Un jour, un directrice de casting alerte Florence Aubenas en lui rapportant l’affaire dans laquelle est accusé l’acteur Gérald Thomassin, César 1991 du meilleur espoir masculin.
Des années plus tard, Thomassin, convoqué à Lyon en août 2019, appelle Florence Aubenas et prend rendez-vous avec elle devant le tribunal, mais il ne viendra jamais à son rendez-vous. À minuit, son téléphone portable cesse d’émettre…
En décembre 2008, une petite ville du Bugey, Montréal-la-Cluse, est le lieu d’un assassinat : Catherine Burgod, postière, est agressée juste avant l’ouverture de son agence. Le crime sanglant n’ouvre sur aucune piste. Un butin dérisoire et dans la vie de la jeune femme, rien ni personne ne correspond. La jeune femme, maman, en instance de divorce, était connue et appréciée. Son père est une notabilité qui s’engage à venger sa fille. Tout au long de l’enquête, il redouble les procès-verbaux et s’agite dans un désir – légitime – que l’enquête ne s’enlise pas.
La scène de crime ne manque pas d’indices mais aucun qui alimente l’enquête Des relevés d’A.D.N. ne correspondent à personne de connu. Faute de faits étayant une hypothèse, l’intelligence de l’enquête s’estompe au profit de l’irrationnel. L’enquête se métamorphose en une chasse au bouc émissaire. Gérald Thomassin, acteur renommé et marginal, parce qu’il a su mimer devant des passants l’attitude du criminel, devient la cible des racontars, puis des accusations. Les enquêteurs iront jusqu’à prétendre que c’est son A.D.N. qu’on a retrouvé sur le lieu du meurtre : c’est faux, mais l’accusation persiste même quand on trouve le possesseur de cet A.D.N. …
L’enquête de Florence Aubenas découpe avec un scalpel la cruauté et la violence qui s’emparent d’êtres ordinaires. La raison qui déserte, les rumeurs qui deviennent des accusations et l’arrestation d’un être que rien n’accuse.
J’ai lu cette enquête avec stupéfaction, ce retour de la barbarie dans l’espace de la justice. Le récit de Florence Aubenas bouscule nos raisons et démonte une société qui semble avoir tout fait (sans le savoir) pour protéger un coupable très intégré… tout en démolissant un innocent, trop différent, Gérald Thomassin, toujours disparu…
Bernard Henninger