Vincent Lindon, Jean-Marie Périer et Jacques Dutronc.
Bon d’accord, le déjeuner avait été un peu arrosé, et nous devions faire des photos. Là-dessus Jacques me colle une perruque sur la tête en disant : « Oui mais d’abord on en fait une avec toi ». Et voilà comment on ruine des années d’étude devant le miroir juste pour faire marrer un pote.
Ces deux-là m’ont toujours plu car contrairement à la faune dite artistique, ils sont enclins à la discrétion. Qualité très rare dans le microcosme parisien où vous ne pouvez pas croiser quelqu’un sans qu’il vous détaille le film qu’il est en train de monter ou le livre qu’il s’apprête à sortir. À peine assis, il vous éclabousse de sa vie, son œuvre et ses passions, convaincu sans doute que votre existence n’a aucun intérêt.
En revanche, vous ne verrez jamais Vincent étaler ses émois dans les gazettes ou autres cirques médiatiques, quant à Jacques, il est de notoriété publique qu’il est pratiquement impossible de lui faire dire trois mots sur sa vie privée.
Vous vous souvenez de cet acteur très sympathique nommé Claude Dauphin ? Il était un des rares français à avoir réussi à faire carrière aux Etats-Unis, interprétant des seconds rôles en pagaille dans les années 50-70. Je l’avais croisé quelque fois du temps où je vivais à Los Angeles.
Rentré en France, il habitait un très bel appartement à Paris dans lequel il donnait des fêtes ressemblant étrangement à celles d’Hollywood. C’est-à-dire au moins cent personnes parlant très fort tout en se donnant de grandes tapes bruyantes dans le dos, exactement comme à Beverly Hills. Et ce, à deux pas de la Madeleine.
Un soir qu’il m’avait gentiment invité, j’aperçois, assis un peu à l’écart, un homme d’une soixantaine d’années d’une rare élégance. Costume de bonne facture juste un peu froissé comme il faut, bottines de chez Lobb, un émule de Fred Astaire. Je m’assois donc à côté de lui afin de faire connaissance. Au bout d’une heure et demie, je réalise qu’il m’a posé mille questions sur la France, mon travail, la vie à Paris, sans avoir une seule fois évoqué sa vie. N’osant pas lui demander son nom, j’allai voir Claude Dauphin afin qu’il m’éclaire sur ce personnage si courtois.
« C’est Arthur Penn ! » me dit-il. Rendez vous compte. Cet homme était un des plus grands metteurs en scène américain. « Le gaucher » avec Paul Newman , « Bonnie and Clide » avec Warren Beatty et Faye Dunaway, « Little big man » avec Dustin Hofmann, et pas une fois il n’avait parlé de lui ni évoqué un de ses films ni son incroyable parcours. J’en connais plus d’un à Saint-Germain des Prés qui devraient en prendre de la graine.
Bon, en même temps, quand je vois ma tronche sur cette photo, je me demande si je suis bien placé pour parler d’élégance…
Jean-Marie Périer