24 Mar

PISTE/ Les pistards comtois… sous les ailes de « l’Aigle »

Aigle (Suisse), jeudi 21 mars 2013. J’avais tout d’abord prévu de vous communiquer quelques résultats sportifs propres à vous renseigner sur la hiérarchie, la position ponctuelle de chaque coureur ce jour donné d’une « Réunion » de distributions de points UCI sur la piste d’Aigle en Suisse.

Dans l’ordre : Une victoire du suisse Théry SCHIR au « SCRATCH » devant le Bisontin Morgan KNEISKY, et la 3e place d’Olivier BEER pour refermer le paragraphe de ce premier podium. Une course où l’on retrouvait également plusieurs autres Franc-Comtois habitués des lieux : Philemon MARCEL MILLET, Maxime FROIDEVAUX, Alexis NOEL et Thomas GRECO. Les mêmes coureurs de l’Amicale Cycliste Bisontine, mais dans un ordre différent à l’issue de la « COURSE AUX POINTS » de la soirée… Chez les juniors encore, et cette fois dans l’ordre établi par le chronométreur officiel : La deuxième place de Joseph BERLIN SEMON intercalé entre Rémy SERRURIER et Steeve PANNATIER. Un comtois coincé entre 2 Suisses, et j’aurais soldé l’essentiel de cette comptabilité avec la 8e place de Vincent GERARD, la 15e de Rémy JARROT, la 18e enfin pour Corentin CHARBONNET.  Pour vous dire mon intérêt pour la chose chiffrée, l’ordre numérique et le principe de grandeur posé entre les gens qu’on apprécie vraiment… Cette sorte d’arithmétique soutenue par un mode de calcul sans équivoque qui sied tellement aux pages sportives des journaux.

Voilà donc, comme je vous l’ai dit qu’il m’était d’abord passé par la tête de l’écrire ici, et pour conclure sur ce sujet de quelques classements d’importance rapportés de Suisse en Franche-Comté au petit matin du 22 mars 2013. Une heure forcément très avancée au bout d’une après-midi de transport en camion depuis Besançon pour rejoindre la partie la plus orientale du canton de Vaud, et d’une grande soirée cycliste terminée par le voyage de retour. Plus de cinq heures de route en tout pour prendre part à cet étonnant match « vélocipédique » selon le terme consacré à l’époque parisienne de la « piste de la Seine », du « stade Buffalo » ou du « vélodrome des Arts Libéraux au Champ de Mars ». Cette époque où Tristan Bernard, Toulouse Lautrec et même Émile Zola venaient applaudir des ZIMMERMAN, BOURRILLON, MORIN, et autre PIOU PIOU (Edmond JACQUELIN, né en côte d’or). « Le champion cycliste le plus populaire de tous les temps » avait écrit Pascal Sergent dans un ouvrage qu’il lui avait entièrement consacré. Edmond JACQUELIN dit aussi « le boulanger » pour le pétrin duquel le vélo l’avait sorti, débarqué sans le sou de son village de Santenay sans savoir encore qu’il pétrirait le cœur des foules de son incroyable coup de pédale pendant plus de vingt ans. Le Bourguignon, champion du monde de vitesse en… 1900 ; recordman du monde du kilomètre départ lancé sans entraîneur en 1’13 » (les connaisseurs apprécieront l’exploit pour l’époque !) Une consécration sur piste, quelques mois avant le départ du tout premier Tour de France de l’histoire lancé au mois de juillet 1903 sous les fenêtres du « Réveil matin » à Montgeron. Juste avant que ne s’en mêlent les Petit Breton, Pélissier, Charly Gaul, Géminiani, Bobet ou Van Impe…  Pour vous rassurez sur l’état d’esprit dans lequel j’avais décidé de me mêler des hostilités ce soir là dans l’arène du centre mondial du cyclisme à quelques coups de pédales des rives bien mises du Léman. Un panthéon de héros gravés dans les mémoires de la légende des « forçats de la route ». Ce temps des « cracks », ces « démarreurs » capables de faire hurler des foules de 15 à 20 000 personnes dans les tribunes de Paris, Roubaix, Reims, Turin ou Berlin ; celles du Madison Square Garden à New-York où fut inventée cette « Américaine » dont Morgan KNEISKY s’est fait aujourd’hui une spécialité. Le coureur Bisontin et son compatriote Vivien BRISSE devenus champion du monde de l’illustre compétition d’endurance, à Minsk le 24 février 2013.

Un anneau (en pin de Sibérie indique la plaquette publicitaire) d’une longueur de 200m, et des montagnes escarpées par dessus un toit en forme de roue « Max Wheel™ »… Un bijou technique où les pistards Comtois ont pris leurs habitudes depuis qu’ils sont privés de leur propre stade détruit au début de l’année 2000 à Besançon. Une structure de rêve où les athlètes Français sont accueillis en hôtes estimés, mais si loin de chez eux !… Des coureurs de l’Amicale Bisontine, ceux de la Roue d’or de Vesoul et puis des Dijonnais… Tous en ordre de bataille derrière Pierre Yves Bordy. Le « Belge » qui prodigue ses conseils de vieux briscard sous son bonnet Festina, et une roue lenticulaire dans chaque main lorsqu’il ne conduit pas le camion avec toute la tribu de « Hobbits » endormie derrière lui. Ce Gandalf dont je vous ai déjà parlé, le gardien depuis des lustres de tous les secrets de l’anneau. Les détails du « Scratch », du « Kerin » ou de la « Course aux points ».  « Allez mon p’tit ! » répète-t-il au pied de la piste sans jamais un mot de travers. Le vieux sage est philosophe et voit tout dans la meute à l’approche des coups décisifs. « Celui là a mis trop gros, regarde comme il est collé maintenant… » L’expérience. Celle qui a fait décoller les performances de Morgan KNEISKY il y a quelques années (déjà 4 médailles mondiales), ou récemment les prouesses de Soline LAMBOLEY championne de France cadette, et Bisontine elle aussi. La piste, à peine une demie page de rendez-vous imprimés dans le calendrier fédéral qui en contient soixante la majorité dédiée à la route. Des immenses champions qui prouvent leurs talents à chaque réunion, mais sans aucuns moyens à disposition. Rien. L’artisanat le plus complet. Juste des belles paroles prononcées sur les tribunes officielles par les dirigeants du cyclisme français. En Franche-Comté c’est encore pire. Pas un traitre mot de Jean-Louis Fousseret sur le sujet qui préoccupe les pistards de la Comté le jour d’une réception organisée en l’honneur du Bisontin Champion du monde en Biélorussie le mois dernier. Un maire enroué dés lors qu’il s’agit d’évoquer le projet d’un équipement dédié au cyclisme dans la capitale comtoise, fut-ce-t-il seulement pour réparer quelques erreurs commises par ses prédécesseurs dont il est pourtant facile aujourd’hui d’estimer les dégâts. Mais est-il encore besoin de hurler ses arguments devant une école de sourds ?…

Une piste, et je vous jure que le spectacle était à son comble entre les deux virages relevés de l’anneau helvétique ce 21 mars. Des allures folles dans un vacarme vrombissant au passage du peloton écrasé dans les courbes. Quelques dizaines de machines bourdonnantes, lancées à toute berzingue sur le parquet et mues par la seule force humaine. Ce déferlement d’adrénaline au passage de la « cloche ». Des coureurs étirés sur leurs cadres en carbone, allongés de tous leurs muscles et bandés vers la ligne décisive. Les poignets du champion Bisontin dans cette position si particulière, cassée vers l’extérieur à l’avant de son guidon. Ce travail de souplesse ultime qui lui donne l’allure d’un oiseau de proie à l’instant d’un retour en force à l’arrière du groupe de tête. L’élégance d’un mouvement réglé au millimètre et dénué de la moindre oscillation afin de concentrer toute la puissance dans le seul coup de pédale. La majesté naturelle de « l’aigle » lorsqu’il fond sur sa proie. Ce jeu d’une attaque, tactique et foudroyante pour prendre de court ses adversaires déjà lancés à plus de 60 km/h au bout du dernier virage. L’image dont on se lasse pas d’un « faucon Comtois » en action, et toujours prêt à emmener les gamins de son club sous son aile…

Des matchs palpitants qui ne demanderaient qu’à retrouver leur public comme je me souviens avoir lu ces stades remplis, ces tribunes de ciment bondées lors des grands matchs de la folle époque. Ce 16 mai 1901, jeudi de l’ascension, où le monde entier semblait s’être donné rendez-vous dans l’enceinte du parc des Princes pour assister à ce qui resterait dans l’histoire comme le plus grand choc sportif du début du siècle. D’un côté Ce Piou Piou d’Edmond JACQUELIN, le Français ; de l’autre Major TAYLOR « le nègre yankee ». Une confrontation entre deux continents qui fait les choux gras de tous les journaux de l’époque. « La vie Au Grand Air », « L’Auto-Vélo », « le Figaro », « Le Français », « L’Éclair »… La presse qui enregistre alors ses meilleurs records de vente à l’endroit de ce fantastique concours de vitesse sur piste. Il fait froid ce jour là. Un désavantage dit-on pour l’illustre challenger du Français. À 14H30, le coup de revolver lance la première manche. Le silence dans l’arène n’a d’égal que l’émotion indescriptible qui règne sur l’immense stade parisien découvert. Les deux coureurs les meilleurs du monde au coude à coude, roue dans roue dans les deux cents derniers mètres avant l’explosion de joie et les chapeaux jetés sur la piste. « Le Boulanger », de peu, mais premier au poteau, comme JACQUELIN remportera aussi la deuxième manche et entrera pour toujours dans la légende.

PHOTOS © 2013 JL Gantner

Un « Scratch », un « Kerin » et une « Course aux points » plus tard, Toute la petite bande de guerriers de la piste s’est rassise dans le camion jaune derrière son pilote. Le « Belge » toujours fidèle au poste malgré cet horaire professionnel peu académique. Aux côtés de Morgan KNEISKY : NOEL, GRECO, FROIDEVAUX,  MARCEL-MILLET,   BERLIN-SEMON, GERARD, JARROT, CHARBONNET. Leurs projets de leçons à réviser pour le lendemain les uns au lycée, les autres à la Fac. Toute une saison de route qui commence aussi, et ce doux rêve enfoui d’avoir un jour la possibilité de réussir à s’entrainer chez eux sans avoir à se taper des milliers de kilomètres en camion.
(Texte et photographies) JL Gantner