Pour qui désire goûter l’imaginaire, la nouvelle est une entrée de gourmet. Loin des fast-food de l’édition professionnelle, la nouvelle est le royaume de estaminets, des bistrots savoureux de l’histoire et des possibles : des pastiches, de l’inconnu, des genres, des identités, des univers exotiques, mais aussi, vous y ferez les rencontres imprévues d’histoires ouvertes, variées et surprenantes.
Genres populaires par excellence, les littératures de l’imaginaire : science-fiction, fantastique, fantaisy, fantastique merveilleux… se caractérisent par leur ouverture au public le plus large. La facilité de la lecture est un facteur essentiel. Supports légers, il faut de dix à vingt minutes pour lire une nouvelle, et c’est dans les revues que le lecteur trouvera le plus d’idées folles, d’univers singuliers où le jeu consiste à en comprendre le fonctionnement. Là où le roman balaye au plus large, et pour ce faire, se prive d’une myriade de saveurs singulières pour un plat sans saveur qui ne déplaît à personne, la nouvelle est une épice rare, un légume oublié, un pâté de viande exotique…
Certains univers célèbres sont issus de nouvelles qui ont connu une belle postérité. Conan le barbare est un héros issu de la nouvelle, les récits de Cthulhu est né avec les nouvelles de Lovecraft. Edgar Allan Poe a été rendu célèbre par ses nouvelles, et plus près de nous, Asimov (Les Robots), Ray Bradbury (Chroniques Martiennes) et Ursula K. Le Guin (Le Collier de Semlé) sont les plats de résistance des meilleurs d’entre elles.
À l’opposé de la littérature traditionnelle, élitiste et concentrée près des lieux de pouvoir, l’imaginaire est diffus : en France, les principaux éditeurs sont à Nantes, Toulouse, Marseille, Lyon, Tourcoing, Valenciennes, voire à Saint-Mammès (Seine-et-Marne), un peu partout sur le territoire, et comme cette littérature est ouverte à ses lecteurs, les revues ont toujours été le terrain de jeu des amateurs, qui y envoient leurs textes, leurs critiques, leurs dossiers et leurs premières histoires (beaucoup d’envois, peu de publications, dit le proverbe)…
La plupart des revues proposent de 4 à 6 nouvelles, inédites, et une série de rubriques : critiques, dossier sur un auteur, ou un thème, interview, essai… Dans les années 70, il se créait plusieurs revues par mois, qui ne connaissaient pour la plupart que deux ou trois numéros… Je ne saurais trop vous recommander la rubrique Fanzine de nooSFere qui permet de vérifier l’adage Darwinien que l’histoire des [revues] est un chemin jonché de disparues…
Je vous propose ci-dessous un panorama, incomplet par définition, que les absents me pardonnent, de revues en langue française. Ces revues fonctionnent le plus souvent par abonnement : quelques dizaines d’euros donnent droit à un abonnement de trois à six numéros annuels. Les plus connues et les plus importantes aujourd’hui sont Galaxies, Bifrost et Solaris :
Les revues organisent souvent un concours annuel d’écriture (prix Alain Le Bussy, prix Solaris, prix Joël Champetier, Prix Visions du futur…) ou des appels à textes sur un thème. La revue Galaxies, en ce moment, a lancé un appel à textes sur le thème de l’Uchronie et les auteurs en herbe ont tout à gagner à suivre les appels à textes en cours.
Elles organisent aussi des concours de lecteurs, pour déterminer leur texte préféré. Pour qui s’intéresse au petit monde qui gravite autour de leur littérature préférée, la revue est souvent une première approche, instructive, éducative et un terrain ouvert où faire ses premières armes. Incluons dans ce panorama très partiel, des revues moins connues dont le dynamisme force le respect :
Présences d’Esprits : fondée par des fans lors de la disparition de la collection Présences du futur (Denoël), l’association a créé une revue d’actualité et de critique, Présences d’esprits, auquel s’est adjointe depuis quinze ans, une revue de texte, A.O.C. (Aventures Oniriques et Compagnie, 4 numéros par an et l’organisation du concours Visions du Futur)
Etherval : revue du sud de la France, avec une grande exigence de qualité, la revue fonctionne par numéros à thème avec un appel à textes spécifique. L’actuel a pour titre « ENIGMA », il s’agit d’écrire une enquête policière, dans un texte de 10 à 34 000 caractères, avec une date butoir d’envoi : le 21 juin.
Gandahar, une des dernières nées, mais pas la moins dynamique
Fiction : la revue Fiction, pour un vieux monsieur comme moi, c’était la revue que j’achetais en kiosque quand j’avais quinze ans et que je dévorais de la première à la dernière page… Cette revue a connu plusieurs arrêts et relances. La dernière en date est pilotée par un éditeur bordelais, les Moutons Électriques, et vient de publier son premier numéro avec une couverture magnifique et un contenu très applaudi.
Je terminerais avec un éditeur du Nord, Flatland qui a créé la revue « Le Novelliste », avec un souci éditorial de qualité particulièrement remarquable.
Bonne lecture ! Abonnez-vous !
Bernard Henninger