01 Mar

« La Part du Loup » un nouveau polar de William Carvault, par Luc Fori

La Part du Loup est le dernier opus des aventures de William Carvault, la grande saga de Luc Fori, tout juste paru dans la collection Black Berry à La Bouinotte.

Voici un opus qui sort des chemins rebattus de l’enquête, et c’est un bonheur réjouissant que de baguenauder en compagnie de William Carvault, de sa compagne, la commissaire Heike et de Jan, leur petit garçon. L’histoire commence avec son pote Roger (on dit Rodgeur) qui débarque de Belgique où il avait migré dans le précédent opus pour lier son destin à l’opulente Leslie. Inquiet pour une santé qu’il a malmenée, Rodgeur désire réaliser un Ketch’Up à l’hôpital de Bourges…

En vérité, j’ai sauté le début : de furieux faits divers se percutent dès les premières pages sans que le fil qui les relie ne soit visible : un chasseur kidnappe un loup dans une meute du Mercantour ; dans son grenier, William tombe sur les carnets du précédent locataire (un homme qu’il a aidé à fuir à l’étranger en toute impunité) et ces carnets font de lui, au choix, un écrivain sadique et torturé, ou un tueur en série méthodique, générant chez William des questions et une trouble culpabilité ; et Mickey, un zonard, tue un rhinocéros dans un célèbre zoo parce qu’un chinois payera une fortune pour sa corne, or ce chinois finit massacré dans un étang de Sologne…

Je n’en dis pas plus… les enquêtes vont commencer et les coups de théâtre rebondissent et se cognent les uns aux autres. De jeux de mots en réflexions gouailleuses, Luc Fori vagabonde dans les bois et les étangs de Sologne : il ne reste qu’à suivre ses déambulations souvent rêveuses, avec sa petite famille, dans ces fourrés où se multiplient les rebondissements, entre poudre de rhinocéros, tueur sadique, chasseurs compulsifs et ce loup qui attend son heure…
c’est-à-dire la vôtre.

Bernard Henninger

29 Juil

« Vade retro Satanas », un polar Berruyer plein de verve

Vade Retro Satanas (chez Pavillon Noir) est le quatrième roman de Luc Fori. Amoureux de langage et de jeux de mots, il nous propose de cheminer avec son héros récurrent, William Carvault, flic atypique, viré de la police, reconverti dans l’immobilier malgré lui et en manque d’enquêtes…

Plein de verve, le récit baguenaude, mêlant observations des dérives de notre époque, tentative de mise à distance par l’humour, et les amours contrariées de Will et de Heike, sa compagne, commissaire de police et jeune maman… À la suite de son accouchement, irritée par l’attitude jalouse de Will et pour tout dire, par son complet dénuement en matière de paternité, Heike l’a mis à la porte… de sa propre maison. Pour l’heure, tout à sa colère, Will se proclame heureux. Revendiquant les vertus du célibat, il célèbre ses retrouvailles avec les vins régionaux, et avec son pote Roger (« Rodgeur » recommande Luc Fori), lui aussi abandonné par sa compagne, nettement dépressif et capable de violences…

Au commissariat, Heike visionne une vidéo postée sur Internet par un individu caché qui s’est filmé alors qu’il commettait un meurtre atroce. Quand Will arrive pour leur rendez-vous, Heike l’entraîne sur une scène de meurtre en tous points identique : dans une chambre d’hôtel, une jeune femme a été dénudée, son corps a été décapité et positionné dans une attitude hiératique. La tête gît, à part. Détail morbide : le visage a été maquillé.

Retrouvant sa maison, Will reçoit la visite d’un jeune voisin, Youssef, qui l’invite chez lui. Il lui présente sa compagne, Djamila. Ceux-ci font appel à son bon cœur pour se mettre en quête du petit-frère de Djamila, Mourad, soudainement disparu. Sans l’avouer à voix haute, Will pense immédiatement au pire : la France est le territoire qui a fourni la plus grande partie des candidats salafistes au Djihad. Bientôt, une photo vient confirmer ses craintes : Mourad et un ami au visage recouvert d’un turban, posent, un fusil-mitrailleur en main. La rigidité de son père, Farid, et la présence dans son entourage de Salafistes trop fraîchement convertis ne font qu’accroître ses craintes. Avec son ami Roger (« Rodgeur »), Will se lance sur une piste qui les mène à Bruxelles dans un quartier tenu par les Djihadistes…

Arrivé à ce point, l’enquête pourrait s’emballer, mais l’auteur nous convie à la suite de Will, et de ses sentiments toujours renaissants pour son ex- (à qui il manque également) à intercaler humour et distance dans la narration. Entre acception de la paternité, et son exercice, s’intercalent des remarques sur une époque dont la violence stupéfie autant qu’elle interroge. L’intrigue nous ballotte d’un bord à l’autre, la terreur n’est pas loin, d’autres victimes décapitées interviennent dans un climat inquiétant, toutefois Will professe un désir indéfectible de regarder le monde avec une certaine distance… empreinte d’une philosophie du quotidien, d’une assez bonne connaissance du sujet et d’un humour qui ne manque jamais de prendre place :

Quand, par exemple, Farid reproche aux militants Salafistes de commettre des fautes d’orthographe dans leurs citations du Coran,
Quand Will cite les paroles d’une chanson en caractères arabes,
Ou quand un chapitre s’intitule : « Un seul hêtre vous manque et tout est peuplier » (Alphonse de Lemartin),
il est bien évident que, tout sérieux soit-il, ce récit ne peut être abordé qu’avec un sourire de bon aloi et tandis que, petit jeu permanent, le cerveau s’agite pour retrouver la citation originelle…

Ce polar dont la manière n’est pas sans faire penser à un certain Frédéric Dard, est un hommage plein de verve et de brio, et j’avoue avoir pris un plaisir gourmand à cette lecture… vivifiante ! Quant à la fin… elle est à la hauteur du suspense.

Bernard Henninger