01 Mai

La Franche-Comté est-elle de droite ou de gauche?

La Franche-Comté est de droite. La preuve? Elle a 11 députés de droite sur 13, et a placé Nicolas Sarkozy ou Jean-Marie Le Pen en tête du premier tour lors des trois dernières présidentielles.

La Franche-Comté est de gauche. La preuve? Les quatre conseils généraux et le conseil régional sont dirigés par des exécutifs socialistes.

Analyse d’un paradoxe, pas si étonnant qu’il en a l’air, avec l’éclairage d’élus de droite comme de gauche.

Le dimanche 22 avril, la Franche-Comté est restée fidèle à Nicolas Sarkozy, plaçant le Président de la République sortant en tête des suffrages avec 26,6% des suffrages. En 2007 déjà, Nicolas Sarkozy avait largement devancé Ségolène Royal au premier tour (30,9% contre 24,1%). Et en 2002, c’est Jean-Marie Le Pen qui avait recueilli le plus grand nombre de suffrages (20%), devant Jacques Chirac (17,7%), Lionel Jospin rassemblant péniblement 13,5% des votants.

Notre région semble donc pencher nettement à droite, une impression largement confirmée par la couleur politique des représentants francs-comtois à l’Assemblée nationale: sur 13 députés sortants, 11 émargent à l’UMP ou chez un de ses partenaires. Seuls Pierre Moscovici et Jean-Michel Villaumé portent les couleurs socialistes.

Et pourtant, depuis l’an passé, la gauche est hégémonique au niveau régional. La conquête du conseil général du Jura par les socialistes et leurs alliés lors des dernières cantonales a parachevé la mainmise de la gauche sur les collectivités locales. Le conseil régional est à gauche, les quatre conseils généraux aussi, les quatre plus grandes villes de la région également…

La droite résiste mieux ici qu’ailleurs

Alors, comment expliquer ce qui semble être une versatilité des électeurs francs-comtois? D’abord, constatons qu’il s’agit d’une tendance nationale: à la droite la Présidence de la République et l’Assemblée nationale, à la gauche les collectivités locales. La progression des socialistes et de leurs partenaires lors des élections locales (les cantonales remportées par la gauche dans le Jura l’an passé en sont un symbole) a même provoqué un historique changement de majorité au Sénat à l’automne dernier. Cependant, la Franche-Comté se distingue lors du premier tour de la présidentielle 2012, ne suivant plus la tendance nationale. Seules 9 régions ont placé Nicolas Sarkozy en tête (contre 13 pour François Hollande). La droite résiste donc mieux en Franche-Comté qu’ailleurs .

« Les enjeux ne sont pas les mêmes, avance Françoise Branget, députée UMP du Doubs. Les élections nationales représentent davantage l’avenir. Les gens sont plus mobilisés ». Certes, la participation est supérieure lors des élections nationales. Mais cela n’explique pas tout.

La gauche choisit mieux ses candidats locaux

« Ces résultats interpellent », reconnaît Nicolas Bodin. Et le premier fédéral socialiste dans le Doubs d’émettre une hypothèse: le PS présenterait de meilleurs candidats que la droite lors des élections locales. « Ça peut être vrai », reconnaît Françoise Branget, qui prend en exemple le recul de la droite dans le Doubs lors des cantonales 2011 (trois cantons perdus). « Nous avons perdu certains cantons parce qu’il y avait des tensions à droite », estime-t-elle.

Le président du conseil général, Claude Jeannerot, a étudié les résultats du 22 avril canton par canton. « Le choix des élus locaux relève plus des compétences reconnues que de l’étiquette », assure-t-il, prenant l’exemple du canton de Vercel, où le DVG Léon Bessot a été réélu avec 59,3% des voix l’an passé. François Hollande ne rassemble que 17,9% des voix, contre 38% à Nicolas Sarkozy et 20% à Marine Le Pen. « Léon Bessot a fait campagne pour François Hollande, les gens le savent, ils ont confiance en lui. Et pourtant ils votent Nicolas Sarkozy ». Le sénateur se rappelle la réflexion d’une électrice il y a quelques années: « On est de droite, mais lui on le connaît ». Là encore, le choix du candidat semble déterminant.

Majorité nationale et minorité locale

Damien Meslot, le député et conseiller général UMP du Territoire de Belfort, a une autre explication sur les difficultés de la droite aux élections locales: gouverner serait un handicap. « C’est plus facile d’aborder les élections locales quand on est dans l’opposition nationale, argumente-t-il. Quand on est au gouvernement, on prend des décisions, donc on fait des mécontents. Mon meilleur score aux cantonales, je l’ai obtenu quand on était dans l’opposition ». Et le porte-parole adjoint de Nicolas Sarkozy prévient: « Si on passe dans l’opposition, vous verrez la raclée qu’ils vont se prendre aux prochaines municipales et aux cantonales ».

Une meilleure participation aux élections nationales, de meilleurs candidats à gauche pour les élections locales et le handicap du parti au pouvoir: ces trois hypothèses valident la thèse selon laquelle la Franche-Comté est majoritairement à droite, mais trouve toujours une bonne raison pour lui faire des infidélités…

Et le 6 mai?

Néanmoins, il serait faux de penser que la gauche ne progresse qu’aux élections locales. C’est aussi le cas au premier tour de la présidentielle, notamment grâce au vote Mélenchon (cf graphique ci-dessous). D’ailleurs, même s’il arrive en tête de ce premier tour dans la région, Nicolas Sarkozy et la droite en général ont reculé dans l’électorat franc-comtois par rapport à 2007.

On assiste donc à un rééquilibrage des blocs gauche/droite. Dimanche prochain, pour la première fois depuis 1988, la gauche et François Hollande pourraient même être en tête en Franche-Comté. Dans la région, ce serait quand même une petite révolution.

Extrême-droite, droite et gauche* lors du premier tour des dernières présidentielles en Franche-Comté

(*) Pour l’extrême-droite: J.-M. Le Pen et B. Mégret en 2002; J.-M. Le Pen en 2007 et M. Le Pen en 2012. Pour la droite de gouvernement: J. Chirac, A. Madelin, C. Lepage et C. Boutin en 2002, N. Sarkozy en 2007 et 2012. Pour la gauche de gouvernement: L. Jospin, J.-P. Chevènement, N. Mamère et C. Taubira en 2002, S. Royal, D. Voynet, J. Bové et M.-G. Buffet en 2007, F. Hollande, J.-L. Mélenchon et E. Joly en 2012.

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