29 Juin

LA SUITE DES AVENTURES DE « JOHN THE RIDER » / 2

Un profil parfait pour viser le bol de glaçons dans le réfrigérateur

C’était presque le soir. Après une journée caniculaire et quelques heures de boulot un peu laborieuses au sein d’une station « météo » régionale télévisée… (la fabrication d’une grande enquête filmée sur le climat de la journée suite au même temps qu’il avait fait la veille et celui qu’il allait faire encore le lendemain… Un grand reportage en trois épisodes de trente secondes chacun, sur le degré d’hygrométrie mesuré dans les cerveaux respectivement « rincés » puis « cramés » des spectateurs de ma chaine préférée. Bon, passons !)

John « the rider »/ PHOTO © JL Gantner

J’hésitais entre mettre tout à droite pour redescendre les pentes du Lomont à pleine vitesse après un chrono contre le vent depuis Besançon, ou bien tout à gauche pour me hisser encore un peu plus haut, juste au dessus d’une paire de pensées qui me taraudaient l’esprit depuis la fin de l’hiver. Cette question par exemple… fondamentale… de savoir si l’on pouvait conjuguer le partage d’une bonne bouteille de rosé entre amis après une grande virée à vélo à l’impératif présent. heuh !!! : « Débouche donc la bouteille qu’on la boive ! »… Bein quoi ?!… C’est pas de l’impératif présent ça ? Bref ! J’avais alors choisi de filer dans le sens de cette notion élémentaire de grammaire par la voie du chemin le plus court dans la perspective de ne pas finir la journée les lèvres toutes gercées. Un profil parfait pour viser le bol de glaçons dans le réfrigérateur avant que tout ne finisse par me fondre sous le nez (mon record sur Strava, et la bouteille de Bandol). C’est comme ça ! Y’a des jours où on préfère foncer droit dans le tas de glace sans se poser de questions, au lieu de pédaler à poil dans la cheminée en essayant de retenir par cœur ses règles de français. Raymond, remets donc une tournée à la bande de pédaleurs qui me colle au train depuis qu’on a ouvert le Bescherelle à la page des assoiffés du Tourmalet !

ALI BABA ET LES 40 TRICHEURS…
Tiens ! en parlant de Tourmalet… Pas loin d’où je vous cause de ce cas de conscience qui m’est tombé dessus, au moment de choisir mon développement pour franchir le col de la Ferrière ou bien de tailler à tombeau ouvert en direction de Cusance et de Baume-les-Dames… Oui… à ce moment là précis où ce baroudeur de Bernard Mougey terminait son Tour de France en solitaire après 30 jours d’effort insensé. 5000 km d’une incroyable aventure humaine autour d’un hexagone qui s’était plié en six pour lui mettre des bâtons dans les roues autant qu’il pouvait. Il m’était passé par l’idée que je croiserais forcément une escouade de journalistes affutés et caméra au poing, fous de joie d’avoir pu rapporter la belle histoire du jour, sinon de l’année ! Quelque gars d’un grand quotidien sportif par exemple ?! mais autrement préoccupé à ce moment là dans la recherche d’une de ces extraordinaires façons d’investiguer dans les mœurs du cyclisme actuel par la voie de l’élaboration d’un catalogue de vieilleries usées jusqu’au squelette. La grande brocante des années 90. Allons-y m’ssieurs dames. Rien que de la bonne…. (L’ostie et la soutane du curé avec !)  Y’en aura pour tout le monde ! Du « d’avant », au meilleur moment du calendrier ! Du désuet ; du vieillot, de l’éculé !… Du « qui va vous en mettre plein les mirettes » le 18 juillet prochain au pied de la grande journée de l’Alpes. Du Jaja à l’EPO, de l’Ullrich et de l’Armstrong aux transfusions sanguines, et du Virenque « à l’insu de mon plein gré ! » en veux-tu, en voilà !… Une pleine liste de 40 types prêts à être jetés en pâture aux bonnes mœurs acheteuses de journaux, et à l’heure de l’apéro. Un vrai tabac en perspective même pour les non fumeurs… La grande foire estivale aux bonnes formules prêtes à l’impression.  « Ali baba et les 40 tricheurs »…  Allons-y faut surtout pas se gêner  ! « Après Ali… ils finiront tous par l’avoir dans le baba »…

UNE BELLE BÉCANE À L’ITALIENNE
Loin de là, Bernard Mougey. Le monsieur, raccordé à aucune sorte d’appareils enregistreurs médiatiques de circonstance, mais toujours arc-bouté sur son guidon de compétition alors qu’il terminait le plus beau voyage de sa vie, m’avait raconté dans les grandes lignes, son passage au sommet du col mythique. Le Tourmalet, dans la neige, vélo sur le dos et…  raquettes aux pieds. Ses difficultés à récupérer dans les étapes de montagne après une lutte à mort contre les éléments. Ce bonheur d’être allé au bout de ce truc de dingue. Toutes ces anecdotes qu’il avait rapportées dans ses yeux pétillants, et dont le public aurait pu savourer chaque détails croustillants dans les journaux du lendemain). Raymond avait débouché une autre bouteille de Bandol et rajouter des glaçons à tout le peloton sans demander l’avis de Tony qui réglait l’addition. (Tony… Le coéquipier du Johnny be good des aventures de « John the rider » dans le Blog Cycliste…  Le Tony qu’on avait oublié dans le vire-vire de la rue Soufflot à quelques centaines de mètres de l’entrée de la Sorbonne, avant qu’il ne retrouve tout seul le chemin du bar d’où on se parle maintenant. Tony, le reporter quelquefois obligé de faire le présentateur météo dans l’espoir de pouvoir se payer un jour le clou de ses rêves. Une belle bécane à l’italienne et son manche chromé Cinelli™ vissé par dessus. Le genre d’outil de compétition capable de choisir son camp entre Sartre et Camus les soirs de « Nausée » après les apéros au bistrot.

TOUTE UNE SAISON A TIRER UNE BRAQUASSE DU DIABLE !
Un beau cadre de travail pensé pour fendre ce manque d’air assommant pendant les heures de bureau. Bref ! j’avais les boyaux en coton et le guidon dans les chaussettes ce jour là. Comment vous dire mieux ? J’essayais aussi d’imaginer à quel genre de lecteur je pouvais bien avoir à faire, qui avait poursuivi sa lecture jusqu’à ce point où il commençait enfin de se rendre compte du traquenard dans lequel on l’avait trainé malgré lui. Une virée à vélo sans une goutte d’huile sur la chaine. Des kilomètres à pédaler contre le vent sur un bitume décapé à la strychnine des romans de William Burroughs ou de James Ellroy…  Une de ces compressions de clichés, sanctifiés, et gravés sur la route de nos pittoresques distractions mentales ;  une de ces vastes supercheries des corps transis sous l’autel… Tout ce joyeux bordel céleste pétrifié, sans bien savoir où tout ça nous mènerait…
C’est à ce moment là que Johnny est entré dans le champ de la caméra. Le Johnny des mauvais jours ! Le « Johnny la loose » qu’en avait pas claqué une de l’année malgré tout le cœur qu’il avait mis à l’entrainement pendant les longs mois d’hiver pourri. Toute une saison à tirer une braquasse du diable sur des faux plats et une autre encore à s’esquinter le cœur dans des bosses longues comme des cols de légende avant d’accepter de s’aligner au départ du moindre tourniquet de printemps. Un dur au mal, mais le chef de file des raseurs lorsqu’il s’agissait de ressasser pour la énième fois les huit montées victorieuses de « l’Alpes » par le hollandais Zoetemelk, ou la sombre histoire du maillot jaune perdu par Ocaña lors de sa chute terrible quatre dans un virage du col de Menté alors que le coureur espagnol avait battu Eddy Merckx dans le Puy de Dôme sur le Tour 1971… Cette étape cauchemardesque entre Revel et Luchon dans les Pyrénées…

LE JJ CALE AUTOMATIQUE DE LA RUE GRANVELLE
Le Johnny Wilkinson à cinq lames du rabâchage d’oreilles !…. et qui ne sortait jamais sans ses pompes en carbone. Le JJ Cale automatique de la rue Granvelle, mais qui préférait les disques de Kurt Cobain pour aller avec ses nuits noires à regarder défiler les bruits de couloirs sur Twitter. Kurt Cobain, Jim Morison… ou n’importe quel chanteur mort en route de dépression. Tony invita Johnny à s’asseoir devant le cubi réchauffé par les ambitions du peloton, et fit mine d’expliquer son air accablé par la faute d’un KOM paumé sur Strava. Tony, Tony ?!… Ce mec jouait dans quel film déjà ? Tony… Rominger, Tony Doyle… ou Tony… Ah oui ! Le type dont Nathalie Wood tombe raide folle dingue amoureuse sur la musique de Leonard Bernstein bien sûr !  Bon, le mec et toutes ses notes récompensées aux oscars de 1962, n’aident pas forcément à envoyer du lourd dans un final d’étape ! Mais l’idée que la belle Maria pourrait être conviée à faire la bise au vainqueur sur le car podium, si !
Une belle histoire d’amour balnéaire pour passer l’été à se lancer du sable entre les roues, au lieu de cette forme de déblatérage météorologique qui commence à me sortir par les trous de nez.
Comme cette « 100e » du Tour de France qu’on veut nous faire bouffer à toutes les sauces. « Cent cinquante emails par jour sur ma boite depuis des semaines » explose Johnny. « Tu parles d’une connerie !… (« Votre été en jaune avec les cachous Lajaunie™ par ici » ; « Bougez avec les couleurs de la Poste™ en attendant votre Tour au guichet » par là !) À force, on va finir par oublier qu’il y a quand même aussi des coureurs sous ce foutoir publicitaire… »
Il se faisait tard et Raymond n’avait plus la moindre bouteille au frais. Tony régla la note comme il avait été prévu, pendant qu’il songeait aussi à cette petite phrase de Winston Churchill : « La vie, c’est comme une bicyclette, disait l’ancien premier ministre britannique qui préférait le whisky au rosé. Il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre». A moins que ce ne fut Albert Einstein à propos du bonheur de pédaler dans les étoiles… rétorqua Marylou dans un français impeccable.   Johnny, qui aurait plutôt penché pour Raymond Poulidor… Mais on peut dire tellement de sottises après quelques verres. Allez, salut. Bravo encore à Bernard, et Bon Tour de France à tous.
JL Gantner

JOHN THE RIDER / 1

27 Mai

JOHN THE RIDER/ Dans le vire-vire du Bd Saint Michel et de la rue St Jacques

(DANS LA SÉRIE DES AVENTURES DE « JOHN THE RIDER »)

 

Tony™ actionne son dérailleur du bout des doigts pendant qu’il appuie de toutes ses forces sur ses pédales automatiques, l’une après l’autre dans un strict mouvement de coucou suisse bloqué sur midi. Tony™se défonce à la débauche d’efforts considérables dans l’optique de se calmer les nerfs et d’imaginer un monde meilleur. On fait bien du vélo pour les raisons qu’on veut non ?!

PHOTOMONTAGE © JL Gantner (d’après une photo de Luc Lhomme)

Tony™ (mais qu’on aurait pu aussi appeler Johnny…) Oui, oui… Bon, c’est d’accord. Je m’incline donc à la demande générale. Va pour Johnny alors ! Et qu’on n’y revienne surtout pas ! Johnny (Johnny comment d’ailleurs ?) Mais on ne va pas y passer la nuit non plus !.. Johnny tout court et ça ira bien comme ça ! Johnny tout court qui n’oublie jamais de tirer sur les genoux et de plier les bras même dans les pentes raides. Le truc d’un pédalage « bien rond » pour espérer remonter la concurrence sans gaspiller trop tôt ses dernières forces de persuasion… Le truc du coursier bien posé sur sa machine dont ce Johnny là, tout court… connait le refrain par cœur. Tout court… « Mais va savoir après quoi ?! » se dit le beau Johnny dans son costume jaune de champion des Champs-Elysées). Un gars qui ne mégote pas non plus sur les sujets philosophiques. Un habitué de la Sorbonne en passant par la rue Soufflot, le Bd « Saint-Miche »… et la rue des Écoles avant de remonter la rue Saint-Jacques (une virée parisienne de quelques hectomètres que « le penseur de Rodin » effectue en alternant un 39X23 dans les descentes pour tourner les jambes à la vitesse d’un lémurien au galop, avant de s’arracher tout debout sur la plaque en visant le sommet du Lycée Louis Legrand).

LE RECORDMAN DU VIRE-VIRE DE LA RUE CHAMPOLLION SUR STRAVA™
Johnny « John the rider »… Le recordman du vire-vire de la rue Champollion sur Strava™ (l’application Internet dorénavant incontournable du « monde meilleur » dont notre Johnny Begood à dérailleur électrique intégré s’est fait une spécialité parmi les syndicalistes les plus affirmés du peloton. Johnny… le « John Trumbull » d’un cyclisme moderne repeint de fond en comble façon Tour de France de 1903. Ce « Paris, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes et retour au bercail » pour faire vraiment le tour du sujet, mais en évitant scrupuleusement le moindre escarpement (Bon, oui ! Ouhhhh !!!… peut-être ?! Mais j’aurais bien voulu vous voir dans les 21 virages de « l’Alpes » avec un engin de 12 ou 13 kg au moins, monté sur un seul plateau de 50 dents. Une machine dont vous auriez pu chercher longtemps les freins encore dans les cartons à dessins le jour du départ.)

UNE ÉPREUVE HISTORIQUE REMPORTÉE AVEC LA MOUSTACHE

Une épreuve historique remportée à l’époque avec la moustache par Maurice Garin (Heu ! Qui ça ?!…) 2400 km en 6 étapes… Une bambée qui en aurait jeté plein les mirettes à ce pauv’ Tony™ abandonné dans le gruppetto dès la première mine tirée par Johnny devant l’aile Ouest du collège de France. Tony™ qui gardait le palmarès de l’édition de 1924 accroché au dessus de son lit pour tout vérifier de l’avance d’Ottavio Bottecchia lorsqu’il se réveillait en sursaut à cause d’un boyau crevé au pire moment de la course. Le Luxembourgeois Frantz à ses trousses ; ces Belges et ces Français, malgré l’abandon des frangins Pélissier entre Cherbourg et Brest… Les gros titres dans le Petit Parisien du lendemain parce qu’un reporter du nom d’Albert Londres, l’illustre correspondant de guerre et défenseur de toutes les causes perdues, faisait le boulot en signant ses papiers à la rubrique des « forçats de la route ».

UNE AFFAIRE DE BAGNE DANS LE TOURMALET
Une affaire de bagne dans le Tourmalet au lieu des belles causeries humanistes sur les banquettes du Flore. Plus de 5000 bornes courus en 15 manches de 300 à près de 500 kilomètres chacune ! Depuis l’université de Besançon, Fred Grappe et Julien Pinot avaient tout recalculé dans les moindres détails convertis en puissances moyennes. (Où l’on aurait pu aisément confirmer qu’on ne buvait pas que du chocolat au bistrot de la gare de Coutances où les vedettes françaises racontaient leurs déboires avec l’administration officielle au soir de la 3e étape pour une histoire de maillots doublés… Pour vous dire les suées de Tony sous ses draps, et vous raconter la fanfare au balcon lors du retour des damnés à Paris après 30 jours à planter des croix de bois sur le pourtour exact de l’hexagone. « Bon tu dors où tu prends ton tour ?! » lança Johnny après s’être secoué le coude plus de dix fois en tête de la meute sans réaction d’aucun de ses coéquipiers. Tony, à bloc dans la roue de son John Reed des « 6 » jours qui ébranlèrent le monde du sprint, mais avec l’entrée du panthéon dans le dos…

TONY DANS WEST SIDE STORY

Tony… dans West side story, avant d’appuyer sur les freins devant le Reflet Médicis et avec la musique de Léonard Bernstein sous le casque pour essayer de faire craquer Nathalie Wood avant la fin de la séance. De quoi pouvoir enfin dérouler tranquillement jusqu’à la Seine de fin les yeux enveloppés dans l’alchimie d’une mixture d’endorphines amoureuses ! Tony et son côté : je pédale dans le Flamby™ depuis deux tours des studios sans réussir à reprendre mon souffle sur les photos. « Oh John ! Coupe un peu. T’es pas encore à Porto-Vecchio là ! » mais John s’en fout. John baisse la tête et serre les poignées de son guidon en arrachant les pavés de la rue Soufflot sous le coup d’une accélération redoutable pour larguer la concurrence avant le passage de la flamme rouge. Tony s’effondre littéralement devant la porte d’entrée de chez Gibert. La librairie où le petit Godard du cintre coudé entre à bout de souffle dans une posture Hitchcockienne pour acheter en solde « la vie des martyrs de G. Duhamel. Une façon comme une autre de considérer « le monde meilleur » dont on parlait tout à l’heure, mais Londres aurait adoré ! JLG