Il est commissaire européen, mais il s’invite sans complexe dans la campagne présidentielle française: Pierre Moscovici se déclare prêt à combattre les candidats qui « tirent sur le pianiste bruxellois » et à leur rappeler l’importance des règles de l’UE. Pour justifier sa démarche, Pierre Moscovici commence par tirer les leçons du Brexit: « C’est une campagne de communication perdue depuis longtemps », a-t-il regretté lors d’une rencontre avec la presse à Paris cette semaine, se plaignant des « âneries » lancées contre Bruxelles qui « ont biberonné pendant 40 ans » les citoyens britanniques.
« Nous n’avons pas combattu ces mensonges dévastateurs avec suffisamment de vigueur par le passé », reconnaît le commissaire qui ne veut plus rester les bras croisés dans sa « bulle bruxelloise » et s’empresse d’appliquer les consignes données par Jean-Claude Juncker à tous les membres de sa Commission de se rendre dans leurs Etats respectifs pour rencontrer parlementaires et citoyens afin de mieux vendre le projet européen.
A Paris, Pierre Moscovici, ancien élu du Doubs, s’est livré à cet exercice jeudi: audition devant le Sénat le matin et conférence l’après-midi.
Dans un contexte qu’il juge lui-même « difficile », avec un euroscepticisme en hausse en France et les scandales qui ternissent l’image de Bruxelles comme le recrutement de l’ancien président de la Commission, José Manuel Barroso, par la banque Goldman Sachs, ou encore celui de l’ancienne commissaire à la Concurrence Neelie Kroes, qui était directrice d’une société aux Bahamas pendant son mandat.
« On ne peut ignorer les questions que se posent nos concitoyens », répond celui qui était directeur de campagne de François Hollande en 2012 et qui s’engage dans celle de 2017 « pour y dénoncer les innombrables mensonges qui se déversent tous les jours sur notre pauvre Europe ».
« Ma démarche n’est pas illégitime »
« Je tiens à ce que l’Europe soit présente positivement dans le débat présidentiel », assure l’auteur d’un livre à paraître dans un mois, qui vise à redorer le blason de l’UE. « Je n’accepte pas que l’on soit sans arrêt dans l’eurobashing, dans l’euroscepticisme, dans le souverainisme, dans le nationalisme », s’agace-t-il.
M. Moscovici ne s’interdit pas d’aller plus loin encore dans la campagne en tant que « socialiste »: « Je soutiendrai un candidat de gauche »
à l’élection présidentielle, affirme-t-il, sans donner de nom et sans crainte non plus d’être accusé d’ingérence dans les affaires internes françaises.
« Ce n’est pas illégitime », rétorque-t-il. « Les autres commissaires vont faire la même chose » dans leur propre pays, assure-t-il.
« Je serai présent avec des réserves d’usage dans la campagne et il y a des choses que je m’interdirai complètement. Par exemple, je ne serai pas assis au premier rang d’un meeting », explique-t-il.
« Ce n’est pas à moi d’aller polémiquer avec des hommes et des femmes de droite. Pour une raison très simple : après 2017, je travaillerai avec le gouvernement élu quel qu’il soit », explique l’ancien ministre de l’Economie et des Finances.
« Qu’on en finisse avec la préférence pour les déficits »
Il n’hésite pas aujourd’hui à rappeler aux candidats à la présidentielle l’importance de respecter le seuil de 3% de déficit, quand bien même son pays n’était pas dans les clous quand il était à Bercy de 2012 à 2014.
« Je voudrais qu’on en finisse en France avec la préférence pour les déficits et que l’on arrête de jouer avec cette règle des 3%. Cette règle est inscrite dans les traités », répond-il aux candidats qui, à droite comme à gauche, ont annoncé qu’ils ne respectaient pas les règles du pacte de stabilité.
« Une solution de facilité qui sert à habiller le fait que l’on veut faire un certain nombre de baisses d’impôts sans faire les économies correspondantes », dénonce-t-il.
« Dans mon pays, j’aimerais que l’on arrête de toujours tirer contre le pianiste bruxellois pour éviter de faire les réformes domestiques », ajoute-t-il, avant de lancer un avertissement de commissaire aux candidats.
« Pour sortir d’une procédure de déficit excessif, il faut considérer que la réduction des déficits en-dessous de 3% est solide et durable », a-t-il rappelé. (AFP)
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