Je vous l’avoue, il m’arrive de regretter le Paris de ma jeunesse.
Du temps où l’incivilité n’avait pas encore envahi les rues, où la peur «de l’autre» ne se lisait pas dans les regards, où les discussions se faisaient bruyantes au bistrot au lieu d’être confessées à «twitter», ce monstre tentaculaire censé vous offrir des milliers d’amis, alors que si on arrive à s’en faire cinq dans une vie c’est déjà beaucoup.
Aujourd’hui dans le métro on ne voit plus que des nuques penchées sur l’écran d’un «smartphone», courbées un peu comme à la messe, mais sans Bon Dieu, ni encens, ni musique.
Au bout de dix ans d’Amérique, j’avais quitté les New-Yorkais à cause de leur obsession de la réussite sociale, aussi quelle ne fut ma surprise en revenant à Paris de ressentir une atmosphère étrange, comme une envie digne de «Pacman» de surpasser l’autre, force m’était de constater que la plupart des gens étaient gagnés par cette même maladie.
C’est pourquoi je vous présente Jacques Bonpunt, un des derniers Parisiens à me rappeler ce temps où l’hôtel du Nord n’était pas un musée.
Il tient une petite échoppe au 42 rue de Grenelle, rue que l’on devrait d’urgence rebaptiser «la rue de la pompe» attendu qu’on n’y trouve plus que des magasins de chaussures de luxe.
L’homme est une des dernières figures du quartier, son atelier semble figé dans les années 50, au temps où il gagnait sa vie en lavant les verres pour trente centimes de l’heure au club Saint Germain, le centre du monde du jazz de l’époque.
Après avoir suivi des études d’arithmétique dans le but de devenir serrurier, il va diriger une grande usine et c’est par choix qu’il abandonnera une situation enviable pour reprendre ce petit magasin appartenant à son père.
Il jure que jamais il ne se retirera : «La retraite, ce n’est pas fait pour ceux qui ont un métier, c’est à dire une passion, c’est fait pour ceux qui ont un emploi.»
Un membre de sa famille, Bertrand Bonpunt, vivait à Rodez. Il était percepteur et peintre par passion. Sa situation particulière lui permettant d’entrer partout, il en avait profité pour peindre tous les châteaux de l’Aveyron. C’est pourquoi je trouve que les Bonpunt sont un joli lien entre Paris et l’Aveyron, ma région d’adoption.
Un percepteur poète…
Vous voyez, tous les espoirs sont permis.
Jean-Marie Périer