Hier, la Proposition de Loi Constitutionnelle (PLC) visant à permettre la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires a été adoptée en commission des lois. Et à l’unanimité des députés présents. Une première étape avant le grand rendez-vous fixé à mercredi prochain 22 janvier, pour l’examen de cette loi à l’Assemblée Nationale. Présidée par Jean-Jacques Urvoas qui en sera le rapporteur, une quinzaine de députés de tous bords se sont exprimés sur le fond et la forme choisie donc par les députés de la majorité. Une séance publique et peu médiatisée : au même moment, François Hollande faisait sa conférence de presse. Il ne s’est pas exprimé sur ce dossier et aucun journaliste n’a daigné l’interroger.
La voie choisie sur ce chemin un peu tordu et sinueux de la ratification est donc de rajouter une phrase dans la constitution permettant de ratifier cette charte. En évitant de se faire retoquer par le conseil d’Etat (en 2013) ou le Conseil Constitutionnel (1999). L’idée est donc d’ajouter un article 53-3 dans le titre VI de la constitution (relatif aux traités et accords internationaux).
Selon son rapporteur, ce texte a 2 objectifs :
- s’assurer de la mise en place d’un dispositif solide sur un plan juridique pour éviter les écueils précédents
- présenter un texte consensuel dépassant les clivages politiques.
Seulement voilà, beaucoup de députés s’interrogent sur la voie choisie : une PPL (donc à l’initiative des députés) doit être validée seulement par référendum. Jean-Jacques Urvoas s’est voulu rassurant : « Constatons que la majorité est nette au parlement…Pour pouvoir dire au gouvernement : reprenez la main ! ». La volonté c’est d’arriver à une ratification par la voie du Congrès ». L’idée serait donc d’éviter un référendum où l’on a pour habitude de ne pas répondre à la question mais à celui qui la pose. Et par les temps qui courrent…
Ce texte inquiète aussi par sa complexité. Certains députés l’ont relevé au même titre que des défenseurs des langues régionales. Car cet article 53-3 mentionne des déclarations interprétatives, autrement dit des restrictions qui pourraient se retourner contre les langues régionales. Marc le Fur, très affûté sur le dossier : « sur les 16 lignes de cette proposition, 15 sont négatives car ce sont des clauses interprétatives. » Un avis partagé par le Réseau européen pour l’égalité des langues qui ne soutient pas cette PLC. Là encore, Jean-Jacques Urvoas s’en défend : « J’aurai adoré faire un texte lisible et clair. Mais le Conseil Constitutionnel depuis son avis du 15 juin 99 nous a mis un certain nombre de préconisations que je dois sécuriser. …Ne pas mentionner la déclaration interprétative, c’est créer un trouble dans l’interprétation. »
Un dossier qui devient donc de plus en plus technique et juridique, un cheminement vers la ratification de plus en plus long et sinueux…Et dire que cette Charte n’est qu’un simple outil et qu’il faudra ensuite une véritable loi donnant un statut juridique à ces langues!
Benoît Roux