C’est une initiative qui sème le trouble à droite. Le sénateur UDI du Doubs Jean-François Longeot, qui fut jusqu’en septembre dernier président du groupe de droite au conseil général, a décidé d’apporter son soutien à deux candidats socialistes, Yves-Michel Dahoui et Vincent Fuster. Il apparaît même sur les documents de campagne des deux conseillers généraux sortants. « Ce n’est pas une consigne de vote, précise le parlementaire. Mais ce sont des élus compétents, avec qui j’ai aimé travailler ». A l’UMP, certains n’hésitent pas à qualifier l’attitude du sénateur de « trahison ».
Son nom figure sur la longue liste des soutiens du binôme de gauche dans le canton de Besançon 2, dans un tract de Catherine Barthelet (DVG) et Vincent Fuster (PS). Dans le canton voisin de Besançon 5, il apparaît même en photo auprès du candidat socialiste Yves-Michel Dahoui, qui fait équipe avec Michèle de Wilde.
Voir Jean-François Longeot sur les documents de campagne de ses adversaires au conseil général pendant plus de 15 ans, cela ne manque pas d’interpeller.
Le principal intéressé a conscience de prendre parti pour « des hommes et des femmes qui n’ont pas ma sensibilité », mais ce sont « des hommes et des femmes compétents, qui font du bon travail », juge le sénateur.
Une démarche « au-dessus des partis », revendiquée aussi par le socialiste Yves Michel Dahoui, l’un des bénéficiaires de ce soutien inattendu: « On a pris des libertés avec les appareils. Ce n’est d’ailleurs pas le propre de l’UMP d’avoir des gens qui n’ont jamais rien démontré et qui veulent tout régenter ».
Ce brouillage de la carte politique n’est-il pas de nature à renforcer l’idée d’une UMPS, formule chère au Front national pour renvoyer dos à dos les deux principaux partis de gouvernement ? « C’est un soutien personnel. Ça ne fait pas de lui un socialiste », balaye le conseiller général PS, adjoint en charge de la famille à la ville de Besançon.
La bataille des sénatoriales toujours pas réglée
On a passé plusieurs coups de fil à l’UMP. Ça a longtemps sonné dans le vide.
Une candidate nous a renvoyé le message ci-contre, sans équivoque. Elle parle ni plus ni moins de « trahison ».
Si ce soutien fait aussi mal à l’UMP, c’est parce que Jean-François Longeot est tout sauf un inconnu. Il a dirigé le groupe d’opposition des conseillers généraux de la droite et du centre pendant dix ans. En septembre, il se lance dans la course aux sénatoriales, sans l’aval de l’UMP, qui lui préfère l’ancien député Jacques Grosperrin. Sur la liste « officielle » figure aussi Christine Bouquin, présidente de l’association départementale des maires… et désormais chef de file de la droite au Département.
Finalement, Jacques Grosperrin et Jean-François Longeot sont élus. Pas Christine Bouquin. Le maire d’Ornans, membre du parti radical valoisien, siège au groupe UDI au Sénat. Il démissionne du conseil général.
« Un manque de respect manifeste pour les électeurs »
Candidat UMP sur le même canton qu’Yves-Michel Dahoui, Ludovic Fagaut, est le seul à avoir décroché son téléphone.
Il dénonce une initiative « un peu incompréhensible », « plus qu’ambiguë », qui « crée le trouble et met le doute ». On lui fait remarquer qu’il était le porte-parole de Jacques Grosperrin lors des municipales, et que sur le canton de Vincent Fuster, l’un des candidats de l’UMP n’est autre que Michel Vienet, le secrétaire départemental du parti: « Le hasard en politique, je n’y crois plus trop », reconnaît le conseiller municipal d’opposition à Besançon. Il y a « certainement des rancoeurs ».
En fin de journée, c’est par un communiqué que l’UMP du Doubs réagit. Le texte est signé par le président départemental, Jean-Marie Binetruy. Il est très rare que l’ancien député prenne ainsi la plume. Et elle est acérée:
« Cette prise de position, inconcevable, n’engage que lui-même, mais elle risque de semer le trouble et la confusion et constitue un manque de respect manifeste pour les électeurs qui lui ont fait confiance et l’ont élu Conseiller général puis Sénateur sur son engagement à droite.
Il y a deux catégories de politiques : ceux qui restent fidèles, contre vents et marées et dans toutes les turbulences, à leurs convictions et à leur mouvement, et ceux qui, au gré des opportunités, de leurs intérêts ou de leurs rancœurs sont prêts à marquer des buts contre leur camp et à se laisser aller à toutes les compromissions ! »
« En échange, y’a quoi? »
A gauche aussi, certains s’interrogent sur le sens de la démarche de Jean-François Longeot. C’est le cas par exemple du conseiller régional d’Europe Ecologie-Les Verts Eric Durand.
C’est confirmé, JF Longeot sénateur ex UMP soutient 2 candidats PS, comme pour donner raison à ceux qui mélange les acronymes des 2 partis
— Eric Durand (@EricDurand25) 12 Mars 2015
Donc l’ex chef de l’opposition du cg25 soutient 2 ex collègues de la majorité PS. et en échange il y’a quoi?— Eric Durand (@EricDurand25) 12 Mars 2015
Le Parti communiste, qui présente des candidats sous l’étiquette « Gauche citoyenne écologique et solidaire », a aussi réagi dans un communiqué ce vendredi:
« Il devient donc difficile de ne pas se tromper de candidat lorsque l’on souhaite voter à gauche aux prochaines élections départementales.
Les candidats de la gauche citoyenne écologique et solidaire sauront représenter la gauche sans ambiguïté, avec eux vous ne vous tromperez pas de vote. »
« Pas de revanche à prendre sur l’UMP »
Jean-François Longeot, lui, reste droit dans ses bottes: les hommes plutôt que les partis: « Je n’ai pas de revanche à prendre sur l’UMP. J’ai gagné les sénatoriales tout seul, mieux que n’importe qui ». D’ailleurs, il assure qu’il ne savonne pas la planche à ses anciens petits camarades. « Je soutiens tous les sortants », rappelle-t-il. Y compris le dissident Patrick Ronot, à qui l’UMP a préféré Alain Loriguet sur le canton de Besançon 4. Encore une fois: le choix d’un homme plutôt que le choix d’un parti.
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