25 Oct

« Et au milieu coule une rivière »

Je crois que j’écoutais Imogen Heap « Have you got it in you ». L’air filait de chaque côté de mes roues. Un air frais, bleu et salé. La lumière, ivre des derniers rayons de l’été. La Loue avait retrouvé son calme après ce début de mois d’octobre très encombré médiatiquement. Comme « des ivrognes en excursion » disait Joyce. « Dégobillant par dessus bord pour donner à manger aux poissons. Nauséeux ». Une aire médiatique de compression. Abrégée, raccourcie, réduite, amoindrie … Une aire de l’information synthétique, syncrétique. Une aire d’agrégateurs artificiels, sans hommes, sans femmes, sans ivrognes, sans poissons, sans odeur, sans gout sans rien ! Ce nouvel ordre des communions essentielles entre nous en forme de tapage permanent. Un vacarme jetable effrayant. Le commerce d’un ennui mortel programmé sur nos écrans connectés à la multitude consentante. Mais Johnny s’était barré à temps. John venait d’accumuler quelques 30 bornes le nez dans le guidon sans penser une seule fois à cette terre nouvelle en forme de courge ogéèmisée. Le nouveau paradis des coloquintes transformées en potimarrons comestibles, comme on fait aussi pousser des hamburgers aux branches et des lasagnes sous les sabots des chevaux. C’était quand même chouette la télé non ?!

La route de Mouthier-Haute-Pierre en passant par Ornans et Lods juste après Vuillafans. Une trajectoire sélective surgissant d’un glissement de doigts sur une partoche de Brahms. L’indigestion de caméras passée, ce furent plutôt les parfums de noix et de pommes gâtées qui saturèrent l’asphalte à l’heure du changement d’heure obligatoire. Ouais c’est ça, passe moi dont l’heure à laquelle on évitera les embouteillages ce soir en rentrant de la foire ! Mais putain ! Qu’est-ce que je fous dans ce décor de merde ?! Et la musique qui s’arrête alors qu’on avait à peine commencé de se rappeler les paroles : « Have you got it in you ». Johny s’était dit qu’il en aurait bien besoin ! L’âge peut-être ? Le sentiment de s’éventer, de se « dégobiller »… L’obsolescence, la date de péremption sur le papier d’emballage. Je repris alors mon guidon par les cornes pour une grande opération de dézinguage d’idées à la con, dans l’alignement d’une paire de nuages déguisés en prêtres statistiques ou en montres suisses déglinguées. Une conduite d’ivrogne pour faire chier les bagnoles en stress, droit vers la porte d’entrée du couvent d’air post-ADSL. Une conduite d’ecclésiastique, sans soutane, sans capote (sans Truman), sans GPS, sans portable, sans Twitter, sans Facebook, sans Wifi, sans rien ! Pauvre homme !

L’insolente nudité des fleurs devant l’amertume des revêtements antidérapants. Une scène de cul par dessus la Loue. Ma Marylou en tenue de dévergondage intégral, tout fard allumé sur ses paupières mi-closes. Marylou en forme de ligne discontinue sous son marteau piqueur corrodé. Du bitume jusqu’aux genoux. Des tas d’éclats de vie qui défilent de chaque côté de la route au lieu d’une télé d’administration. Bon ! Et heureusement que Tony n’avait pas lu Beckett ce jour là, si vous imaginez le boulot. Molloy de Beckett, Soupault ou Artaud… De quoi se pendre avec le fil de flotte tendu dans le talweg comme une corde qui nous enlace, Johny, Tony, Marylou et moi depuis des kilomètres. Une sacrée bande de coureurs cyclistes… amoureux des vadrouilles entre potes comme des voyages solitaires dans la campagne franco-suisse. Une bande d’éclectiques, le maillot ouvert aux quatre vents, filant à toute allure dans le lit de la rivière au rythme effréné des matières composites.

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Je réécoutais un vieux Radiohead que j’avais fini par oublier à force de l’avoir trop entendu. « A woolf at the door », puis « Weird Fishes/Arpeggi aka Arpegg » (imprononçable) sur l’album « In Rainbow » (en téléchargement gratuit à l’époque de sa sortie / 2007). Le genre de titre hallucinant braqué dans la direction des vents d’ouest pour essayer de ralentir l’allure dans la montée des roches. Ouais… « On marche à la dynamite mon pote ! » disait un des frangins Pélissier au café de la gare de Coutance au départ du Tour de France 1924. Et qu’est-ce que ça peut bien leur foutre, à toute cette bande de cul-bénis, cette foule de bénis-oui-oui meuglant leur belle morale de compétition avec tous ces journaux propres sur eux ?! Une montée en surdose d’adrénaline. Le grand shoot ! Tout plutôt que rester là à crever comme un con.

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Johnny était passé devant, comme à son habitude lorsque tout se relevait, la route et les emmerdes. Un truc de son enfance. Une manière qu’il avait prise déjà très jeune à force de se prendre un tas de trucs dans la gueule en faisant mine de ne pas encore comprendre les jolis principes de la nature humaine. Le truc d’une compensation un peu crue à trouver sur les pédales, mais qui trouvait rapidement sa justification au sommet des cols les plus rudes et sur les lignes d’arrivées des courses les plus prestigieuses. Tony n’avait pas pu suivre, d’abord collé à la roue du grimpeur et la langue pendante sur le porte bagage de son partenaire de galère. Marylou, elle, avait préféré coucher son clou au pied de la bosse et faucher les pâquerettes pour en faire des bouquets pour sa mère. Le beau bouquet de Marylou dans la vallée de la Loue, pendant que le soleil brillait dans les roues toutes cramées de son marlou. Qu’est-ce qu’on avait pu se marrer ! Toutes les conneries qu’on s’était racontées. « Oh Mary, si tu savais !… »

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Après ça, il a fallu redescendre. Marylou en bas et nous en haut. John, Tony et moi à tombeau ouvert dans la pente descendante, pendant que Mary avait finalement décidé de se payer une séance de dénivelés toute seule la fleur au guidon. On avait retrouvé le reste du bouquet qui flottait à la surface de l’eau avec un petit mot pour sa mère : « T’auras vraiment été nulle jusqu’au bout. En commençant par me donner ce nom à la con dont un tas de gars plus ou moins déjantés s’en étaient déjà fait des tubes et des best-sellers. Marylou. Tu parles ! Des âneries de littérature beatnik ou des chansons périmées à la radio… Marylou par ci, Marylou, la pauvre fille… Marylou sous la neige et que sais-je ?… Marre d’être la Mary-chaussée de tout le monde. Je suis venu te dire que je m’en vais car tu m’en a trop fait !… » La gosse avait tout plaqué comme ça. Son nom qui en disait long sur « la joie blonde, avec ses longues boucles de cheveux pareilles à des vagues d’or… » ; son nom, ses cheveux, son bouquet, et ses potes pour partir pédaler toute seule jusqu’à la fin de l’été. Un putain de trou noir sur l’asphalte. Ouhhh ! Où es tu ma Loue ?!… le reste de la bande avait gueulé son nom pendant des heures sans succès. La plus grande séance de rappels de sa carrière, mais Marylou n’était pas redescendue. Une artiste pop-rock. Une des plus douée de sa génération. Dégommée aux cyanobactéries dans la montée de Haute-Pierre. Des jours plus tard, Tony continuait de hurler à la mort sur un morceau « sans titre » de Sigur Rós. Sa belle machine accrochée au parapet d’un balcon touristique sur les hauteurs d’une rivière dont le nom et la réputation avait d’abord fait le tour du monde avant de plonger dans les nimbes d’un tas de rapports administratifs et de consultations publiques censés protéger son lit d’un tas de saloperies qui empêchent dorénavant les ombres et les truites de reprendre leur souffle dans la lessive, le purin et la matière plastique. « Oh ma Loue, oh ma Loue, Oh ma terrible Loue… »

L’automne était passé à se fader du Gainsbourg en boucle ;  et puis l’hiver… D’abord quinze jours de coupure complète pour tenter de se nettoyer le gouvernail, les voiles, l’ancre et la chaine. Le grand décrassage annuel du moyeu jusqu’aux pneus. Les premières heures d’une longue errance hivernale à venir. 15 jours et 15 nuits à se faire chier devant la télé connectée à tout un tas de programmes débiles avant d’obtenir le feu vert de son entraineur pour renfiler le maillot. Johnny avait aussi profité de son temps de recharge pour se replonger dans la lecture de cette grande expérience radicale de la contre culture américaine des années 50. Dans cette prose là… où dans l’écriture souffreteuse, hypocondriaque et arthritique de quelques auteurs français du début du siècle dernier qui passaient encore aujourd’hui pour la substantifique moelle de notre identité nationale. Pour comparer. Pour mesurer une bonne fois pour toutes de quelle manière ce foutu pays avait commencé de sévèrement pédaler dans la semoule depuis au moins… Pollock, Rauschenberg, Jasper Johns ou Lichtenstein en peinture, et Bernard Hinault pour ce qui est du cyclisme… « Bon, t’accélères ou bien t’attends qu’on te pousse ?! » avait lancé le nouveau coéquipier de Johnny… Un certain Dean, ou Neal quelque chose, enfin je ne me souviens plus exactement… « faudrait aussi penser un jour à te mettre dans le rythme pour éviter qu’on nous prenne définitivement pour des cyclotouristes ! ».
JL Gantner

 

 

28 Août

LA ROUTE/ Une montée de « l’Alpe » pour mettre un orteil dans l’histoire… et le passage à la caisse au sommet !

La montée de l’Alpe d’Huez en à peine moins d’une heure… au lieu d’un peu plus de 37 pour Marco Pantani en 1995 ou 38 minutes tout juste pour Lance Armtrong en 2001. (Pantani qui lors de ce tour de France 1995 avait littéralement déposé Virenque et Jalabert à une dizaines de kilomètres de l’arrivée, avant d’exploser le record de l’ascension à une moyenne inimaginable de 466 watts !…) Virenque, de retour en 1997 en 38 minutes et 11 secondes…

On pourrait ainsi continuer la liste des aberrations chronométriques enregistrées dans la plus célèbre des grimpées cyclistes sans pour autant réussir à flinguer le fabuleux monument. Un peu plus de 1000m de dénivelés qui ont tout supporté déjà de la vindicte des meilleures cours intellectuelles comme de toutes les formes de nausées populaires. Au final, de vaines tentatives pour abattre le titan médiatique. Voyez encore cette année, ce 18 juillet sur le Tour du centenaire : Du monde comme on en avait encore jamais vu pour assister au triomphe de Christophe Riblon à l’issue d’un match fabuleux contre l’américain Van Garderen.  21 virages mythiques qui font l’unanimité dans les rangs des millions de supporters de la Grande Boucle, et 14 km d’ascension depuis le Bourg d’Oisans comme moyen de se frayer soi-même un chemin, ou plutôt une modeste sente de chèvres dans la légende. L’Alpe, l’illustre grimpée qui fait aussi rêver des milliers d’amateurs. l’objectif ultime pour 6000 cyclistes passionnés embarqués dans la pente chaque année. La récompense d’un hiver entier d’une préparation rigoureuse, ou pas ! Car  on trouve de tout dans l’Alpe !… Un « Mont Blanc » cycliste où toutes sortes d’objets vélocipédiques se suivent, se dépassent, trainent la jambe, moulinent, dansent où fument la pipe devant des pendus photographiant le paysage baigné de sueur, d’huile de camphre, de Gaultherie et d’arnica. La montée de l’Alpe… Un spectacle d’un genre… « anthropologique ». Pour ma part, la clé de voute d’une semaine de vacances à chasser les grands cols alpins.

Dans l’Alpe d’Huez/ PHOTO Lili & Elvis 2013

Une matinée idéale de la fin de ce mois de juillet 2013. La température parfaite après une nuit d’orage apocalyptique propre à la contrée. Les dernières heures de repos calfeutrées dans une belle chambre anglaise plantée au sommet de l’objectif. Le temps de récupérer d’un enchainement effectué la veille du col de la Colombière (1613 m) et du passage des Aravis (1486 m) avant de rejoindre les gorges de l’Arly. Une première ascension de 16 km depuis Cluses en arrivant de Genève, pour vérifier l’état de forme et la qualité du matériel embarqué. Une glissade ensuite vers le Grand-Bornand avant de remettre la gomme vers la Clusaz puis dans les ombres acérées et sous les abruptes du Mont Charvin. 6 épingles dans des pâturages sauvages avant une descente à tombeau ouvert vers Albertville. Une petite centaine de kilomètres en tout. Une séance d’affutage parfaite pour attaquer les virages de cette Alpe dont on fait si grand cas, avec la condition physique des grands jours.

La montée n’est pas la plus raide, ni la plus difficile du secteur à quelques distances du Lautaret et du Galibier. Plus loin l’Izoard… De quoi rapidement avoir des fourmis dans le jambes et tenter d’emmener « gros » dès les premiers lacets au risque d’exploser le joint de culasse avant le sommet. Tenter de jouer les stars du peloton, les « purito », les « Aigle de Tolède » ou les « Pistolero »…  (Oui ! Et si ça me fait plaisir à moi… de pédaler le temps d’une montée, dans la peau d’un costaud des pentes raides ; un champion des ascensions mythiques ; un abonné au maillot à pois…) Mais l’âge venant est un bon conseil pour mener l’expédition à bon port sur le rythme qu’il convient. Une allure de « montagnard » plutôt qu’une succession de dépenses inutiles loin des caméras de télé pour enregistrer « le record du siècle »… Une montée, tout à « l’économie » (et j’y viens tout de suite justement !)…

Dans l’Alpe d’Huez/ PHOTO Lili & Elvis 2013

Voilà pour le côté tactique, avant de tout lâcher chez Rapha™ (la nouvelle boutique de la marque britannique sponsor de la Sky, installée depuis cette année juste au sommet de la rampe alpine réputée mondialement). la visée précise du jour pour tout avouer. Une bonne montée pour justifier l’achat de beaux maillots de corps et d’une paire de chaussettes également signées de la jeune maison anglaise pour transpirer des pieds avec classe ! Une montée sèche de 14 km pour se payer le luxe d’un passage à la caisse sans avoir à culpabiliser. « Et si vous pouviez me remettre aussi une petite veste imperméable qui va bien et un slip en laine mérino pour passer l’hiver au chaud avec la petite bande blanche sur le côté pour rester discret dans les grandes occasions !… »

Une montée de l’Alpe, pour passer le reste de ses vacances fauché après s’être laissé faire les poches par une bande de professionnels du marketing dont j’avoue avoir réussi à me laisser berner comme il m’arrivera certainement encore de le faire à l’avenir malgré toutes les précautions pour me prémunir définitivement de ces petites faiblesses humaines. La passion, comme l’amour, que voulez-vous ?!… Comme on ne compte pas sa propension au labeur pour vivre ses rêves quels qu’ils soient. « De la béatitude malgré soit ! » pensait Nietzsche à « l’heur » de son « grand midi ». Et j’eusse dû mieux me méfier de toute cette « beauté rusée » comme le fit avantageusement ce « surhomme » cher au philosophe de Leipzig, qui « comme l’amant à qui trop velouté sourire donne méfiance ». « Ainsi parlait Zarathoustra » alors que pour ma part je continuais ma route sans fin et ma « fol » échappée dans les rayons des grands magasins.
JL Gantner

09 Juil

LA ROUTE/ Moderato cantabile

80 km tout rond. La bonne mesure pour enchainer le morceau sans jouer de la musique en dents de scie sous les garde-boues. Moins de 100 km, mais avec 1400m de dénivelé en deux cols de deuxième catégorie quand même, et quelques ornements mélodiques supplémentaires pour compléter le caractère montagnard de cette jolie randonnée Franco-Suisse entre Maiche, Saignelégier et La Chaux-de-Fonds. Voilà pour le morceau,  la partition comme on dit dans le milieu musical. Disons  3 heures de route au total, selon le niveau et l’ambition. De quoi prendre le temps de cogiter sur le magnifique paysage et la matière humaine qui le compose. Étudier « Les caractères » ou les bons sentiments ; réfléchir aux vices et aux vertus de l’espèce, en restant le cul bien calé sur sa selle… « Il n’existe pas d’aire cérébrale de l’amour…/… Arrêtez donc alors de toujours nous parler de cet amour qui doit sauver le monde » constatait Henri Laborit dans « L’éloge de la fuite ». « Au moyen d’une tromperie grossière on arrive parfois, en période de crise, à faire croire à l’individu qu’il défend l’intérêt du groupe et se sacrifie pour un ensemble, alors que cet ensemble étant déjà organisé sous forme d’une hiérarchie de dominance, c’est en fait à la défense d’un système hiérarchique qu’il sacrifie sa vie. » Tout pratiquant de vélo de course sait ça ! Le grand spécialiste de quelques sciences humaines d’importance, qui à ma connaissance, n’était pourtant pas lui, coureur cycliste…

Changeons de sujet pour mieux nous y retrouver dans nos affaires de beaux sentiments, de grands cœurs, d’esprit d’équipe et d’union sacrée… La cadence, le rythme, l’échappée et le gruppetto… C’est drôle comme un lexique choisi pour parler de musique peut tout aussi bien plaire à l’industrie du pédalage ou au mode de transport vélocipédique en général ! Comme la musique a aussi cette bonne réputation de savoir adoucir les mœurs lorsque le peloton commence à nous les briser sévère sous son air de détester voir une tête dépasser du magnifique mouvement d’ensemble. Mais pour quel profit ? ou au profit de qui ? (Et je ne fais là, nullement allusion au seul Tour de France, si vous suivez bien le son de mon biniou entrainé par les arguments de ce biologiste de Laborit qui m’inspirent ici !)

La frontière Franco-Suisse à Goumois au pied de l’ascension du col de 2e catégorie qui conduit à Saignelégier.

Moderato cantabile, chantent les deuxièmes dérailleurs à l’unisson, mais quand même réunis sur l’estrade pour recevoir la bise du chef d’orchestre faute d’obtenir celle de l’opinion. Le côté Legato obligatoire dans les arrière rangées d’un orchestre mené par l’élite des instruments à vent. La pantomime un peu fourbe d’une bande de joueurs de flûte habitués à l’air chaud qui les traine tout le long de la route en essayant de rafler les avantages des premiers guidons sans avoir une fois à souffler dans le larigot… Cette sorte de fifres ou d’Ocarinas de fabrication à bas coût, mais élevé comme il faut ; qu’on mène généralement au tambour du droit administratif pour le plus grand profit des grandes instances commerciales. (Et comprenez bien que je ne parle pas ici des simples, des modestes des humbles porteurs de bidons !… mais plutôt de quelques suceurs de roues revendiquant les honneurs pour eux seuls sans se soucier de leur véritables locomotives laissées sur le quai. Une grande école de resquilleurs, prônant toutefois toute sorte de générosités, d’amours et d’idéalismes pour continuer de se plaire à eux-mêmes malgré leur fourberie.) Où l’on conviendra de cette parenté qui s’entend tout de suite entre une bonne vieille technique de conservatoire lyrique éprouvée de longue date, et les bonnes manières d’une gente publique de ma connaissance (comme on en connait tous au moins une autour de soi), qui trouve toujours sur quelle danse opportune continuer de s’agiter les fesses au sein du grand convoi symphonique balnéaire…

La route n°18 entre Saignelégier, le Noirmont et la Chaux-de-Fonds

La descente vers la France par les côtes du Doubs

Je dis ça bien sûr ! pour les petits chanteurs de psaumes bien accoutrés, et les petits margoulins de la fanfare au maillot bien mis ; les carabistouilleurs en chef d’un métier taillé à leur assortiment militaire pour ne pas laisser une seule note dépasser des rangs sans leur consentement amoureux du monde et des bonnes manières. Une bande de délinquants ecclésiastiques, sûrs de leur solfège, comme les aurait aimé monsieur de la Bruyère. Des interprètes de contrebande, des plagiaires. Des receleurs de couacs et de canards de basse cour. Des virtuoses dans leur domaine de la canaille en réunion… Le genre d’instrumentiste qu’on mène si facilement à la baguette pour transporter n’importe quel cantique à bon port. Du pain béni pour les fabricants d’hymne national et de charrettes à foin…  (Je dis ça pour les animaux de crèche coincés sous l’autel en attendant qu’on les serve !) mais je m’éloigne, me détourne de ma cantate principale. Bach au supplice sous mes coups de « pédalées » de travers. Ce lamento. Ce faux-bourdon pour effrayer la ruche dans son tempo estival avec un mélange de cors de chasse et de croque-notes de foire.

Le Doubs marque le passage de la frontière entre la Suisse et la France

Le plateau de Maîche

Une de ces sonates pour éoliennes et diaules compulsives, dans l’espoir de virer de ma route toute cette bande de « mirontons » comme savait les apprécier Céline. « Des ergoteurs et des bafouilleux ». De la bonne graine à flonflon, travestie en chanteurs de Carmagnole des fois qu’un de ces « grand fusil» les prendrait pour un tromblon fiché en travers de sa route. « Vive le son, vive le son »… tout un peloton de nantis qui grince des dents maintenant que la côte s’élève dans les plus forts pourcentages. Un Tourmalet ou un Aubisque embusqué au détour d’une première course de pacotille, où cette fois les gens du ciel n’ont plus leur mot à dire.  L’heure des guitaristes ! Un coup de Flamenco pour flinguer la valse viennoise insipide et la petite cour de violoneux bien en rythme sur les faux plats d’un prélude aux véritables histoires d’amours propres. L’heure de l’escalade, grandiose menée par les ténors sur un tempo de One-step ou de Jerk. Une cadence italienne pour préparer la grande fugue du jour.  Une envolée lyrique vers les sommets, à l’opposé de cette Bourrée, symptomatique au sein de la clique restée plantée au pied du col. Le scénario d’un adagio confus, si l’on compte le nombre des pulsations récalcitrantes à l’arrière de la meute…  la politique du Requiem pour la catégorie concernée ici en filigrane, à moins que celle-ci n’ait forcément réussi à préférer cette « fuite »  dont nous énumérions le nombre des avantages un peu plus haut. Un joli principe de réalité.
Comme le cyclisme, tout le monde connaît la musique ! N’est-il pas ? Les joueurs de flûte, comme les coqs de Bruyère et leurs histoires d’amours déçues.
Récit et photos / JL Gantner

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25 Juin

Andy « Summer » Blues !

Je roulais. Des heures sur ma selle à bouffer des bornes en essayant de lâcher ce foutu Johnny Winter qui me collait aux basques depuis le début de l’hiver. -Johnny Winter, le père d’Ophélie ?…
Et je me disais : Qu’est-ce que peut bien foutre cet Andy Summer à ne pas vouloir prendre son tour dans les relais alors que l’été est déjà là !
-Ah oui ! Andy Summer, le guitariste de Police…
Oui, je sais, ça va pas mieux, mais les vacances arrivent, les grasses mat’ en attendant l’heure de départ du Tour de France ; la Corse, le Mont St Michel, le Mont Ventoux, l’Alpes d’Huez, le Semnoz et un nouveau maillot jaune sur les Champs Élysées. JLG

sur la route/ PHOTOS © JL Gantner

27 Mai

JOHN THE RIDER/ Dans le vire-vire du Bd Saint Michel et de la rue St Jacques

(DANS LA SÉRIE DES AVENTURES DE « JOHN THE RIDER »)

 

Tony™ actionne son dérailleur du bout des doigts pendant qu’il appuie de toutes ses forces sur ses pédales automatiques, l’une après l’autre dans un strict mouvement de coucou suisse bloqué sur midi. Tony™se défonce à la débauche d’efforts considérables dans l’optique de se calmer les nerfs et d’imaginer un monde meilleur. On fait bien du vélo pour les raisons qu’on veut non ?!

PHOTOMONTAGE © JL Gantner (d’après une photo de Luc Lhomme)

Tony™ (mais qu’on aurait pu aussi appeler Johnny…) Oui, oui… Bon, c’est d’accord. Je m’incline donc à la demande générale. Va pour Johnny alors ! Et qu’on n’y revienne surtout pas ! Johnny (Johnny comment d’ailleurs ?) Mais on ne va pas y passer la nuit non plus !.. Johnny tout court et ça ira bien comme ça ! Johnny tout court qui n’oublie jamais de tirer sur les genoux et de plier les bras même dans les pentes raides. Le truc d’un pédalage « bien rond » pour espérer remonter la concurrence sans gaspiller trop tôt ses dernières forces de persuasion… Le truc du coursier bien posé sur sa machine dont ce Johnny là, tout court… connait le refrain par cœur. Tout court… « Mais va savoir après quoi ?! » se dit le beau Johnny dans son costume jaune de champion des Champs-Elysées). Un gars qui ne mégote pas non plus sur les sujets philosophiques. Un habitué de la Sorbonne en passant par la rue Soufflot, le Bd « Saint-Miche »… et la rue des Écoles avant de remonter la rue Saint-Jacques (une virée parisienne de quelques hectomètres que « le penseur de Rodin » effectue en alternant un 39X23 dans les descentes pour tourner les jambes à la vitesse d’un lémurien au galop, avant de s’arracher tout debout sur la plaque en visant le sommet du Lycée Louis Legrand).

LE RECORDMAN DU VIRE-VIRE DE LA RUE CHAMPOLLION SUR STRAVA™
Johnny « John the rider »… Le recordman du vire-vire de la rue Champollion sur Strava™ (l’application Internet dorénavant incontournable du « monde meilleur » dont notre Johnny Begood à dérailleur électrique intégré s’est fait une spécialité parmi les syndicalistes les plus affirmés du peloton. Johnny… le « John Trumbull » d’un cyclisme moderne repeint de fond en comble façon Tour de France de 1903. Ce « Paris, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes et retour au bercail » pour faire vraiment le tour du sujet, mais en évitant scrupuleusement le moindre escarpement (Bon, oui ! Ouhhhh !!!… peut-être ?! Mais j’aurais bien voulu vous voir dans les 21 virages de « l’Alpes » avec un engin de 12 ou 13 kg au moins, monté sur un seul plateau de 50 dents. Une machine dont vous auriez pu chercher longtemps les freins encore dans les cartons à dessins le jour du départ.)

UNE ÉPREUVE HISTORIQUE REMPORTÉE AVEC LA MOUSTACHE

Une épreuve historique remportée à l’époque avec la moustache par Maurice Garin (Heu ! Qui ça ?!…) 2400 km en 6 étapes… Une bambée qui en aurait jeté plein les mirettes à ce pauv’ Tony™ abandonné dans le gruppetto dès la première mine tirée par Johnny devant l’aile Ouest du collège de France. Tony™ qui gardait le palmarès de l’édition de 1924 accroché au dessus de son lit pour tout vérifier de l’avance d’Ottavio Bottecchia lorsqu’il se réveillait en sursaut à cause d’un boyau crevé au pire moment de la course. Le Luxembourgeois Frantz à ses trousses ; ces Belges et ces Français, malgré l’abandon des frangins Pélissier entre Cherbourg et Brest… Les gros titres dans le Petit Parisien du lendemain parce qu’un reporter du nom d’Albert Londres, l’illustre correspondant de guerre et défenseur de toutes les causes perdues, faisait le boulot en signant ses papiers à la rubrique des « forçats de la route ».

UNE AFFAIRE DE BAGNE DANS LE TOURMALET
Une affaire de bagne dans le Tourmalet au lieu des belles causeries humanistes sur les banquettes du Flore. Plus de 5000 bornes courus en 15 manches de 300 à près de 500 kilomètres chacune ! Depuis l’université de Besançon, Fred Grappe et Julien Pinot avaient tout recalculé dans les moindres détails convertis en puissances moyennes. (Où l’on aurait pu aisément confirmer qu’on ne buvait pas que du chocolat au bistrot de la gare de Coutances où les vedettes françaises racontaient leurs déboires avec l’administration officielle au soir de la 3e étape pour une histoire de maillots doublés… Pour vous dire les suées de Tony sous ses draps, et vous raconter la fanfare au balcon lors du retour des damnés à Paris après 30 jours à planter des croix de bois sur le pourtour exact de l’hexagone. « Bon tu dors où tu prends ton tour ?! » lança Johnny après s’être secoué le coude plus de dix fois en tête de la meute sans réaction d’aucun de ses coéquipiers. Tony, à bloc dans la roue de son John Reed des « 6 » jours qui ébranlèrent le monde du sprint, mais avec l’entrée du panthéon dans le dos…

TONY DANS WEST SIDE STORY

Tony… dans West side story, avant d’appuyer sur les freins devant le Reflet Médicis et avec la musique de Léonard Bernstein sous le casque pour essayer de faire craquer Nathalie Wood avant la fin de la séance. De quoi pouvoir enfin dérouler tranquillement jusqu’à la Seine de fin les yeux enveloppés dans l’alchimie d’une mixture d’endorphines amoureuses ! Tony et son côté : je pédale dans le Flamby™ depuis deux tours des studios sans réussir à reprendre mon souffle sur les photos. « Oh John ! Coupe un peu. T’es pas encore à Porto-Vecchio là ! » mais John s’en fout. John baisse la tête et serre les poignées de son guidon en arrachant les pavés de la rue Soufflot sous le coup d’une accélération redoutable pour larguer la concurrence avant le passage de la flamme rouge. Tony s’effondre littéralement devant la porte d’entrée de chez Gibert. La librairie où le petit Godard du cintre coudé entre à bout de souffle dans une posture Hitchcockienne pour acheter en solde « la vie des martyrs de G. Duhamel. Une façon comme une autre de considérer « le monde meilleur » dont on parlait tout à l’heure, mais Londres aurait adoré ! JLG

24 Mai

LA ROUTE/ À l’avant de la course avec Marylou dans le rétro et une paire de roues Lightweight™ au prix d’un container de poivriers Peugeot™ pour tenter de rattraper la 403……

Je n’irai pas jusqu’à dire comme Jack Kerouac écrivait que « la plus belle course de ma vie était sur le point de commencer… » je n’étais d’ailleurs ni dans le Mississippi, ni dans le Nebraska, et encore moins au coin de cette « 40e » et de Madison Avenue à New-York où se termine le roman culte d’un de mes auteurs préférés. Au lieu d’une Hudson de 1949 et sa Marylou de cinéma vautrée dans le grand roman de Proust traduit en Anglais, les 2 jambes coincées sur le rétro chromé de la belle bagnole la fenêtre ouverte : cette Peugeot™ 403 cabriolet, plantée dans notre champ de vision pendant 4 jours de reportages sur le Tour Cycliste de Franche-Comté.

PHOTO © Jean-Luc Gantner

Un modèle mythique du temps du cinéma « moderne ». (Jean Seberg dans la caméra sans traveling ni éclairage supplémentaire de Jean-Luc Godard en 1960. Une Arriflex™ 35BL je crois !… (Le genre d’engin qui allait bousculé l’histoire du cinéma comme dans le cyclisme un Peugeot™ PX10 à raccords noirs… resterait dans les mémoires après avoir servi quelques victoires de l’immense Eddy Merckx). L’obsolescence déjà d’un matériel de tournage encombrant passé d’âge, et de méthodes de travail « À bout de souffle » à l’époque où les lourdes caméras  américaines Mitchell™ cherchaient encore à conserver leur privilège par tous les moyens. Une route… qui en chasse une autre. Une vieille histoire ! comme le lycra sur les épaules de la Sky™ remplace aujourd’hui la laine des maillots Molteni™. Bon, et nous voilà bien avancés !

PHOTO © Jean-Luc Gantner

UNE BELLE MARQUE™ DE FABRIQUE SUR UN MAILLOT LAVABLE EN MACHINE
À ce moment précis, le type (disons Tony™ dont je vous parlerais dans le détail prochainement) se dit qu’il aurait fière allure avec son maillot Kerouac™ au guidon d’un BMC™ SLR1 équipé de roues Lightweight™ Meilenstein à plus de 3000 euros la paire  ! Juste le moment où son rédacteur en chef le rappelle à l’ordre d’un sujet à livrer avant midi sur la stratégie managériale des usines Cycleurope™ de Romilly S/Seine où Peugeot™ continue de faire fabriquer sa marque sans avoir à mettre les mains dans le cambouis. Une marque™, mais plus d’usine depuis bien longtemps déjà !… La marque de fabrique de notre chouette monde moderne où les marques elles mêmes finissent un jour par changer de maillot sans prévenir ni les ouvriers, ni les clients ! (Un truc qu’on ne verrait jamais au milieu d’une course cycliste inscrite sur un calendrier officiel. Et il ne manquerait plus que ça encore !)  Là, Tony se fait franchement remonter les bretelles par sa direction de l’information, en général plutôt patiente, mais qui elle aussi a des comptes à rendre à ses actionnaires qui eux aussi changent de couleur de maillot tout le temps. Ok alors ! Oui, Romilly dans l’Aube, au lieu de Kerouac imprimé sur un maillot tricoté main mais lavable en machine. Pour rester bons amis et continuer de nous entendre sur le sujet d’une route parfaitement circonscrite à son objet principal d’un joli poivrier de Sochaux sur la table. Une route, avec cette 403 de cinéma devant nous et un groupe de forçats aux maillots détrempés lancé à nos trousses. (Et voyez où Tony es est, qui ne sait pas si tout tiendra sur la table en finissant par rajouter une jolie miss comme Charlène Michaux sur la nappe ?! Le petit coup de sel en plus qui finirait pas tout faire déborder…

PHOTO © Jean-Luc Gantner

Cette vision récurrente du paysage un peu flou qui défile à travers le pare-brise dans le reflet du bandeau officiel de la course. Loin derrière la Berline de reportage, des hommes vissent en tête du peloton. À peine quelques images furtives d’une échappée du jour dans le rétroviseur de la bagnole… Des heures de route à l’avant d’une grande bagarre quotidienne de dérailleurs. Un enchainement de contorsions sur la banquette de notre Peugeot™ 308 stop & start de service pour tenir informés les téléspectateurs et les internautes tout en épargnant la couche d’ozone et les ours blancs de l’Arctique. (Moins de 140 g de CO2 par km ! Mais où l’on regrettera la mise à disposition d’une surface plane et stable permettant d’écrire sur le tableau de bord des résultats lisibles en descendant de l’habitacle et poser sa bière sans risque pour son costard repassé pour le grand Direct dans les journaux du soir…)

« ICI LONDRES, ICI LONDRES. LES VACHES SONT SORTIES DU PRÉ… »
Des heures sous l’antenne amovible posée sur le toit de la Cadillac™, l’oreille collée à la HF réglée sur radio Tour. L’oreille collée à la fréquence 157,550 MHz, et les yeux fixés sur le témoin de niveau Wifi du téléphone portable pour tenter une connexion avec le Blog Cycliste de France 3™. « Chute ! », « chute à l’arrière… » Puis la même voix  de stewart égraine dans le poste des numéros de dossards en tête du dernier GPM…  « Laissez travailler les directeurs sportifs SVP ! » « Les voitures des invités, prenez du large maintenant, ça va revenir fort dans la descente ». « Allez prenez de l’avance devant »… Puis plus tard : « Des vaches sont actuellement sortis de leur enclos à l’entrée du village. À tout le monde : Faites très attention ! »… « Au km 168, Deux coureurs sont toujours en tête à 2 minutes »… Le film de l’étape déroulé comme une bande son grésillante dans le récepteur HF. Autant d’incidents de parcours qui deviendront les événements médiatiques dans les JT. Les neurones passés au shaker des heures durant, et la tête comme une citrouille sur la ligne d’arrivée, avant de tout devoir résumer sur une minute trente en direct à la télé. « Allo la terre. Oui, ici Londres » (Le grand reporter bien sûr !)… À la régie : « Heureux de te revoir mon cher Albert. c’est à toi dans 10 secondes ». Le voyage forcément un peu étrange pour un visiteur de musées ou un pêcheur à la ligne mondialisé. Le temps aussi pour Tony et son équipe de reportage embarquée, de prendre quelques jours de repos bien mérités après tant d’émotions sportives sur la route.  JL Gantner

25 Avr

ÉVÉNEMENT/ Le Tour du Territoire de Belfort s’élance « aussi » ce dernier week-end d’avril

Ce week-end 27 et 28 avril 2013, Le territoire de Belfort fait lui aussi son grand « Tour ». Pour la deuxième année,  L’ACTB, le club organisateur, reprend les commandes de cette toute jeune course par étapes à l’intérieur du Territoire de Belfort ». Une compétition réservée aux coureurs de 3e catégories et juniors. L’an passé l’Amicale Cycliste Bisontine s’était fait plaisir en accrochant le maillot jaune de la première édition à son palmarès grâce à la victoire de Guillaume GAUTHIER.

L’équipe de l’ACTB lors du « Tour du territoire de Belfort » 2012/ PHOTO © ACTB

DES COUREURS DU BURKINA
Cette année, 26 équipes du Grand Est feront le déplacement et une formation du Burkina-Faso. C’était le souhait du club Belfortain : Accueillir une équipe cycliste Burkinabé dans le cadre du 30e anniversaire du jumelage avec le pays, et pourquoi pas tenter d’établir un parrainage permanent entre cette équipe Africaine et le club local.

La liste des engagés du Tour du territoire de Belfort 2013

PRIVÉ DE TÉLÉ…
Une belle compétition autour de Belfort (29 fois ville de départ du Tour de France, entre 1907 et 2012). De la belle bagarre en perspective autour de la cité du Lion dont on aurait bien aimé faire profiter un large public… mais dont la place sur le calendrier la condamne forcément à s’effacer médiatiquement face à la concurrence d’au moins une grande épreuve cycliste dans le Jura organisée au même moment. Dommage donc ! de devoir concentrer toutes ces émotions sportives dans le même week-end.  Du même coup :  Le Tour de Belfort sera privé de télé. Car France 3 se serait fait une joie d’apporter une caméra et un micro pour l’occasion. Mais on ne peut pas être partout en même temps !…
À bon entendeur…  JLG

Trois étapes au programme :
1 Delle – Belfort (110 km)
2 Valdoie – Valdoie / Contre la montre par équipe (9,8 km)
3 Belfort – Belfort Tour de la Miotte (71,7 km)

15 Fév

LA ROUTE/ Les conséquences esthétiques d’une météo déplorable sur la route

Cette météo détraquée qui empoisonne tout le monde en commençant par le coureur cycliste comme le peintre d’extérieur depuis des semaines. « Mais je ne suis pas un spécialiste… »

Il faut avant tout que je vous avoue que cette route n’existe pas ! Je veux dire… pas de cette manière là. Pas de cette façon dont la suggestion creuse forcément la distance à force des kilomètres qui défilent. Une forme d’extase qui adhère à l’asphalte malgré les morceaux de climat déglingué qui nous interrompt sans cesse. 

Une route. Comme une barricade multicolore contre la réalité. Un de ces jours bizarres où la lumière insistait sur l’horizon au passage de ma machine. L’hiver et ces raisons confuses. Un « ciel brouillé ». Un de ces « soleils mouillés ». « Quelque chose d’ardent et de triste, quelque chose d’un peu vague, laissant carrière à la conjecture ». Un truc éminemment Baudelairien en train de filer « à cent à l’heure » sous ma machine. 

La lueur sanglante. Une route d’apocalypse et sa couleur orange. Ses flaques bleues dans les marges avant que tout ne finisse par exploser en plein milieu du parcours bien tracé. Cette sorte d’état d’âme touristique emprunté aux agences de voyages médiatiques. Toute cette lumière saturée sous les projecteurs misérables d’un paquet de bagnoles équipées pour les trajets réguliers. Une route… mais qui n’existerait que dans l’imagination sincère et parfaitement réfléchie des brumes matinales et des aléas sensibles.

Une route comme une définition d’un ardent désir de fuir nos abris crispés. Je pensais à tout ça en essayant de circuler loin de l’agitation quotidienne, comme Ionesco circulait d’une pièce vers une autre de son nouvel appartement de rentier solitaire. Une chambre, un grand lit, et l’angoisse d’une impossible résignation à tout ignorer du monde au delà de ses propres rêves.

Une route, enfoncée dans le bitume inondé. Toute cette flotte. Une route d’intuition détrempée, vidée de toute substance tangible. La tête béate sur le décor enflammé, sans avoir lu la presse du jour ni consulter les KOM de Thibaut Pinot ou d’Arthur Vichot sur Strava™… Une route comme un remède aux supports de communication obligatoires. Les multiples tentatives d’insertion dans les flux constants. But, all is out ! « La mariée mise à nue… » de Marcel Duchamp n’a pas retrouvé ses fringues à la fin de la séance de shooting. Une « mariée », photographiée dans son plus simple appareil, et qui serait vendu aujourd’hui un prix forcément exorbitant malgré son verre cassé lors d’un déménagement. Des « conjectures »… sur le prix des choses et sur les moyens qu’on se donne pour nous protéger d’elles. 

L’image d’une route, ratée. Constamment perturbée par des déviations de toutes sortes pour éviter les mares improbables et les lagunes improvisées. La tentative d’un rêve sensuel sur Facebook™ en me levant le matin. Un rêve jetable sur ma time line devant mon café et mon ordinateur allumé. « Toutes les images se valent » m’avait expliqué l’immense artiste suisse Thomas Hirschhorn. Une star de l’art contemporain. Mais on avait paumé la pellicule entre temps. L’interview disparu. Et pas la moindre plainte du personnel politique pour m’obliger à restituer les réponses dans l’ordre des questions que je lui avais posées. Tout se vaut. Les tirages brûlés et les routes inondées. Tout se vaut dans la grande absence actuelle de profondeur de champs. Burn is over !

La route comme un grand reportage intérieur des jours d’averse un peu forte. Tony™ et cette incapacité que ce type avait de jeter quoi que ce soit (syllogomanie) du moindre des ses souvenirs affectifs… tout ce qu’il conservait de sentiments précieux dans leur emballage d’origine en faisant mine de les redécouvrir sans cesse comme à la première fois… Et je ne sais pas si vous pouvez vous rendre compte de ce que Tony comptait quand même beaucoup dans l’élaboration du tableau final ?! L’illusion de son total libre-arbitre dans l’affaire d’une peinture abstraite et des conséquences esthétiques du temps qu’il fait sur la route. Cette grande et belle idée de Tony, d’essayer de naviguer a vue, dans quelques goulets météorologiques dont la raison se prive habituellement. JL Gantner

PHOTOS © Jean-Luc Gantner 2013 (Tous droits réservés)

13 Nov

LA ROUTE/ à VTT/ juste avant le coup de freins !

Tony… vient de terminer toutes ses manip informatiques sur son portable, vérifier ses # sur son compte twitter, autoriser ses nouveaux amis cyclistes sur Face Fook, et télécharger les dernières mises à jour essentielles pour profiter pleinement des sites marchands les plus réputés du moment sur Internet. Tony jette un coup d’œil rapide sur le temps pourri à travers la fenêtre pendant qu’il flashe totalement sur une paire de chaussures Giro™ à 274,95 euros. Des pompes de vélo « à lacets » au look rétro malgré leur super couleur argent marquée de vert fluo. Une belle paire de pompes toutes neuves alors que Tony en a déjà une armoire pleine.

Les bois Monsieur, entre Avanne et La belle Etoile/ PHOTO © Jean-Luc Gantner

Des souliers à velcros et des godasses à système de serrage par câble. Tout un placard de grandes marques™ moulées dans le carbone. Il tombe des cordes ce jour-là. Tony se dit qu’il essaierait bien de mettre le nez dans la théorie du même nom expliquée sur une fiche Wikipédia pour tenter de comprendre les origines du monde qui l’entoure et réussir à mettre au point une méthode efficace pour éradiquer définitivement cette météo de merde de son espace vital.

Les premiers sentiers en quittant Avanne/ PHOTO © Jean-Luc Gantner

La Tranchée, avant La belle Etoile/ PHOTO © Jean-Luc Gantner

Tony se dit ça surtout dans la perspective de trouver une faille tangible dans le chaos ambiant… Toute une playlist de commentaires dans la presse et sur les réseaux sociaux à propos d’une cohorte de champions déchus par exemple ! Tout un peloton, dégradé, jeté à la vindicte selon la parfaite illustration du principe de la thermodynamique des trous noirs. Une matière sombre déjà oubliée, remplacée par un flux d’infos débordant d’idées fixes (Idéfix… Ce serait pas le chien d’Obélix ?!… Le clébard qui suit partout le livreur de menhirs dans les BD d’Uderzo, alors qu’il nous avait montré qu’il savait aussi courir tout seul derrière les petits lapins dans une édition des années soixante dédiée uniquement aux enfants et aux chiens…) « Rien ne se perd, tout se transforme » disait Lavoisier… Mais je me demande quand même bien ce que je vais pouvoir foutre d’un Fox terrier de bande dessinée belge au milieu d’une tentative de dérapage sémantique concernant la matière d’une sortie d’automne à vélo.

Les bois de Franois/ PHOTO © Jean-Luc Gantner

Après la traversée du Chemin de la Dinde/ PHOTO © Jean-Luc Gantner

Tony, face à son écran, tente un rapide calcul de masse grasse à ne surtout pas dépasser pendant l’hiver, rapportée à la gravité des événements planétaires survenus lors de ces dernières vingt quatre heures, mais n’aboutit à rien de probant qu’il pourrait publier dans les pages sportives d’un journal sérieux comme le 19/20 de France 3. Tony, empêtré dans ses calculs de statistiques (la probabilité quasi nulle d’être reconduit à son poste de reporter sportif après la rédaction d’un papier aussi sérieux que celui là à la rubrique météo. Comme celle de voir passer Bradley Wiggins en jaune sous l’Arc de Triomphe depuis la porte Maillot. La porte Maillot… qui peut bien porter ce qu’elle veut de jaune ou d’autre chose le jour ou tout le monde a les yeux fixés sur la remise de tricots officiels des Champs-Elysées).

Pour rejoindre la route de Franois/PHOTO © Jean-Luc Gantner

Ce brave Tony… qui repense alors à l’hymne solennel d’une grande boucle convertie cette année dans la langue de Joe Strummer ou de Sid Vicious ?!… Juste comme ça, juste à ce moment là.  Une pensée d’un Anglais à Paris qui lui traverse l’esprit comme un morceau de musique punk au milieu d’une séance d’enregistrement de Justin Bieber. Une idée idiote, comme celle d’offrir une Zipp™ 404 à Stephen Hawking ou utiliser un Sram™ Red  pour essayer de raccorder les fans de David Beckham aux lecteurs d’Arthur Miller ou de Jonathan Coe. Un putain de joueur quand même ! Enfin, un putain de joueur d’avant 2007 surtout ! Le Beckham de Manchester United ou du Real Madrid plutôt que le footeux de salon dans Gala… Le Beckham qu’on aurait tous bien vu au PSG. N’est-ce pas Thibaut ? Même si, bon, c’est vrai ! le mec demandait un peu cher (se prenant certainement pour une fabrique de ballons d’or à lui tout seul, et sans jamais avoir foutu un seul pied à l’usine…)

Forêt de La Menère/ PHOTO © Jean-Luc Gantner

Une connexion baroque sur le réseau au lieu d’une belle continuité linéaire adaptée aux séances prudentes de métaphysique commerciale. Bref ! À force de penser derrière sa fenêtre avec la matinée qui défile et le soleil qui finit quand même par revenir, Tony se décide enfin à prendre le large pour profiter d’un bout de ciel dans les tons secs prévus pour le restant de l’après midi ; récupère une de ses bécanes posées sous la fenêtre du salon (celle avec ses deux gros pneus crantés prévus pour les terrains vagues et la boue, la houle sous la selle et les glissades esthétiques sur les paquets de feuilles détrempées) et s’élance pour une bonne sortie d’entrainement sur son vélo des bois.

Chemin de la Chaillé/ PHOTO © Jean-Luc Gantner

Avant Château Galland/ PHOTO © Jean-Luc Gantner

Une randonnée cramponnée au chronomètre pour voir le monde filer à toutes bombes sans avoir le temps de réfléchir au degré d’entropie laissée derrière soi ; sentir l’air glacé pénétrer dans les poumons incendiés par la contrainte physique, la difficulté du combat livré.

Le Bois du Mont/ PHOTO © Jean-Luc Gantner

C’est là que j’ai croisé Tony. C’est con, mais je croyais l’avoir perdu de vue depuis qu’on s’était engueulé à propos d’un titre de Lou Doillon (C’est fou ce que l’on peut quelquefois s’engueuler pour des trucs vraiment sans intérêt !) Un titre génial, certes ! « mais sur un disque chiant à mourir, je maintiens… » (On n’est quand même pas chez Drucker ici, non ?!) Remarquez que quand je dis « un disque », je dis « un disque » parce qu’on a toujours dit comme ça. Comme on parle d’un tas de trucs qui n’existent plus depuis l’invention d’Internet, mais qu’on continue quand même d’appeler comme on l’a toujours fait pour se persuader d’un vieux monde matériel qui persisterait malgré tout, un monde de choses en dur qu’on peut aussi toucher comme un vélo sur lequel on peut encore poser son cul en se faisant mal aux jambes avec les muscles qui brulent et le cœur que l’on sent battre un peu fort dans les côtes.

Bois de la Lavé en quittant Valentin/ PHOTO © Jean-Luc Gantner

Chemin de la Ferme pour rejoindre Chailluz/ PHOTO © Jean-Luc Gantner

Bon ! Où on en était nous avec tout ça ?!… Oui, ce Tony que je croise la tête baissée sous sa casquette de cyclocrossman et les orteils bien enfoncés dans ses cale-pieds. Le genre de mec qui se fout pas mal de tout ce qui se confond dans les journaux sérieux dont on parlait à l’instant, et de la jolie gente qui les remplit.

La forêt de Chailluz/ PHOTO © Jean-Luc Gantner

Tony dont je prends la roue comme d’autres confrères prennent aussi un paquet de notes pour se souvenir de la marque™ du magasin. Le côté « gente » qui en connait un rayon sur tout ce qui bouge sous les pneus, les mouvements planétaires et la cosmologie générale.

L’aérodrome entre Thise et la montée de Montfaucon/PHOTO © Jean-Luc Gantner

C’est là qu’il s’est remis à pleuvoir. Juste une bruine, un crachin désagréable pour foutre en l’air le beau contraste sur les photos. Tony s’était barré dans une descente débridée, un rythme infernal dans la terre glaise et les effleurements calcaires sous le tapis végétal cramoisi ; une pente redoutable bien au-dessus de mes moyens, me laissant à mes propres pensées agitées des siennes alors en pleine débandade. Une sacrée secousse au moment de me résoudre à serrer les freins.

Besançon depuis le sommet de Montfaucon/PHOTO © Jean-Luc Gantner

Et moi qui étais parti pour vous raconter le beau film de l’été prochain. Cantador, Froome, Rodriguez, Valverde… Wiggins en difficulté dans la deuxième grimpée de l’Alpes pendant que Rolland décide d’attaquer les frères Schleck au passage de la moto TV… Thibaut Pinot en guerrier sur les pentes du Ventoux pour avoir le droit de savourer une Despé sous le podium après avoir enfiler le maillot à pois. Toute une saison de cyclo-cross en cours avec la photo de Francis Mourey chaque semaine dans les journaux. Les classiques qui suivront avec un Tom Boonen affuté comme une faux avant les moissons ; Gilbert prêt pour la revanche ; et le match Cancellara, Sagan… Juste avant le départ d’un 100e Tour de France en Corse. Une randonnée d’enfer dans les pages du Blog Cycliste !
Jean-Luc Gantner

En longeant les falaises au dessus du bois de la Roche/ PHOTO © Jean-Luc Gantner

Sur les hauteurs de Montfaucon/ PHOTO © Jean-Luc Gantner

Les quais et le Doubs, de retour à Besançon / PHOTO © Jean-Luc Gantner

PHOTOS © Jean-Luc Gantner

Le parcours peut bien évidemment être réalisé intégralement, ou découpé en sections au choix du pilote à partir de différentes entrées depuis Besançon. Présenté dans cet article intégralement sur une distance totale de 65KM, il convient alors de prévoir entre 3 heures et 5 heures.

VOIR LE PARCOURS DANS GOOGLE MAP

17 Oct

LA ROUTE/ Le voyage à Bicyclette

Cette route là, sent l’automne à plein nez. « Des feuilles mortes qui se ramassent à la pelle » et des flaques d’eau qui éclaboussent nos plannings surchargés. Novembre en octobre… comme toutes ces incongruités qui accompagnent dorénavant nos voyages modernes de toutes sortes. Cette incessante chorégraphie quantique sur nos écrans, ces inlassables remises à jour de tout ce qui bouge, du plus petit mouvement dans l’air, et du moindre rond dans l’eau. Déjà l’automne ; les casquettes en mode « Belge » bien enfoncées sur les oreilles. Le temps pourri des caleçons longs et des capelines qui se ramène un peu tôt ces jours-ci. La saison des chaussettes épaisses et des imperméables étriqués qui débarque avant l’heure prévue. Cette bruine, ce crachin aux couleurs métalliques qui concourt aux horizons humides de l’arrière saison. Mais rien, qui ne saurait empêcher tout à fait une grande sortie à bicyclette arrangée sur le vif d’une envie subite de prendre le large.

Sur la carte, un peu plus d’une centaine de kilomètres sur les rives du Doubs. Un aller-retour entre Besançon et Dole dans le Jura à l’allure d’une simple trace nomade et tout ce qu’il y a de plus écologique. Besançon, Boussières, St Vit, Dampiere, Rochefort-sur-Nenon et Dole jusqu’au pied de la  Collégiale. Un bout de chemin sur l’itinéraire « Nantes Budapest » de l’Eurovélo N°6. L’idée qu’au retour, l’envie me prendrait alors de poursuivre la route jusqu’à Mulhouse et puis la Suisse, Bale, et le lac de Constance à la frontière allemande, le château d’Arenenberg pour les amateurs, d’autres préféreront la réécriture d’une station balnéaire dans le style art nouveau. A chacun sa route !…  celle d’Herman Hess passait par là dans les premières années du vingtième siècle, où peut être l’écrivain réfléchissait-il sur son futur « Loup des steppes ». Ce malaise, cette âme errante de Harry Haller, le personnage principal du grand auteur allemand, en proie à quelques doutes sur la condition humaine, une crise existentielle face à son destin terrestre inéluctable….  Herman Hess, le temps de reprendre son souffle sans quitter le sujet qui nous préoccupe ici : Le voyage… Un voyage, initiatique, dans le cas de ce « Loup des steppes ». Un monument de la littérature plutôt qu’une bastille de pensées touristiques toute faites, pour en rester à l’objet de la belle carte postale d’un beau lac bien fait.

La route… ou la perspective de quelques milliers de kilomètres à parcourir juste droit devant. La route… qui n’en finirait plus, comme seule case à remplir sur mon calendrier. L’Autriche, Vienne et le Café Prückel, les peintures de Gustav Klimt… et un requiem de Mozart bien sûr, pour compenser cet oubli inexcusable d’avoir laissé Salzbourg en chemin. Une bonne séance d’endurance jusqu’à Bratislava en Slovaquie l’histoire de voir son beau tramway ; puis Budapest la capitale hongroise (l’autre pays du Tramway…) La ville de naissance de Robert Capa, le photographe reporter de guerre ami de Cartier Bresson dont le nom restera a jamais gravé dans la mythologie du photojournalisme et dans celle de l’antifranquisme.

Budapest, pour dévorer un de ces Goulasch typiques ou un ragout d’agneau au paprika (C’est qu’il commence à faire faim sur la route après plus de 3000 kilomètres à pédaler sans relâche la tête dans les étoiles d’une communauté européenne toute concentrée sur la même cuisine économique et financière qui lui déchire l’estomac depuis des mois.

Le Danube plonge ensuite d’un coup plein sud vers l’ancienne Yougoslavie, Osijek, Vukovar en Croatie (la ville martyre du conflit Serbo/croate avant celui quatre ans plus tard de Srebrenica en Bosnie-Herzégovine. La dernière grande barbarie du vingtième siècle où s’illustrèrent les très zélés Miroslav Radic, Goran Hadzic, et autres Ratko Mladic… tous sous le contrôle politique de Radovan Karadžić ; le psychiatre et dirigeant Serbe, qui avait orchestré le siège de Sarajevo, accusé de génocide et de crime contre l’humanité comme le fut avant lui le président des Serbes Slobodan Milošević décédé avant la fin de son procès à La Haye. Un procès pour juger les principaux responsables serbes impliqués dans les atrocités militaires commises durant la guerre de Yougoslavie qui a repris au cours de ce mois de novembre 2012 au Tribunal pénal international avec à la barre, Radovan Karadzic, l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie. L’homme, poète à ses heures, s’est d’abord présenté devant les juges mardi 16 octobre dernier en « artisan de la paix », soulignant son souhait « d’être récompensé pour toutes les bonnes choses qu’il aurait accomplies dans sa vie ».) Cette constance qu’ont les hommes d’avancer tête baissée et sans jamais vouloir s’acquitter de rien…

L’Eurovélo 6 quitte maintenant  la ville de Novi Sad dans l’ancienne Voïvodine, et puis Belgrade, la ville blanche… d’où toute l’affaire était partie du temps où avec un ami photographe, nous tentions d’apprendre le métier dans cette grande débâcle générale des Balkans en dormant sur le front avec nos bons vieux Nikon™ argentique qu’on oubliait quelquefois dans les bars une fois rentrés chez nous. C’était il y a exactement vingt ans maintenant. ). Une route comme prétexte au réarmement des souvenirs à haute tension le long d’un Danube qui n’aurait peut-être pas obligatoirement la même définition romantique pour tout le monde. La route reprend vers l’Est et délaisse encore Bucarest au pied de la Transylvanie, la capitale roumaine, dont ceux de ma génération associent encore le nom de Ceaușescu à l’histoire des républiques socialistes qui s’est arrêtée là dans un bain de sang, en 1989, quelques semaines après la chute du mur de Berlin.  La Roumanie… et je préférerais volontiers retenir ces formes d’un « baiser » parfait de Brâncuși, le sculpteur originaire des Carpates débarqué à Paris dans l’époque des Ready-made de Marcel Duchamp pour foutre un sérieux bordel dans l’académisme d’une discipline encore toute dédiée à ces « Rodin » du XIXe siècle toujours persistants.

Ma route délaisse par le sud cette évocation d’un monde aujourd’hui enfoui sous les couvertures des livres d’histoire, comme le nouveau ruban d’asphalte tendu aujourd’hui entre l’Est et l’Ouest m’épargne la visite de la Moldavie toute proche. (Avec mon frère d’armes déjà à mes côtés en Yougoslavie, nous avions traversé ce pays alors en proie à la guerre civile dans les années 90… Deux camps, dont l’un adossé à l’Ukraine agissait sous les ordres du général Lebed, commandant en chef à l’époque, de la 14e armée de la fédération de Russie basée à Tiraspol pour empêcher la Transnistrie de basculer du côté de l’Otan. Une route semée des pires embuches administratives et surtout militaires au lendemain de l’effondrement de l’Union Soviétique. La Moldavie côté Dniestr dont les autorités locales de tout acabit, nous avaient les unes après les autres dépouillés de tout ce qui pouvait représenter la moindre valeur financière resté en notre procession après le long voyage qui nous avait conduit jusque là. Des opérations de rétorsions menées sous la menace de Kalachnikovs, et dans des reflux d’alcool en habit de camouflage dont je n’ai rien oublié des effluves rustres et bestiales ; tout ce qui délitaient peu à peu notre objectif de reportage dans la région !) Ce territoire de facto, actuellement  « la république Moldave du Dniestr » seulement reconnue par elle-même au profit certain de trafics en tout genre. Une plaque tournante pour les ventes d’armes, la drogue et les réseaux mafieux. « Bienvenue au pays des derniers soviets ! » comme l’a écrit Frédéric Delorca en 2007. Le dernier endroit au monde où le marteau et la faucille dominent encore aux frontons des Kolkhozes réfractaires. L’ultime endroit où l’idéologie des goulags a encore force d’esprit ; où Lénine tient encore de tous ses boulons bien serrés… Un cadavre de l’URSS dans le plus pur style néo-classique cher à Rodtchenko. Ces chef-d’œuvres pompeux encore bichonnés comme les carrosseries d’antiques Lada posées en agrément des paysage de béton défoncé.

La route prend fin à quelques dizaines de kilomètres d’Odessa sur les rives occidentales de la mer Noire. Je ne peux éviter la mythique bande muette d’Eisenstein qui se superpose au grand escalier « Potemkine » et menant ces temps ci à un immense centre commercial. Le boulevard Primorski ou l’on aurait aperçu Pouchkine au temps de la grande Saint-Pétersbourg.

Hermann Hess, Robert Capa et les cafés viennois, Sarajevo, le constructivisme soviétique et l’exil de Pouchkine sous le règne d’Alexandre… Une journée de repos bien remplie sur ma bicyclette pour décompresser d’une semaine de boulot. Jean-Luc Gantner

PHOTOS © Jean-Luc Gantner