Circulez ! y a rien à voir. Alors que Danielle Brulebois et Sylvie Laroche risquent de devenir inéligibles pour non respect du code électoral en matière de propagande, le Parti socialiste jurassien maintient le cap et ses candidates. Quitte à foncer dans le mur ?
« C’est un épiphénomène que je ne commenterai pas ». Passez votre chemin, tout va bien. D’ordinaire si affable, Eddy Lacroix, le jeune premier fédéral du PS jurassien, n’est pas disert. Pourtant, il y aurait beaucoup à dire, tant l’« épiphénomène » peut avoir de graves conséquences pour le parti qu’il dirige. L’inéligibilité et 75.000 euros d’amende, voilà ce que risquent les deux candidates socialistes aux législatives, Danielle Brulebois (1re circonscription) et Sylvie Laroche (3e circonscription).
La faute à plusieurs encarts publicitaires achetés dans la presse régionale pour annoncer des réunions publiques d’information dans le cadre de la campagne présidentielle. Le nom des candidates y apparaît clairement, sous la bannière de « François Hollande 2012 ». Une photo de Sylvie Laroche est même publiée aux côtés du candidat à la présidentielle, ainsi que l’adresse de son site de campagne pour les législatives. Or le code électoral est clair : six mois avant une élection, « l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite » (art. L52-1). Un temps, les socialistes ont même craint que le candidat à la présidentielle lui-même soit pénalisé par la boulette jurassienne.
Martine Aubry décidera
A l’issue du meeting de François Hollande mardi soir à Besançon, le président du conseil général Christophe Perny balayait d’un revers de main les risques d’inéligibilité, pour François Hollande comme pour les candidates aux législatives. « Franchement, je ne vois pas le Conseil constitutionnel invalider l’élection de François Hollande pour ça », ironisait l’homme fort du PS dans le Jura. Quant aux législatives…
Le dossier, explique Eddy Lacroix, est désormais entre les mains du cabinet de Martine Aubry, la patronne du PS, pour être étudié par des juristes. C’est dire si, contrairement à ce que prétendent certains, l’affaire est grave.
En cas d’élection le 17 juin prochain, Sylvie Laroche et Danielle Brulebois pourraient tout bonnement devenir inéligibles et perdre le bénéfice de leur victoire, sans parler des fortes amendes encourues… Autant dire que la conseillère régionale et la conseillère générale sont dans une situation délicate. Et pourtant, « nous confirmons nos candidates » répète à qui veut l’entendre le responsable du PS jurassien.
« La palme des nuls »
Pour avoir un son de cloche dissonant et faire fi du discours officiel, il faut écouter Jean-Philippe Huelin, qui portait les couleurs du PS à Moirans-en-Montagne lors des cantonales l’an passé : « Il va falloir qu’on tranche. Ce sera quand même difficile de faire campagne pour des candidates qui ne pourront pas être élues ». Et le prof d’histoire-géo, qui aurait tant aimé être candidat dans la 2e circonscription, de se lamenter : « On a quand même la palme des nuls. C’est un titre chèrement disputé mais on le remporte haut la main ». Les mots sont durs, mais la bourde commise fait passer son parti pour une bande d’amateurs.
Patrick Viverge : « Une alliance me semble naturelle et logique »
Alors que va faire le PS jurassien ? Désigner d’autres candidats ? Il en a le temps, puisque la date limite de dépôt des candidatures est fixée au vendredi 18 mai. Cela permettrait d’effacer la bourde, ou en tout cas ces éventuelles conséquences juridiques, mais ces « deuxièmes choix » risquent d’apparaître aux yeux des électeurs comme des candidats par défaut.
S’allier à ses partenaires de gauche ? C’est aussi une possibilité.
Dans la circonscription de Dole, en dépit des dénégations officielles, tout le monde sait depuis longtemps que la socialiste Sylvie Laroche pourrait être priée de laisser le champ libre au Front de Gauche Patrick Viverge en cas d’accord électoral entre les deux partis après la présidentielle. « Depuis le début, une alliance me semble naturelle et logique, confirme l’ancien socialiste, conseiller général. Jean-Luc Mélenchon a intérêt à avoir le plus de députés possibles. Et le Parti de Gauche ne peut gagner que deux circonscriptions : celle de François Delapierre (le directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon se présente dans l’Essonne) et la mienne.»
A Lons-le-Saunier, l’affaire semble plus complexe, la solution moins évidente. A moins d’un homme providentiel… « Je n’ai pas senti une volonté de rapprochement, confie le candidat chevènementiste Arnaud Deborne. C’est malheureux, cette situation pénalise toute la gauche ».
Maintenir les candidates, « ce serait suicidaire »
Reste la troisième option, officiellement privilégiée aujourd’hui. Mais le PS jurassien peut-il raisonnablement maintenir ses candidates, plombées par cette affaire avant même l’entrée officielle en campagne et qui ne pourront vraisemblablement pas siéger même si elles s’imposent dans les urnes ? Jacques Pélissard et Jean-Marie Sermier, les députés UMP sortants, doivent se frotter les mains. « Rester comme cela, ce serait suicidaire, estime un observateur avisé des mœurs socialistes jurassiennes. Mais ce ne serait pas la première fois que le PS est suicidaire dans ce département ! »
En attendant la décision de Solférino, la direction départementale du Parti socialiste l’assure : « La campagne continue plus que jamais ». Mais jusqu’à quand ? Et surtout, avec qui ?