d’avoir « renié » son passé et assure qu’il n’est pas un « produit marketing » du PS, auquel il n’a pas adhéré.
Appelant à une « Europe du juste échange », Edouard Martin réclame de l’UE « des normes sociales, fiscales, environnementales ». « Ce qui nous pose problème, c’est qu’il n’y ait pas assez d’Europe », dit-il.
Face à ces trois poids lourds qui vampirisent les médias, les autres candidats tentent d’exister tant bien que mal dans cette campagne, à l’image des eurodéputées sortantes Sandrine Bélier (Europe Ecologie-Les Verts) et Nathalie Griesbeck (Modem-UDI-Les Européens), ou du Jurassien Gabriel Amard, tête de liste du Front de Gauche.
Au total 23 listes sont en compétition pour les européennes dans la circonscription Est, qui regroupe les régions Alsace, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté
et Lorraine, soit plus de 5,8 millions d’électeurs. Potentiels seulement, car l’abstention des nombreux déçus de la politique sera « considérable », prédit M. Criqui.