Il se croyait en sécurité après avoir vu François Hollande consacrer sa ligne social-démocrate, mais le « ras-le-bol fiscal » et les couacs à Bercy ont finalement coûté à Pierre Moscovici, le ministère de l’Economie. L’analyse de nos confrères de l’AFP sur le départ du seul ministre franc-comtois du gouvernement.
En février encore, Pierre Moscovici confie: « Je n’aurais pas aimé partir juste après l’affaire Cahuzac, cela aurait été sale, ni à l’automne 2013 », en pleine fronde sur le « ras-le-bol fiscal », mais « désormais je me sens à ma place ».
Une place finalement perdue ce mercredi, après sa défaite dimanche aux municipales dans une commune du Doubs, Valentigney, suivie de l’annonce lundi d’un déficit public plus lourd que prévu.
Pierre Moscovici avait pourtant plus d’une fois réussi à s’en sortir.
L’été 2013 touche à sa fin, les Français reçoivent des avis d’imposition parfois très lourds, et voilà que le ministre de l’Economie embarrasse l’exécutif en disant « comprendre le ras-le-bol fiscal », expression lancée par le Medef.
Mais quelques mois plus tard, le vent idéologique tourne et le Président de la République annonce son Pacte de responsabilité, cocktail de baisses de charges et réduction de la dépense publique. Autant d’idées portées par l’ex-patron de Bercy depuis l’époque où il donnait des cours d’économies à Sciences Po dans les années 80, avec un certain François Hollande, dont il a été directeur de campagne.
« Un philosophe de l’économie qui n’a pas su passer à la pratique »
« Mosco », né le 16 septembre 1957, a flirté avec la Ligue communiste révolutionnaire, avant de rejoindre en 1984 le PS et son mentor, Dominique Strauss-Kahn.
En 1997, il est élu député du Doubs, berceau de PSA qu’il a contribué à sauver en oeuvrant au partenariat avec le chinois DongFeng et l’Etat français – un comble pour ce pur Parisien sans permis de conduire.
Il n’a pas su profiter du virage social-démocrate, juge Ludovic Subran, économiste de l’assureur Euler Hermes: « C’est un vrai philosophe de l’économie » qui « n’a pas
su passer à la pratique », laissant « les autres faire le sale boulot ». Et notamment le « boulot » parlementaire, ce dont certains députés PS lui gardent rancune.
Surtout, assène M. Subran, Pierre Moscovici « n’a pas tenu ses troupes », les six ministres de Bercy. A la tête du ministère amarré tel un gigantesque paquebot en bord de Seine, le capitaine Moscovici a vu son autorité écornée en mars 2013 par la démission fracassante du ministre du Budget Jérôme Cahuzac, forcé d’avouer qu’il détenait un compte en Suisse.
Il y eut aussi des initiatives de Matignon, promettant une réforme fiscale dont il n’avait que faire ou éventant des nominations importantes à Bercy. Sans compter des piques de Laurent Fabius ou Arnaud Montebourg.
« Il y a quelques maboules dans la salle »
Face aux couacs, ce fils d’un père exilé de Roumanie, le psychologue Serge Moscovici, et d’une mère d’origine polonaise, la psychanalyste Marie Bromberg, joue la carte
du bon camarade.
En privé, ce bon imitateur de Jacques Chirac est plus grinçant, moquant les interventions pompeuses d’un collègue ministre lors d’un voyage officiel ou lançant en pleine
nuit de négociations européennes: « Il y a quelques maboules dans la salle ».
Sur la scène européenne et internationale, cet anglophone jouit d’une bonne réputation sans toutefois marquer les esprits autant que Christine Lagarde, qui l’a précédé. Il s’épanche volontiers sur sa bonne relation avec son homologue allemand Wolfgang Schäuble.
Secondé par le directeur du Trésor Ramon Fernandez, négociateur hors pair hérité de la précédente administration, Pierre Moscovici affiche des succès à Bruxelles:
accord sur une union bancaire européenne ou négociation d’un délai budgétaire pour la France.
Mais rien de cela ne renforce la stature nationale de ce lettré à l’élégance toute classique, si ce n’est un lien de cuir et métal qu’il arbore au poignet, signé d’un bijoutier parisien très couru.
Une exfiltration vers Bruxelles?
Même la médiatisation de sa compagne Marie-Charline Pacquot peine à réchauffer son image. Autrefois doté d’une réputation de noceur qu’il dit « exagérée », Pierre Moscovici affiche désormais sur son téléphone portable la photo d’un baiser échangé avec cette étudiante en philosophie. Les internautes s’amusent eux des clichés du chat du couple, Hamlet, que la jeune femme publie via Twitter.
Rien n’a filtré jusqu’ici sur l’avenir de celui qui fut ministre délégué aux Affaires européennes, et qui a toujours entretenu avec soin les spéculations sur un destin à Bruxelles. (AFP)
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