18 Juin

LIVRE/ « Les grandes heures du Tour de France »

Pour ceux qui n’auraient pas eu la chance de lire « Le grand braquet » édité en 2003 aux éditions Archipel, la maison d’édition parisienne a saisi l’opportunité de l’événement sportif planétaire du calendrier estival pour réimprimer le texte dans un format poche. Une opportunité… mais contrairement à tout un tas de sottises carambouillées ces derniers temps pour épater la galerie à l’image de cette « Grande Boucle » dont le Blog cycliste vous vantait les mérites lors de sa sortie en salle tapageuse, ces « Grandes heures du Tour de France » ne se dérobent sous aucun arrangement facile.

« Grandes heures du Tour de France » – Jean-Noël Blanc – Archi Poche
(Photo de couverture – Luis Herrera dans l’Alpe d’Huez pendant le Tour de France 1987)
PHOTO © JL Gantner

Allez ! Quelques jours encore… À peine quelques semaines à piétiner devant son écran de télé pour retrouver le grand roman de l’été ; la suite de la grande saga… Le 100e chapitre tout rond cette année. Le solde d’un Dauphiné écrasé par les hommes de la Sky, celui d’un nouveau Tour de Suisse remporté par le Portugais Rui Costa, avant la prestigieuse comptabilité de trois journées du championnat de France dans le pays des Abers (Lannilis, 20 au 23 juin)… Et la folle bagarre vélocipédique la plus attendue de l’année se mettra en route pour la centième fois de son histoire depuis 1903. « Une des plus étonnantes machines jamais conçue par les hommes pour fabriquer du rêve », écrit Jean Noël Blanc à la toute première page de ses « Grandes heures du Tour de France ». L’homme est romancier (« L’Inauguration des ruines »), mais surtout passionné de cyclisme. Un « pratiquant du dimanche », comme il se qualifie lui-même ! Ce qui ne gâche rien de l’intérêt considérable qu’il porte sur le petit monde épris de bécanes de vitesse délurée ; cette communauté de pédaleurs vedettes d’une fantastique épopée depuis ces « zigotos » de Robic, Ronconi ou kubler…  ces Coppi, Anquetil, Bobet, Poulidor… juste un peu plus tard ; et puis Merckx, Hinault, Fignon bien sûr ! Pour finir avec Laurent Jalabert aux prises avec son « Tour d’honneur »en  2002. Cette journée inoubliable dans les rampes du plateau de Beille où des milliers de spectateurs avaient scandé le nom du grand coureur français pour lui témoigner leur affection à la fin de sa carrière. « Jaja… Allez Jaja !… » Jalabert qui « n’avait plus connu ces vivats depuis l’étape de Mende en 1995. Un jour de grâce comme on en connait peu au cours d’une carrière. On n’était qu’au 20e kilomètre et il en restait 200 avant l’arrivée à Mende. Mais les Banesto d’Indurain prenaient vraiment l’eau. La partie de manivelles avait commencé sur les routes piégeuses du massif central. 200 bornes de bagarre. Jalabert était remonté à la troisième place du général. et il s’était offert l’étape, en lâchant les derniers échappés dans la montée du Causse, juste avant l’arrivée. une route étroite, pentue, raide, et la foule proche, serrée, dense, hurlante, qui déjà scandait « Jaja sur son passage. Un 14 juillet » .   Ces « Grandes heures »… 23 étapes de légende sous la plume d’un observateur très affuté dans la matière d’une fabuleuse histoire de forçats cousue au fil de plusieurs dizaines d’étapes mythiques… Le récit de Jean-Noël Blanc épouse sans maneuvre les péripéties des héros de la route. Un travail parfaitement documenté, minutieux, mais dont, comme Antoine Blondin avait aussi su s’échapper en son temps de l’histoire officielle sans disconvenir à la véracité des événements…  se paye quelques tours de roues à l’avantage de sa verve et de son goût pour le mélodrame. Une histoire d’amour pour la Grande Boucle. À lire où à relire obstinément.
Jean-Luc Gantner

« LES GRANDES HEURES DU TOUR DE FRANCE »
JEAN-NOËL BLANC
ÉDITIONS ARCHIPOCHE

288 PAGES
7,65 €

14 Juin

CINÉMA/ « La grande boucle » où la pire autopromo du siècle !

En matière de « navets », le sport cycliste transposé à l’écran avait déjà eu sont lot de perles incontournables en commençant par cet ovni de 1968 : « Les cracks », un film d’Alex Joffé interprété par Bourvil, ou plus récemment : « Le vélo de Ghislain Lambert » avec Benoît Poelvoorde. Cette comédie franco-belge qui avait au moins le mérite de faire profiter le spectateur d’un second degré manifeste et presque irrésistible tant l’acteur de « C’est arrivé près de chez vous » avait la tronche de l’emploi et du talent à revendre quelle que soit l’imbécilité dans laquelle il choisit quelquefois d’exploiter ses compétences.

MAIS CETTE « GRANDE BOUCLE » !…

La grande Boucle/ PHOTO © Wild Bunch Distribution

Il m’avait d’abord semblé qu’en parler serait déjà lui faire trop de publicité. Une escroquerie à 9,30 euros la place. Après une bêtise pareille, on apprécierait presque la pluie de retour après ces toutes premières heures de canicule estivale. Une bêtise… Mais il faudrait dire : une ânerie, une balourdise… Une niaiserie cinématographique à la limite d’une injure infligée aux passionnés de cyclisme. « La grande boucle ». On croit rêver ! Mais de qui se moque-t-on ? Une imposture dont on nous bassine les oreilles à la télé depuis des semaines pour nous aider à foncer dans les salles remplir les poches de quelques producteurs mal inspirés. En l’occurrence, Renaud Souhami, ancien cadre financier d’M6, avant de devenir le grand argentier de la Coupe du Monde de Rugby « France 2007 » et de s’intéresser maintenant au cinéma… La grande boucle… La belle idée du dirigeant de Bago films au guidon de cette œuvre « pignonesque » consternante. (Comprenez ce « pignonesque » employé ici, pour la référence à ce François Pignon héroïque dans le premier rôle du « Dîner de con », au lieu d’un développement 53X11 auquel on pense d’emblée sur le sujet d’un braquet pour le moins prétentieux lorsqu’il s’agit de viser le sommet de l’affiche dans un col bien trop raide pour ses modestes capacités !) La grande boucle… Et franchement, on ne pourrait pas faire plus opportuniste ! Cette idiotie programmée sur les écrans quelques jours seulement avant le départ de la 100e édition du Tour de France pour être bien sûr d’une promo à son comble au moment propice… Est-il besoin de rajouter quoi que ce soit ? Si, bien sûr ! La crétinerie du scénario dont je ne sais par où commencer pour vous commenter la triste caricature d’un cycliste amateur (« comme il y en a des millions… » expliquait le synopsis diffusé par Bargo films pour attirer les financeurs en 2012). « Un passionné du Tour de France lancé dans la formidable aventure de parcourir les routes de la grande épreuve médiatique de juillet « 1 jour avant le peloton professionnel » (Ouahh !! La bonne idée quand même pour éviter de faire un peu tache sur le porte bagage du train de la Sky juste derrière Bradley Wiggins et Chris Froome lancés à toute berzingue vers la ligne d’arrivée… Imaginez alors le boulot !)

Clovis Cornillac – La grande Boucle/ PHOTO © Wild Bunch Distribution

UN FOURRE-TOUT INEPTE DE STÉRÉOTYPES
Bref ! une entreprise intrépide dans l’espoir de reconquérir sa jeune femme désespérée par la puérilité sans bornes de son pédaleur du dimanche. Ce vendeur de cycles dans un grand magasin dont la marque nous est ostensiblement débitée d’un bout à l’autre du film comme aucune autre nous est d’ailleurs épargnée de la première à la dernière image. De l’enseigne et du logo superposés sur chaque plan, au cas où vous n’auriez pas bien compris l’intention de cette publicité pour ASO, travestie en forme d’accoutrement artistique recevable pour toucher quand même les subventions du CNC !… Un festival de prouesses acrobatiques indigestes mené par Laurent Tuel (le réalisateur de « Jean-Philippe » finalement promu capitaine de route du tournage de La grande Boucle, alors qu’on nous avait d’abord annoncé Frédéric Forestier, le réalisateur d’ « Astérix aux jeux olympiques » !) Laurent Tuel dont j’avoue avoir eu un peu de mal à suivre le raisonnement au sein de ce piège commercial aussi retentissant, mais Le cœur à quelquefois ses raisons que la raison ignore n’est-il pas ? Oui, bon, d’accord, mais quand même ! Ces grosses ficelles… Cette démesure dans l’effort de vouloir plaire au plus grand nombre par la matière d’une règle comptable si obstinée ! Un fourre-tout inepte de stéréotypes dont on imagine le calcul préalable dans le tiroir caisse de la production. Et rien n’est épargné au spectateur, mais alors vraiment rien ! De la piètre prestation de Nelson Monfort dans son propre rôle de commentateur sportif, et jusqu’aux fausses accusations de dopage grosses comme les mille fourberies censées dissimuler l’autopromotion récurrente des partenaires de la société du Tour à chaque plan.

Bernard Hinault, Clovis Cornillac, Laurent Jalabert – La grande boucle/ PHOTO © Wild Bunch Distribution

UNE GRANDE BOUCLE DE PACOTILLE
La niaiserie balnéaire atteint très vite son paroxysme avec le personnage de Tony Agnelo, futur maillot jaune de cette Grande boucle de pacotille. L’acteur Arry Abitan, aussi crédible sur un vélo que ce vieux Marcel Amont serait vraisemblable en invité surprise sur la scène des Eurocks. Pathétique !

CLOVIS CORNILLAC HÉROS DU « NAVET DE L’ANNÉE »
Reste la performance annoncée de Clovis Cornillac qui aurait avoué avoir roulé plus de 5000 km pour jouer son rôle. Bein, il n’aurait plus manqué que ça ! Je veux dire… que le mec n’ait pas pris la peine de pédaler quelques kilomètres avant de jouer le rôle d’un coureur cycliste planté au milieu du Tourmalet !… on croit rêver ?! Pour être honnête, notre « François » de coureur cycliste amateur héros du navet de l’année est à peu près le seul à tenter de se sortir du couscous débilo-médiatico-publicitaire où tout le monde pédale dans la semoule pendant une heure et demie. Clovis Cornillac, Laissons lui au moins cette circonstance atténuante d’avoir voulu y croire, sincèrement jusqu’au bout ! comme pour Bruno Lochet, l’ex Deschiens dans son joli costume minimaliste de supporter franco-hollandais ; camping car, bière et cul à l’air à l’appui ; toute la panoplie… Deux belles tentatives d’échappées désespérées pour s’extraire du marasme dans lequel se sont également fourvoyés Laurent Jalabert, Bernard Hinault ou encore Michel Drucker… Manquait plus à l’appel qu’Henri Desgrange, Jean Robic ou Louison Bobet… l’ensemble pané dans un bain d’huile Lessieur et accompagné d’une tranche de saucisson Cochonou pour rajouter à la joyeuse fête du gras organisée par Bago films !

La grande boucle… Et après ça, personne ne s’étonnera de ne plus voir un film sur le cyclisme caracoler sur les écrans avant longtemps !
JL Gantner