À dix kilomètres de chez moi, dans un tout petit cimetière au milieu de la belle campagne du Lot, repose Françoise Sagan. J’ai eu la chance de la côtoyer parfois au cours de soirées mémorables dans les années 60 et 70 et de la photographier juste avant l’an deux-mille.
Aussi le spectacle de cette tombe délaissée m’a serré le coeur.
Sur la pierre on peut lire le nom de Robert Westhoff, son dernier mari. Peggy Roche, sa plus fidèle amie dort aussi à ses côtés mais son nom n’est pas inscrit sur la stèle.
Quelques admirateurs bien intentionnés ont posé sur la pierre moisie d’humidité un bloc de verre taillé, une voiture miniature jaune représentant sa passion de la vitesse, une sculpture « moderne », deux foulards solidifiés par le temps, deux fleurs en céramique, un mégot symbolisant ses addictions et une plaque de roulette de casino témoin de son mépris de l’argent.
C’est gentil mais un peu court, il me semble, pour une des seules femmes de lettres à avoir influencé le 20eme siècle. Cette personne si rare dont la désinvolture annonçait avant tout le monde une insolence que plus tard les jeunes Rolling Stones penseront inventer. Que reste-t-il ? Ses livres bien sûr, quelques photos et les souvenirs d’amis anciens qui ne tarderont pas à la rejoindre.
Ne mérite-t-elle pas mieux ?
Je vois déjà l’aimable lecteur prêt à me réprimander: « Pourquoi râler mon grand, tu n’as qu’à t’en occuper ! ». Eh bien figurez-vous que je me suis renseigné et la loi ne permet qu’aux gens de la famille de toucher à une sépulture. On a seulement droit d’apporter des fleurs. D’accord mais moi les roses qui meurent ça me fout le cafard. J’aimerais la nettoyer cette tombe, l’arranger, la reconstruire. Mais voilà, ça c’est interdit.
Je me console en imaginant que de toute façon, là où elle est, Françoise s’en fout sûrement. Et en plus comme je ne croit à rien, je pense qu’elle n’est nulle part si ce n’est dans nos pensées. Donc…