04 Mar

Municipales à Besançon : le PS est-il déjà mort ou seulement agonisant ?

Besançon a été gérée par des maires socialistes depuis 1953 jusqu’à 2017, date à laquelle Jean-Louis Fousseret, socialiste, a choisi de rejoindre Emmanuel Macron. Pour ces municipales dans la capitale comtoise, le PS est le supplétif d’EELV. Son chef de file, Nicolas Bodin, ne sera même pas le premier adjoint d’Anne Vignot, la tête de liste verte, en cas de victoire. De plus, des militants socialistes grognent : la décision de faire l’union avec la gauche dès le premier tour n’aurait pas été prise de manière démocratique. Scission dans les rangs : certains soutiennent Eric Alauzet, LREM, au risque de l’exclusion comme pour Joseph Pinard, ancien député. Et, conséquence ou pas, Olivier Faure, le patron du PS, en visite à Besançon, ne rencontre pas ses troupes…

 

Coup de force au PS bisontin ?

Certains militants crient au scandale démocratique.

En assemblée générale pour décider si, pour les municipales, le PS doit trancher : partir seul ou en union avec ses habituels partenaires de gauche, notamment PCF et EELV. Une personne, militante de longue date, qui souhaite garder l’anonymat raconte, entre colère et déception : « Un vote des militants socialistes a décidé d’une liste autonome. On a besoin de se compter, de voir combien on pèse sur la ville. Si c’est 7 %, on assume et puis voilà ! On est déjà tellement peu, il faut défendre nos idées avec Nicolas Bodin tête de liste. Ensuite, on aurait négocié pour le second tour avec les Verts et les Communistes. » Ou pour rejoindre Eric Alauzet, LREM ? « Ah, certainement pas ! Il s’est servi de nous. On l’a porté pendant des années. Ce n’est pas pour se rallier à Eric Alauzet pour le second tour.»

Suite de ce témoignage :« Puis, 3 jours plus tard, Nicolas Bodin est en photo dans l’Est Républicain avec Vignot et Lime. C’est l’union dès le premier tour, contrairement à ce qu’on avait voté. C’est le coup de massue ! Un second vote a lieu ensuite à la section. Forcément, le choix de l’union arrive largement devant. On ne voulait pas fragiliser Nicolas Bodin. Le coup de force a été légitimé après coup. Des socialistes se sont vendus pour des postes. Certains dépendent financièrement de la politique. Alors forcément, ils pensent déjà à eux avant de penser au parti…»

 

Rencontre avec Pierre Gainet, secrétaire de la section de Besançon, et Nicolas Bodin, ex-tête de liste socialiste. Ils sont formels : « Cette décision de faire alliance dès le premier tour a été prise de manière démocratique, lors d’un vote. » Les deux responsables politiques réfutent toute accusation de « coup de force ».

 

L’exclusion ou pas ?

 

Deuxième malaise : Joseph Pinard, ancien député socialiste, apporte son soutien à Eric Alauzet, candidat LREM (Lire ici). L’historien l’annonce en grande pompe, à la permanence du candidat. Il attend presque avec gourmandise son exclusion du PS, lui militant depuis 1968, du temps de la SFIO. Il rappelle que Barbara Romagnan, députée socialiste du Doubs, a été frondeuse très active sous la présidence de François Hollande. Sans être inquiétée. Sans être menacée d’exclusion.

Pour Nicolas Bodin, c’est clair : c’était à la commission nationale de statuer sur le cas, Barbara Romagnan étant élue nationale. En revanche, localement, le PS peut « régler son compte à Joseph Pinard » mais « Libre à lui de partir s’il ne se reconnaît pas dans le PS » affirme Pierre Gainet. Nicolas Bodin renchérit : « J’aimerais qu’il soit cohérent. Qu’il parte de lui-même… »

Joseph Pinard a fait savoir qu’il ne démissionnerait pas. Il est prêt à venir s’expliquer devant l’instance prévue, à savoir la commission des conflits.

Et des soutiens s’élèvent pour soutenir celui qui soutient Eric Alauzet

Exemple, entre autres, Pierre Magnin-Feysot , maire du Russey de 1986 à 2001, président du groupe socialiste au conseil régional de Franche-Comté , ou encore, Simon Vouillot, ancien socialiste et ancien assistant parlementaire de la députée Paulette Guinchard : « … Aujourd’hui, c’est Joseph Pinard qui concentre les critiques des apparatchiks de mon ancien parti… Joseph est pour moi un exemple. Son désintéressement, sa rigueur intellectuelle, son implication en font un individu unique… »

 

Quel avenir pour le PS ?

 

Conflit d’intérêt ? De générations (sans jeu de mot) ?

Les partisans de la liste autonome voulaient « défendre les idées socialistes, de la social-démocratie ». Au risque d’être en position de faiblesse pour négocier entre les deux tours ? Oui, Nicolas Bodin est formel : « Actuellement, dans d’autres villes, les socialistes qui sont partis seuls se retrouvent à 7 ou 8 % dans les sondages. A Besançon, il fallait s’attendre aux mêmes scores. Je n’aurais pas obtenu ce que j’ai avec Anne Vignot après le premier tour. » Mais il lui a fallu accepter des colistiers auxquels il ne s’attendait pas, certains Verts jugés « dogmatiques » ou encore des membres de GénérationS, ceux qui ont saboté le mandat de François Hollande… Dur, dur, le pragmatisme, non ?

Joseph Pinard ne veut plus d’alliance avec le PCF : « qui n’est plus le même qu’en 81. Il s’est radicalisé en courant après Mélenchon.»

Pierre Gainet juge que la « liste d’union de la gauche » se situe, en effet, beaucoup plus à gauche que lors des scrutins municipaux des années précédentes : « Le PS n’est pas prépondérant, c’est sûr… » Il ajoute avec un petit sourire contrit : « On se retrouve à la droite de cette liste de gauche, ça fait drôle… »

Nicolas Bodin, lui, veut penser à l’avenir : « Pinard pense pour les 3 semaines qui viennent. Moi, pour les 15 ou 20 ans. Le macronisme va s’écrouler, dans 2 ans, dans 7 ans. Il faut qu’on continue d’exister. Pour être présent à ce moment-là. »

Pour d’autres, militants de longue date, le PS est mort à  Besançon.

Jacques Vuillemin, ancien adjoint du maire socialiste Robert Schwint, était favorable à  une liste d’union dès le premier tour. Il le regrette aujourd’hui.et il s’étonne de cette fausse union de la gauche où « EELV ravit une ville au PS… J’ai l’impression d’assister à l’enterrement du PS. Le PS a disparu du paysage, noyé dans la gauche. Après les municipales, le PS sera -t-il encore en situation d’exister dans le paysage bisontin pour les prochaines élections ? J’ai peur qu’on ne s’en relève pas. »

Laissons la conclusion, provisoire, à Nicolas Bodin, qui se joue philosophe : « Quand je parle de l’après-macronisme, je ne pense pas à moi pour cette période mais aux jeunes, ceux qui vont prendre le relais. D’ailleurs, le PS est une excellente école. Cette année, sur les 9 listes à Besançon, 8 d’entre elles ont, dans leurs rangs, des socialistes ou anciens socialistes dans leurs rangs, toutes sauf le Rassemblement National. Heureusement !  Oui, on est un excellent centre de formation. Un peu comme le FC Sochaux. »

Oui, le FC Sochaux qui évolue en deuxième division et qui frôle, souvent, la relégation… Un modèle ?