17 Nov

Mon père aurait cent ans.

Le 10 novembre mon père François Périer aurait eu cent ans. (Mon père avec ses enfants)

Il me manque tous les jours mais je ne m’étendrai pas dans l’espoir d’échapper aux banalités du genre. Il ne m’a jamais donné d’ordres ou mêmes de conseils, il a fait bien mieux, il m’a donné l’envie d’être lui.

À cause de son travail je ne l’ai pas vu assez, il tournait souvent des films, il enregistrait des émissions ou des livres radiophoniques le jour, mais surtout il jouait au théâtre tous les soirs. Loin de moi l’idée de le lui reprocher, c’était pour nous faire vivre. C’est sans doute pourquoi j’ai une certaine aversion pour le théâtre, j’avais l’impression qu’il me prenait mon père. Mieux qu’une éducation, il m’a offert des souvenirs et un exemple que j’aurais aimé approcher.

Voici un échantillon: Un jour que nous étions sur une route de campagne. Ma soeur Anne-Marie, mon frère Jean-pierre et moi nous étions à l’arrière de la voiture tandis que mon père conduisait. Il me semble que nous allions déjeuner chez Rech, une merveille d’auberge de Monfort-Lamaury du temps ou ce charmant village ressemblait encore à la campagne. Je ne sais plus pour quelle raison mon frère et moi nous disputions bêtement comme des enfants de notre âge quand l’un de nous s’exclama: « Oh me fais pas chier ! », pardonnez l’expression. Alors mon père, ralentit doucement et gara la voiture sur le bas-côté de la route. Puis il se tourna calmement vers nous et en nous regardant bien tous les deux il déclara : « On dit: NE me fais pas chier ! » Voilà comment en une seule courte phrase il nous a enseigné la grammaire, le calme et le sens de l’humour.

C’était mon père, où est-il maintenant ?

Jean-Marie Périer.

24 Juin

Daffy s’énerve !

Ma chienne Daffy à Etretat.

Et voilà revenu le beau temps des vacances, celui où les salauds abandonnent leurs animaux sur le bord des routes, attaché à un arbre pour être tranquille et sans se retourner pour éviter son regard. 

Comment peut-on abandonner un animal de compagnie ? Robert Badinter a toute mon admiration et je le remercierai toujours de s’être battu pour abolir la peine de mort. Néanmoins, et je n’en suis pas fier, imaginons que je sois au volant de ma voiture, j’aperçois un type en train d’attacher son chien pour s’en débarrasser. S’il se trouve entre l’arbre et mon pare choc, je crois que je ne freine pas. Ah oui je sais, c’est très moche comme pensée, mais voilà, je l’ai. 

Attention je n’émets même pas de jugement, c’est juste un geste automatique. 

Bon, en même temps je ne fais pas le fier. Est-ce que je recueille tous les chiens qui trainent moi ? Ma hantise sur la route c’est d’en croiser un tout seul, l’air perdu. Là je sais que ma journée est foutue. Aussi les excuses fusent-elles: « Ah oui mais, j’en sais rien moi s’’il est perdu, j’extrapole, est-ce qu’il a un collier ? Il en a un peut-être un et il se balade, il habite surement à côté. » Bref je cherche toutes les raisons de ne pas m’arrêter. Ma chienne est très jalouse, et puis vous comprenez je suis sans cesse sur les routes etc. 

Et voilà que se pointe le bon vieux réflexe judéo-chrétien de la culpabilité systématique. J’en ai par dessus la tête d’avoir mauvaise conscience, ras la casquette de mon éducation catholique. Les migrants qui se noient dans la Méditerranée, tous ces gens assis sur les trottoirs des villes avec des enfants, les femmes battues par des maris stupides… 

Je voudrais qu’on me laisse être égoïste !

C’était il y a un an sur une route de l’Aveyron, ce jour-là il pleuvait des hallebardes et je croise un petit chien, genre « Yorkshire » mais mouillé jusqu’aux os, un vrai balais O’cedar. Il s’arrête et me regarde, je suis cuit.

Quand je le mets sur le siège avant, ma chienne Daffy s’énerve. La Reine, c’est elle. Le pauvre petit n’a pas de collier, pas de numéro dans l’oreille et il est bourré de bestioles en tous genres.

Ça y est j’ai deux chiens. Lavage complet chez moi, ce n’est pas du luxe. Direction la vétérinaire de mon village. Je suis outré de l’état de mon nouveau protégé. « Vous savez, à la campagne on n’a pas tout à fait le même regard sur les animaux que vous. » me dit la vétérinaire d’un ton calme. Vaccins, tatouages, ça y est le petit bonhomme est à moi. 

Pile à ce moment, un appel au cabinet, une dame en pleurs aurait perdu son chien il y a trois jours, « vous ne l’auriez pas vu ? ». C’est lui, il aura donc été de ma famille l’espace d’une journée. 

Maintenant il faut que je le ramène à sa propriétaire. 

Cette dernière est en larmes, je vois bien qu’elle l’aime, peut-être pas à « la parisienne » mais elle l’aime vraiment. Le petit auquel j’avais déjà donné un nom semble très heureux aussi.

Tout finit bien etc. Mais le plus marrant c’est que désormais il est à mon nom, il faudrait refaire les papiers, évidemment j’ai oublié. Si un jour vous voyez un petit chien mouillé qui se balade, il s’appelle peut-être Périer mais il est déjà en main.

Jean-Marie Périer

21 Avr

Joyeuses Pâques !

Pardon pour le silence, mais la France d’aujourd’hui me fout le cafard. Montrer Dutronc sur « les réseaux sociaux » entouré de filles à poil, et aussitôt, « Honte à vous, scandale, vulgarité, misogynie… » L’image est aussitôt honnie par de prudes pythies numériques.

Au secours Coluche, Jean Yanne, Pierre Desproges, l’humour se bride, l’heure n’est plus à la rigolade, aujourd’hui on juge, on sanctionne. La seule échappatoire des comiques reste le ricanement. Écoutez la radio, regardez la télé, vous verrez tout le monde ricane. C’est sinistre.

Cette photo était faite en 1968 pour le journal « LUI, le magazine de l’homme moderne ». Désormais la voilà bien tristouille la modernité. Non mesdames, il n’y avait aucun mépris dans cette photographie, ce n’était qu’une illustration un peu primaire de sa chanson « J’aime les filles ! ». Et celles qui posaient ce jour-là étaient très contentes, elles s’amusaient comme nous, avec nous, il n’y avait aucun geste salace et nous n’y touchions pas. D’ailleurs ce soir-là je m’en souviens très bien, nous avions fini par dîner Jacques et moi, seuls dans un restaurant indien. Hélas désormais une image comme celle-là ferait scandale.

Drôle d’époque où certains peuvent placarder « Mort au président ! » sur internet sans que ça n’ait l’air de choquer grand monde. Pauvre France dirigée par Facebook, ce déversoir de bêtise, de vulgarité, de haine. Paradis des délateurs planqués derrière l’anonymat des lâches. Pendant la dernière guerre on les appelait « corbeaux », ceux-là qui dénonçaient des enfants réfugiés dans des caves, un temps ou le jaune ornait les étoiles. Dieu merci, en 1940 internet n’existait pas, sans quoi vous pouviez compter sur eux, il n’y aurait plus aujourd’hui un seul juif de vivant sur terre.

Tout compte fait, je suis content d’être vieux. Et vive la nostalgie. 

Quelle chance ce fut d’être jeune dans les années 60…

Jean-Marie Périer

20 Déc

CIEL ! J’OUBLIE LES NOMS !

L’actualité étant trop triste, je ne me sens pas de la commenter. Pour Noel rions un peu !

N’allez pas croire que c’est dû à mon âge avancé, depuis toujours, j’oublie les noms. C’est pourquoi j’évite les soirées, les dîners huppés, toute sortie dans le grand monde. C’est un travers sournois caché dans un coin de mon cerveau qui a pour effet permanent de reconnaître les gens sans pouvoir les nommer. À part mes enfants et ma soeur, tous ces visages croisés, mes amis, des connaissances, des associés, voire des gens que j’aime tendrement, perdent instantanément toute identité à la seconde où je suis tenu de faire les présentations. 

Moi-même le matin, quand je passe devant un miroir, je ne suis pas loin de me demander comment s’appelle ce charmant garçon. Alors en ville, vous imaginez ?

Au moment de présenter quelqu’un un grand trou dans l’estomac me cloue sur place, un vrai hérisson pris dans des phares. Remarquez je connais tous les trucs pour dissimuler ma confusion. Un petit rire suivi de: « Vous vous connaissez, bien sûr » ou « Je ne vous présente pas, ah ah ah… » ou encore « Mon ami, voici mon ami ! » Et si rien ne me vient je prétexte une subite mise en demeure de ma vessie m’obligeant à quitter la pièce illico, ou bien je disparais au plus vite: « Ciel qu’ai-je fait de mon téléphone ? ». C’est un vrai cauchemar. 

Car ne vous y trompez pas, les gens se vexent à mort si vous ne les reconnaissez pas. C’est même le secret du succès dans l’univers du business, des carrières énormes ont été basées sur l’aptitude à se souvenir des noms. Mais tout le monde ne peut pas être président de la république suivi d’un sbire dont l’unique fonction consiste à lui glisser subrepticement les noms de ceux qu’il croise. 

Ca ne vous est jamais arrivé de tomber sur des gens qui vous agrippent le bras sans vous lâcher  des yeux ? « Vous souvenez ? À Lille il y a trois ans ? Vous promeniez votre chienne … » Allez lui expliquer que je promène ma chienne trois fois par jour et que je ne suis pas allé à Lille depuis six ans… Pourquoi les gens ne portent-ils pas un tee-shirt avec leur nom gravé dessus ?

Dieu merci je ne suis pas le seul dans mon cas. Il y en a plein d’autres souffrant du même défaut, ceux-là je les repère vite. Si en plus vous avez fait l’erreur de passer votre tête dans le poste, le problème est multiplié pas dix. Combien de fois dans les rues je croise le sourire d’une personne cherchant mon nom en se demandant sur quelle chaîne je présente la météo ? 

Et si elle m’aborde, elle ne peut s’empêcher de me lancer la phrase qui rend humble, celle qui vous remet à votre place, la phrase qui tue: 

« Vous êtes connu vous ! Vous êtes qui ? » 

Parfois la vie a vraiment le sens de l’humour.

Jean Marie Périer

02 Oct

Tristesse.

Charles Aznavour. Je me souviens de la première fois que je l’ai vu, je ne le connaissais pas encore. J’avais 15 ans, il passait à l’Olympia et il chantait « Je me voyais déjà ». À la fin de la chanson la scène était plongée dans le noir et il tournait le dos au public. Puis une rampe de lumière s’allumait au fond, face à nous, et par la magie de cette mise en scène, le public, tous ces gens qui, dans la salle, avaient payé leur place, se retrouvaient subitement et pour un court instant dans la situation de l’artiste. Nous étions tous avec lui sur une scène imaginaire. Il nous faisait le cadeau de nous inviter à être à sa place.

Ce fut mon premier choc au « Music hall ». Plus tard j’eus la chance de le rencontrer et de faire partie de ses amis.

Je n’oublierai jamais qu’il fut le premier à croire en Johnny Hallyday. 

Le jour de la « générale » de Raymond Devos à l’Alhambra, Jojo faisait la première partie. Tout le gratin du spectacle était dans la salle. Les plus grandes « vedettes » de la chanson étaient présentes et ils se moquèrent allègrement de Johnny et de sa gestuelle qui tranchait avec les codes de l’époque. En le sifflant, tous ces privilégiés ne réalisaient pas qu’il représentait déjà l’avenir. Le seul qui prit partie pour lui fut Charles Aznavour. Il l’invita chez lui, il lui donna des conseils et lui écrit aussitôt des chansons. 

« Retiens la nuit » est mon premier contact avec Johnny. J’ai entendu cette chanson à Oran durant mon service militaire et j’étais loin de me douter qu’elle était de Charles Aznavour.

Je suis, comme beaucoup, anéanti par cette disparition, c’était un type bien. On se voyait pour déjeuner deux fois par an, chez lui ou en Arles.

Il était mon ami.

Qu’est-ce qu’ils ont tous à mourir. Je commence à me sentir seul. Tristesse. 

Jean Marie Perier 

30 Août

LES BEAUX CLOCHERS DES ÉGLISES DE NOS CAMPAGNES !

Photo Jean-Marie Périer.

N’ayant jamais été un fanatique de la calotte, je dois néanmoins vous avouer que cet homme-là me plaisait bien. J’imagine sa réaction aujourd’hui face au drame des migrants et des sans-abris. Franchement sa colère manque. Ils les auraient utilisés à fond lui, les réseaux « asociaux ».

Je ne vois pas le rapport entre un homme pareil et les haut-gradés du Vatican ? Trop occupés qu’ils sont à étouffer les scandales des prêtres pédophiles ou à interdire la contraception aux femmes africaines, ceux-là oublient apparemment leur fonction première, à savoir aider venir en aide aux démunis.

Mes différentes activités me conduisent à sillonner la France à longueur d’année. Les villages ou les villes moyennes qui meurent ne sont pas les seules, il y a aussi les églises. Combien de ces chapelles attendant une messe illusoire derrière des portes cadenassées ? Combien de panneaux réclamant une restauration qui ne viendra pas ? Combien de jardins de curés abandonnés ? Que font donc le Vatican et l’État français de ces innombrables bâtiments censés protéger les âmes des démunis ? Pourquoi ne pas transformer ces havres d’une paix d’un autre âge en logements sociaux au lieu d’entasser les familles dans des cités surpeuplées ?

Quant aux migrants que l’on parque dans des containers en tôle ondulée, vous l’imaginez le quotidien dans une boîte à sardines par +30 ou -5 degrés ? Ne serait-il pas plus « catholique » de transformer ces merveilleuses bâtisses en logements pour ceux qui n’ont rien ?

J’aime beaucoup le soleil, c’est dans mes gènes. Il parait néanmoins urgent de cesser d’ignorer les prédictions de tous les Nicolas Hulot du monde. Le départ de ce dernier aura au moins eu pour avantage d’être un marqueur de ce qui nous attend. Or nous n’en sommes qu’aux prémices. On n’a encore rien vu.   

Que ferons-nous quand le sommet du Mont-Blanc ressemblera au crâne de Zidane et que la montée du niveau des mers inondera des villes, des iles, des continents ? Quel autre choix auront les centaines de milliers de réfugiés climatiques que de s’exiler vers des pays plus chanceux ? (Remarquez, l’idée de New York avec de l’eau recouvrant la 5eme avenue, je n’en suis pas fier, mais ça me fait marrer. Vous les voyez les « traders » en cravate pagayant dans des barquettes ?)

Alors que partout sur la planète, ces murs d’une épaisseur insensible au froid et à la chaleur construits par des ouvriers de génie feraient des refuges parfaits pour tous les sans-abris.

Vous verrez, tôt ou tard les églises seront toutes à vendre. Méfiez-vous, à New York, à Londres, à Bruxelles, ils les transforment déjà en boîte de nuit. Je trouve ça très bien d’ailleurs, quitte à prier, autant que ce soit pour le plaisir de la musique.

Mais leur fonction première n’était-elle pas plus proche des élans du cœur d’un Abbé Pierre ? « Ah mais ça coûte des ronds », vous diront les énarques de Bercy. Parce que construire des logements sociaux c’est gratuit ?

Oui je sais, je mélange tout. C’est pour mieux vous faire partager ma honte et ma hantise de l’avenir que nous laisserons à nos enfants. À la vue de tous ces clochers, dont la seule fonction est aujourd’hui d’orner les paysages, je fais le rêve chimérique de familles vivant décemment. Ça m’aiderait sans doute à être enfin fier de cette éducation catholique qu’on m’inculqua dans mon enfance sans même m’avoir demandé mon avis.

Mais bon, pour nous tout va bien non ? Il aura enfin fait beau tout l’été, pour une fois les juillettistes n’en voudront pas aux aoutiens. Demain septembre, enfin les choses sérieuses nous attendent, la cueillette des champignons par exemple. N’est-ce pas ?…

Jean-Marie Perier

PS : Article publié dans « Le Villefranchois ».

25 Juil

Les mouches sont de retour.

Vous verrez qu’un jour, après le grand réchauffement climatique, découragé, l’été décidera de ressembler à l’hiver.

 

Faut-il qu’elle soit aux abois la sphère médiatique pour accepter de souffler sur les braises d’un scandale monté de toutes pièces par ceux-là qui n’ont d’autre occupation que de se lever le matin pour dire « NON », pour être systématiquement « contre ». 

Cinquante ans que j’entends les mêmes âneries proférées par les mouches de droite comme de gauche. De vraies machines à cafés ces gens-là. Vous appuyez sur le bouton et ils vous sortent la bouillie dogmatique de leur petit club. Et on tend les micros à des individus qui ont fait preuve d’une affligeante nullité, les uns voulant remettre les migrants à la mer, les autres rêvant de faire gober à la jeunesse que l’avenir appartient aux thèses obsolètes de Mr Chavez, tout ça proféré dans le confort d’appartements parisiens. Car il est assez étrange de constater que ces assoiffés de pouvoir se réveillent par hasard au moment où il s’agit d’opérer la réforme constitutionnelle, celle-là même qui risque de remettre en cause leurs petits avantages. 

Surtout ne changeons rien. Continuons comme ça et on finira bien par l’avoir notre Trump à nous, avec les couettes en plus, vous verrez. Alors dans les manifs des indignés du jour on assistera à un beau mélange, poings levés post-soixante-huitards, tee-shirts « Che Guevara » délavés, slogans de grèves perlées mortifères, et aussi cortèges de landaus anti-mariage pour tous, rêveurs d’un 4eme Reich revisité, la haine « des riches », des étrangers, des juifs, la haine tout court. 

Ils le regretterons le petit Macron et ses ambitions peut-être imparfaites mais auxquelles il fallait donner du temps. Ils le savent bien les Tartuffes de l’assemblée qu’au moins trois ans sont nécessaires pour voir les résultats d’une loi. 

Croyez-moi, si je soutiens le président, ce n’est pas par exaltation béate ou quelconque fièvre politicarde, mais il se trouve que je voyage beaucoup en France et entre l’agressivité des villes et les villages qui se meurent, il me semble urgent de lutter contre cette manie d’une administration pléthorique, empêtrée de mille-feuilles inutiles, de gens seulement occupés à faire des discours pendant que les infirmières, les pompiers, les ramasseurs d’ordures, se tuent à perdre leur vie pour pas un rond. Il est urgent que le pays avance, que les choses évoluent. 

Ensuite, avec son langage châtié et insoumis aux modes, contrairement à ce que l’on dit, ce jeune chef d’État ne semble pas prêt à tout pour séduire les foules. Les sondages sont mauvais ? Tant mieux, je me méfie toujours d’un président trop populaire. 

De Gaulle, Pompidou ou Mitterrand n’étaient pas les champions de la séduction facile. Dieu sait si Jacques Chirac plaisait aux français, mais fut-il vraiment efficace ?

Et de toute façon Emmanuel Macron a été élu. Point !

Jamais, durant son quinquennat, je n’ai dit publiquement un mot contre François Hollande, lequel n’était pourtant vraiment pas ma tasse de thé. Mais on l’avait mis au pouvoir, donc je me taisais. 

Hors de question que l’actuel président aille répondre aux questions des excités du parlement, il a des choses plus sérieuses à faire qu’offrir un petit moment de gloire au JT du 20 heures à des trublions de service. 

Au fond, je réalise que si je suis pour la démocratie au moment du vote, après j’aurais tendance à pencher vers la dictature pendant le quinquennat. Aussi je vous en prie Monsieur Edouard Philippe, faites nous chauffer le 49/3, obligez les lois à passer en force, faites-les rouler à 60 à l’heure s’il le faut. 

Et si les gens ne sont pas contents, eh bien ils voteront autrement la prochaine fois. 

Ce bourdonnement des inutiles ne mènent qu’à un seul résultat: la France plonge et la planète se meure. 

Alors allez-y les mouches, continuez comme ça et elle finira par vous tomber sur la tronche la guerre mondiale, vous verrez ça ne ressemblera pas du tout à du cinéma.

Le général de Gaulle, dont tout le monde se réclame, avait pour habitude de dire que les français sont des veaux. 

Ce n’était pas très amical pour les veaux.

Je vais encore me faire des amis…

Jean Marie Périer 

PS: Pardonnez ce coup de blues mais ces gesticulations stériles me mettent le moral en flaque.

12 Mai

Bonjour l’oubli !

À dix kilomètres de chez moi, dans un tout petit cimetière au milieu de la belle campagne du Lot, repose Françoise Sagan. J’ai eu la chance de la côtoyer parfois au cours de soirées mémorables dans les années 60 et 70 et de la photographier juste avant l’an deux-mille. 

Aussi le spectacle de cette tombe délaissée m’a serré le coeur.

Sur la pierre on peut lire le nom de Robert Westhoff, son dernier mari. Peggy Roche, sa plus fidèle amie dort aussi à ses côtés mais son nom n’est pas inscrit sur la stèle.

Quelques admirateurs bien intentionnés ont posé sur la pierre moisie d’humidité un bloc de verre taillé, une voiture miniature jaune représentant sa passion de la vitesse, une sculpture « moderne », deux foulards solidifiés par le temps, deux fleurs en céramique, un mégot symbolisant ses addictions et une plaque de roulette de casino témoin de son mépris de l’argent.

C’est gentil mais un peu court, il me semble, pour une des seules femmes de lettres à avoir influencé le 20eme siècle. Cette personne si rare dont la désinvolture annonçait avant tout le monde une insolence que plus tard les jeunes Rolling Stones penseront inventer. Que reste-t-il ? Ses livres bien sûr, quelques photos et les souvenirs d’amis anciens qui ne tarderont pas à la rejoindre. 

Ne mérite-t-elle pas mieux ?

Je vois déjà l’aimable lecteur prêt à me réprimander: « Pourquoi râler mon grand, tu n’as qu’à t’en occuper ! ». Eh bien figurez-vous que je me suis renseigné et la loi ne permet qu’aux gens de la famille de toucher à une sépulture. On a seulement droit d’apporter des fleurs. D’accord mais moi les roses qui meurent ça me fout le cafard. J’aimerais la nettoyer cette tombe, l’arranger, la reconstruire. Mais voilà, ça c’est interdit. 

Je me console en imaginant que de toute façon, là où elle est, Françoise s’en fout sûrement. Et en plus comme je ne croit à rien,  je pense qu’elle n’est nulle part si ce n’est dans nos pensées. Donc… 

01 Mai

1er jour du beau mois de Mai.

Cerise et sa fille Hortense: « Et pendant ce temps-là, nous on bosse !

1er Mai. Que la fête du travail soit un jour où on ne fout rien m’a toujours étonné. Pourquoi ne pas avoir l’honnêteté de reconnaître que c’est une journée destinée à faire l’éloge de la paresse, ce qui à mon avis est tout aussi estimable. Celle-ci étant le luxe ultime réservé au club des courageux, de ceux qui savent que si ne rien faire est à la portée de n’importe qui, FAIRE RIEN est réservé à l’élite. Celle des inutiles, des dilettantes dans mon genre et autres nostalgiques d’un monde oublié, de ceux-là qui appartiennent au siècle dernier, surtout à ses débuts, autrement dit, mon monde à moi. (Discours de petit bourgeois. Oui et alors ? Ne comptez pas sur moi pour vous la jouer Che Guevara sur le tee-shirt et poing tendu vers les nuages. ) 

Comme d’habitude les syndicats vont organiser des manifestations en rêvant d’une convergence de luttes aussi respectables qu’illusoires puisque en fin de compte leur seul dénominateur commun est une haine chronique de la mondialisation.

Je suis entièrement d’accord, mais détester la mondialisation c’est comme haïr la grippe. Moi non plus je n’aime pas avoir le nez qui coule, mais ce n’est pas ma faute si la population de la planète a augmenté de sept fois depuis le jour de ma naissance. Enfin un peu quand même puisque j’ai le bonheur d’avoir trois enfants…

Et comme toujours les gazettes vont glorifier Mai 68 dans l’espoir de vendre autant de papier que ceux qui, il y a cinquante ans, ont inventé la première révolution sponsorisée par les médias. Car en tête, c’est bien Europe No 1 qui à l’époque a secoué la France en annonçant tous les quarts d’heure que Paris était en feu alors que seulement cinq ou six rues du quartier Latin se battaient contre les CRS. Je le sais, j’étais là, enfin je buvais des coups chez Castel, mais quand même, j’allais voir. C’était assez joyeux, il y avait de la poésie sur les murs, des étudiants sincères, des jeunes futurs ministres débraillés rêvant de Robespierre, des bons à rien côtoyant des filles prêtes à tout, des ouvriers désespérés en quête d’un espoir déçu d’avance. 

Moi, le petit chanceux des années 60, je rêvais de rencontrer Cohn-Bendit, le seul dont je comprenais le discours. Alors pour la première fois de ma vie j’ai pénétré timidement dans la Sorbonne, il devait parler ce soir-là. Très impressionné, je me suis retrouvé dans un amphithéâtre rempli à ras bord, assis à côté de deux ouvriers, des égarés comme moi, mais qui eux avaient de vraies raisons d’être là. 

À deux heures du matin, Cohn-Bendit n’étant pas venu, lorsque le type à ma droite s’est tourné vers son voisin en disant: « Ils sont bien gentils, mais ça ne nous donnera pas notre pain demain ! » Notre pain ! La honte m’a pris. J’étais là en touriste, j’avais quand même une Mustang AC Cobra garée à cinq cent mètres, ma place n’était pas ici. En sortant, sur un mur de la Sorbonne j’ai vu un slogan de huit mètres de long proclamant: « Si je suis entré ici, c’est par la force des baïonnettes et je n’en ressortirai que lorsqu’on m’aura rendu mon imperméable ! » J’étais sauvé, j’en avais vu suffisamment.

Je suis donc parti pour Rome, Brigitte Bardot s’y ennuyait seule dans une grande maison à la campagne. Par chance la plus belle femme du monde était une amie, et en tout bien tout honneur, à coup de promenades sur la via Appia et de dîners aux chandelles, elle m’a fait cadeau du plus joli Mai 68 qu’on puisse imaginer. 

À l’heure où j’écris je ne n’ai toujours pas rencontré Cohn-Bendit, c’est mon seul regret car ses théories d’aujourd’hui me plaisent toujours autant.

Comme d’habitude Paris pensait être le centre du monde alors que ces mouvements avaient déjà commencé partout sur la planète. Une révolution sans mort, ce devrait être notre seule fierté.

Aujourd’hui, messieurs Martinez et consorts vont tenter de rejouer la pièce, la France va creuser un peu plus sa dette et les journaux vont souffler sur la braise en ramant à contre-courant de leur déclin. 

Et pendant ce temps-là les chinois travaillent dans un pays fier d’offrir à son peuple une moyenne de 17 jours de vacances par an. 

Courage Président Macron, ne lâchez pas la barre, la route sera longue.

08 Avr

Arrêtez le massacre !

S’il y a un ciel et que Johnny nous regarde, il doit être déçu.

Le déluge de vulgarité déversé par les médias sur cette sinistre affaire d’héritage est en train d’abimer les souvenirs de milliers de gens. Tout au long de sa vie Johnny n’aura travaillé qu’à une seule chose, leur en donner pour leur pognon lorsqu’il était sur scène. Peut-être n’était-il bon qu’à cela mais il le faisait bien. D’accord, il n’était sans doute pas un père idéal, sûrement pas un mari modèle, quant à son amitié, elle était à géométrie variable selon le hasard des rencontres. Acteur de sa vie pour oublier des trahisons lointaines, il ne vivait que dans le regard des autres. Oserai-je dire que seul il n’avait pas d’existence ? J’ai toujours pensé qu’une nuit de solitude pouvait le tuer.

L’éventail de ses amis était un peu trop large. Des vrais, des sincères, il en aura sans doute eu quelques-uns, mais pour combien de courtisans, d’envieux et de profiteurs en tous genres ? Depuis 1962, vous n’imaginez pas le nombre incalculable de gens que j’ai vu déclarer être son « frère », ça lui aurait fait une putain de famille nombreuse au Jojo. Je n’ai jamais été son frère, et étais-je son ami ? Ce dont je suis certain c’est que j’avais pour lui de l’estime et de la tendresse et tout au long de sa vie il m’a montré qu’il me le rendait bien. C’était largement suffisant. Ami est un mot bien trop galvaudé dans cet univers-là, je n’y crois plus guère depuis longtemps.

Lorsqu’un type capable d’enflammer un stade de vingt-mille personnes sort de scène, on ne peut pas lui présenter la note de gaz et lui demander d’aller chercher le petit le lendemain à l’école. Ça ne marche pas comme ça. Certains y arrivent peut-être, mais ils ne sont pas Johnny. Il n’y en avait qu’un comme lui dans la chanson française, de même il n’y a qu’un Depardieu au cinéma et un Elvis Presley dans le rock des années 50. Ces gens-là il faut les prendre comme ils sont et ne jamais retourner le tableau pour chercher la vérité, on ne veut pas la savoir, il ne faut pas briser les rêves des gens.

Ce que je lis, ce que j’entends depuis quelques jours me révulse. Comment peut-on atteindre un tel degré de vulgarité pour évoquer publiquement sa faiblesse physique des derniers jours ? Donner de lui une image dégradante signifie cracher à la figure de tous les gens dont la vie fut embellie par les chansons et le personnage qu’il s’était inventé. C’est une minable trahison.

L’évènement à la Madeleine était certes impressionnant, cependant il ne m’a pas vraiment plu. Pourquoi lui organiser une cérémonie digne de Simone Veil ? Johnny n’avait rien à voir avec cette grande dame. C’était un petit belge devenu français qui rêvait d’Amérique et qui finit par devenir le plus grand rockeur du pays. On aurait dû confier son cercueil aux motards pour descendre les Champs-Élysées afin qu’ils le posent sur la scène de la place de la Concorde. Là ses musiciens auraient joué ses chansons et les gens auraient chanté pendant trois heures. Car dans les rues ce matin-là il y avaient ses meilleurs amis, à savoir la foule désintéressée de ceux qui, sans rien attendre en retour, l’avaient toujours accepté pour ce qu’il leur donnait.

Alors messieurs et dames des médias, arrêtez le massacre.

Cette histoire d’héritage ne nous regarde pas.

 

Jean-Marie Perier

 

PS : Rien que la semaine dernière j’ai reçu des propositions pour participer à deux documentaires de 52 minutes sur « L’héritage de Johnny ». Je n’en veux pas à ces journalistes, ils répondent à une demande des chaînes, mais qu’ils me pardonnent de décliner l’invitation. J’essaie d’éviter de parler de cette histoire. En plus, ces interviews de 45 minutes dont vous gardez trois phrases, je préfère passer. N’ayez aucune inquiétude, il y a suffisamment de gens prêts à tout pour montrer leur tête dans le poste, vous ne manquerez pas de clients. Mais l’idée de me retrouver au milieu de « spécialistes de la chanson française » ou « d’amis » évoquant un Johnny qu’ils connaissaient à peine et qui racontent les années 60 alors qu’ils étaient encore en classe, merci j’ai déjà donné.